Un silence. Et un affront de plus. Moins violent peut-être que le traumatisme infligé par l’éjection trop précoce d’un Mondial sur ses terres il y a deux ans, mais une désillusion encore, face à cette équipe d’Afrique du Sud, devenue le bourreau désigné d’un XV de France pas assez endurant. Dans un Stade de France glacé malgré la douceur de ce samedi 8 novembre, les Bleus ont une nouvelle fois subi la loi des Springboks (17-32). Presque une déroute.
Il y avait bien sûr un goût de revanche même si les contextes n’ayant pas grand-chose à voir entre une tournée d’automne et une Coupe du monde, les Bleus avaient réfuté cet état d’esprit durant toute la semaine. Pas de regard en arrière donc. Pas de coup d’œil dans le rétroviseur vers cette douleur ineffaçable, ce quart de finale perdu d’un point le 15 octobre 2023 (28-29) dans une enceinte de Saint-Denis qui espérait tant fêter le couronnement de ses héros deux semaines plus tard au lieu de voir l’Afrique du Sud triompher.
Une montagne encore trop haute pour ces Bleus, deux ans après. Avant de contourner l’obstacle, encore faut-il s’y frotter. Et sur ce plan-là, face à une équipe bâtie depuis des temps ancestraux sur le défi physique, tenir est déjà une épreuve en soi. Les Bleus d’aujourd’hui semblaient armés pour ça. Et ils s’en sont plutôt bien sortis durant un peu plus d’une heure. Souvent mis sur les talons mais pas sur les rotules, Gaël Fickou et ses coéquipiers se sont emparés de toutes les munitions à leur portée. Plus habiles dans les transitions, les Tricolores ont trouvé l’ouverture dès qu’ils ont approché de la ligne d’en-but adverse.
Les Springboks plus forts malgré une mi-temps à 14
Avec un maître à jouer à la manœuvre : Thomas Ramos. Et un sprinteur alignant les records : Damian Penaud. Le duo a d’abord planté sa flèche dans le cuir dur des Springboks. D’un coup d’œil avisé, l’arrière des Bleus a renversé le jeu, et de son pied aiguisé, a alerté son ailier esseulé sur son aile droite, filant vers son 39e essai, le plaçant cette fois-ci seul devant Serge Blanco.
On joue alors depuis 7 minutes seulement. C’est à peu près de la même façon que Damian Penaud porte son total à 40 essais vingt minutes plus tard. D’une longue passe cette fois – de Thomas Ramos encore lui -, l’ailier de l’UBB s’échappe et aplatit d’une glissade. Les Bleus, malmenés dans le combat, ont réagi par leur vivacité, leur rapidité d’exécution et leurs initiatives aventureuses. Ils mènent 14-6 alors que la demi-heure de jeu approche et leurs incisions, même si elles sont rares, font mal aux Sud-Africains.
Deux ans après la crispation d’une soirée ratée, d’un rêve brisé, les voilà prêts à enchanter un stade ne demandant qu’à se transformer en chaudron. Mais les flammes sous la marmite ne brûlent pas toutes avec la même intensité. Quelques erreurs flagrantes empêchent cette horde bleue de s’échapper pour de bon. Il suffit d’un mètre de retard du pilier encore un peu vert Régis Montagne pour qu’une porte s’ouvre et propulse le demi de mêlée Cobus Reinach dans l’en-but (33e, 14-13).
Le carton rouge infligé au deuxième ligne Lood De Jagger pour une agression épaule en avant sur la tête de Thomas Ramos (39e) aurait cependant dû donner aux Tricolores l’oxygène dont ils avaient besoin pour étouffer leurs adversaires. Mais leur nette domination durant les vingt premières minutes de la seconde période est restée stérile ou presque, laissant les joueurs de Rassie Erasmus à leur portée, et surtout gonflés d’espoirs.
L’essai en force, au milieu du maul, du centre André Esterhuizen à un quart d’heure du terme n’a fait que traduire la différence de puissance s’imprimant au fil des minutes et laissant les Bleus transpercés et hagards, une fois de plus. Avant deux nouveaux essais en guise de coups de poignard…