Barrée par son père dans sa vocation artistique, la petite Sofie prendra une voie asymétrique, celle de la gymnastique. « J’étais sportive de haut niveau et m’entraînais à Louvain, mais une grave blessure au pied a brisé mon élan. J’avais 18 ans. »

Accidents de sport

Fini les podiums, place aux études universitaires, à la VUB. « J’avais vu qu’il y avait moyen de faire de la recherche en éducation du sport. L’humain m’a toujours intéressée. J’ai constaté qu’il y avait le même type d’études, mais orienté art. J’ai donc choisi cette voie-là. À l’université, je dirigeais aussi l’ASBL UPV qui invitait les professeurs de diverses facultés à faire œuvre de vulgarisation. »

Plus tard, en donnant un coup de main à Art Gent, Sofie Van den Bussche s’est rendu bien compte que les galeries, c’était son truc, mais la sentence paternelle pesait toujours. « Je ferai alors divers métiers. » Comme mère célibataire, d’un petit garçon, après avoir perdu une petite fille victime d’une méningite à 3 ans et demi, elle trouvera bientôt de l’embauche à la Loterie nationale. « J’ai commencé en remplissant les dossiers de subsides, dans les milieux social ou culturel. Et puis, de fil en aiguille, je suis devenue porte-parole néerlandophone de l’entreprise. »

Mais voilà, un nouvel accident de sport, terrible, la mettra à terre tant physiquement que psychologiquement. Il faudra cinq ans à la femme de 50 ans, devenue trop chère sur le marché de l’emploi, pour s’en remettre. « J’ai pu compter sur le soutien de mon fils, d’abord, pour tâcher de retrouver des petits boulots, comme faire l’accueil à la Vlaams Gemeenschapscommitie, à Bruxelles. »

Enfin libre

La rencontre avec son second mari sera décisive. « Il est ingénieur, professeur de robotique. C’est lui qui m’a incitée à enfin me lancer comme galeriste, d’abord un an en collaboration avec Michèle Schoonjans au Rivoli Building, à la Bascule, à Uccle. »

Quand nous la rencontrons, c’est au milieu de l’exposition Tendresse présentant les huiles sur toile très fortes socialement de Mieke Teirlinck, qui était à voir jusqu’à ce samedi. Infirmière à domicile et auprès des plus démunis, retraitée depuis le mois de septembre, cette artiste brugeoise a peint avec toute la douceur de son métier les patients qu’elle a côtoyés, avec leur fragilité physique ou psychique.

Réalistes, ces œuvres vous accrochent et racontent une histoire, qui pourrait être celle de la galeriste, comme la nôtre. « Mon mari, avec son regard d’ingénieur, se charge de l’accrochage des œuvres que j’ai sélectionnées chez l’artiste. J’aime que cette dernière découvre lors du vernissage notre mise en scène de ses toiles. »

Deux d’entre elles pourraient résumer l’histoire de Sofie Vanden Bussche. Côte à côte, sur le mur du fond, l’une montre des réfugiées ukrainiennes sur une route incertaine, l’autre, une chambre avec des lits douillets, comme prête à les accueillir. Elles sont comme le reflet des cinq années de douleur qu’a vécues la galeriste avant de trouver ce lieu où elle est apaisée. « Je suis bien, en compagnie des œuvres que j’ai sélectionnées, avec mon bureau face à la grande baie vitrée donnant sur le canal. Le jour où le bâtiment du Mima rouvrira sous une forme ou une autre, je serai la plus heureuse des femmes. Cela pourrait relancer ce quartier proche de Dansaert où les galeries pullulaient voici 20 ans. »

Depuis cinq ans, Sofie Vanden Bussche défend onze artistes. « Sans arrêt, d’autres me sollicitent pour me rejoindre dans ce bel espace qui accueillera l’étape ‘Savvy Interior Design’, du MAD Parcours qui aura lieu du 12 au 15 novembre dans tout le Pentagone de Bruxelles. J’associerai les meubles avec le travail d’une photographe. »