Quand on débarque rue Molière en ce gris midi de novembre, le menu nous est présenté par Tom-Tom et Nana eux-mêmes (les nostalgiques de J’aime lire s’y retrouveront). Aux murs, dans les panières et sur les coussins, la toile de Jouy nous attire l’œil. De prime abord, tout est à sa place : les petits marquis courtisent les gentilles bergères, la cheminée des chaumières fume au coin du bois. Et puis, on va y regarder de plus près, comme pour le jeu des 7 erreurs. Mais que fabrique donc cette gente dame sur un Segway ? Et les enfants du charbonnier, ne feraient-ils pas le signe de Jul ?
Au restaurant Annette à Marseille, Ébonie Perez et Lancelot Gardner proposent une cuisine réconfortante et ludique… à la Puissance 4, évidemment ! Nicolas VALLAURIUn goût d’enfance mais travaillé
Bienvenue chez Annette, nouveau restaurant de la rue Molière, sur la place de l’Opéra à Marseille. Dans un ancien comptoir à burgers, Ébonie Perez et son associé Lancelot Gardner, tous deux même pas trentenaires, ont posé leurs envies « d’un lieu joyeux et différenciant », explique Lancelot. Avec pour seul et unique fil rouge les souvenirs d’enfance, qu’on ait d’ailleurs 20 ou 80 ans. « On assume complètement le côté réconfortant et régressif », complète Ébonie.
La cuisine doudou n’est pas une nouveauté. En cœur de projet ou en bonus éphémère d’une ardoise, elle a toujours eu ses partisans. Le risque étant d’oublier l’assiette au profit du concept. « On y est très attentif, plaide Lancelot Gardner. Chez nous, la cuisine et le produit frais et de saison sont au centre du projet. Et les plats d’enfance, on les retravaille, en faisant toujours attention à garder l’émotion. »
Cordon-bleu maison sur une tombée d’épinards, poireaux et haricots plats, pommes de terre grenaille. / PHOTO G.L.
Pain perdu salé avec lequel on sauce le jus de volaille de l’assiette, feuilleté de saucisse comme à la cantine mais avec un ketchup maison, saucisse (de bœuf)-purée traitée en bourguignon, jusqu’au mocktail lait-fraise, tout ramène à nos 10 ans. Le verre à eau aussi, un Duralex bien sûr, avec l’âge au fond (Annette sait parler à la génération X et nous gratifie d’un revigorant 28 ans, nous voilà regonflés à bloc !).
Comme on est fou ce midi, on se permet une petite citronnade pour ouvrir les débats (mais il y a aussi du vin et des cocktails alcoolisés à la carte, que les grands se rassurent). Et on part sur un incontournable, la macédoine de légumes. Bien twistée, toutefois, puisqu’elle est de légumes frais et croquants et qu’elle nous arrive nantie d’un œuf mollet, de palourdes et d’un aïoli. Simple, efficace et délicieux, on sent qu’aujourd’hui, le Monsieur (ou la dame) de la cantine est en forme.
Allez, on poursuit par un autre classique, le cordon-bleu, ici en portion généreuse. Poulet croustillant et pané, tranche de jambon et morbier fondu qui dégouline au premier coup de couteau. Les invariants sont respectés. Sans en faire trop (« on ne veut surtout pas jouer la carte bistronomique », prévient Ébonie Perez), ledit cordon-bleu est tout de même un peu apprêté et posé sur une tombée d’épinards, de haricots plats et de poireaux.
Le poulet du dimanche
Voilà qu’arrive le temps du dessert. On se lève tous pour (la crème) d’Annette ! Plus ferme et cacaotée, moins sucrée et moins grasse que sa cousine industrielle des années 70, surmontée d’un biscuit langue-de-chat maison, on n’en fait qu’une bouchée (enfin quatre en vrai, on est quand même au restaurant, on sait se tenir).
C’est décidé, on reviendra rue Molière pour la formule « poulet du dimanche » à 24 € par personne avec frites maison et salade à volonté, entrée et dessert compris.
