Un proche conseiller de Viktor Orban a estimé le coût d’une adhésion de l’Ukraine à l’UE.Un calcul qui correspond à « 12 budgets annuels », selon lui.On a vérifié ce chiffre brandi par ce gouvernement pro-russe.
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L’info passée au crible des Vérificateurs
En difficulté dans son pays, le Premier ministre hongrois mise tout sur le rejet de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne (UE). À un an des élections législatives, et avec des sondages qui ne cessent de le faire dégringoler, Viktor Orban a lancé une grande consultation dans son pays. Organisée du 14 avril au 20 juin, elle vise à sonder les habitants au sujet d’une éventuelle intégration européenne de Kiev. Au-delà des arguments selon lesquels une adhésion dévasterait l’économie et l’agriculture du pays, le gouvernement pro-russe assure qu’elle coûterait à l’ensemble des États membres l’équivalent de « douze budgets annuels ».
Cet internaute, relai de la propagande russe, se fait l’écho des chiffres cités par le conseiller d’Orban, le 15 avril 2025 – Capture d’écran
Un argument brandi pour la première fois le 14 avril par Balazs Orban, un proche conseiller du Premier ministre. Au cours d’une conférence économique (nouvelle fenêtre) organisée à Budapest, ce député chargé de conseiller le chef du gouvernement sur sa politique étrangère assure que « l’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne coûtera à l’UE un total de 2,5 milliards d’euros ». « Soit plus de douze fois le budget de l’UE pour 2025 », fixé cette (nouvelle fenêtre)année à plus de 199 millions d’euros. Un chiffre qui provient des « calculs de l’Institut hongrois des affaires étrangères » et repris tel (nouvelle fenêtre)quel sur les réseaux sociaux par des relais de la propagande russe en France. Mais sur quoi s’appuie réellement cette évaluation ?
Un calcul trompeur
Au cours de son discours au forum Economx Money Talks, Balazs Orban additionne le coût de la reconstruction de l’Ukraine, qu’il évalue à 1.000 milliards d’euros, auquel il ajoute 100 milliards de dollars par an pour « maintenir le fonctionnement » du pays, « largement couvert par l’UE ». Sur quelle base de calcul ? Impossible de le savoir. Il n’existe à ce stade aucun document officiel (nouvelle fenêtre)provenant du gouvernement hongrois dans lequel ces dépenses colossales sont décortiquées.
Par ailleurs, aucune source fiable ne confirme cette estimation. Au contraire, les évaluations provenant d’institutions et de collectifs crédibles divergent radicalement de ces conclusions alarmantes. À commencer par les travaux du centre de réflexion Bruegel (nouvelle fenêtre). À partir des règlements actuels et de la structure budgétaire votée jusqu’en 2027, ce groupe, plutôt pro-européen, estime qu’une adhésion de l’Ukraine coûterait entre 110 et 136 milliards d’euros étalés sur sept ans en fonction de la taille de sa population et du territoire.
Ce chiffre englobe 85 milliards d’euros provenant de la Politique agricole commune (nouvelle fenêtre), l’Ukraine devenant le principal bénéficiaire du continent. Une somme qui pourrait baisser si Kiev n’arrive pas à reconquérir ses territoires occupés par la Russie. Ce à quoi le think tank ajoute 32 milliards d’euros relatifs à la politique de cohésion et 7 milliards d’euros provenant d’autres programmes. À noter que certains fonds, dont celui pour les projets de développement, sont limités. Sans celle-ci, l’Ukraine aurait pu bénéficier de 190 milliards d’euros au titre de la politique de cohésion.
Les institutions européennes n’ont quant à elles officiellement publié aucune projection. Mais dans une note interne, dévoilée en octobre par le Financial Times (nouvelle fenêtre), le Conseil de l’UE tablait sur un effort de 186 milliards d’euros sur sept ans.
Le coût de la reconstruction largement surestimé
Une formule qui ne prend pas en compte le coût de la reconstruction de l’Ukraine, que Balazs Orban estime à 1.000 milliard d’euros. Un chiffre authentique, qu’on retrouve dans une analyse publiée (nouvelle fenêtre)en janvier 2023 par le Centre d’analyse des politiques européennes (Cepa). Toutefois, il représente la fourchette la plus haute (nouvelle fenêtre)de toutes les estimations s’étalant sur dix ans. Dans un rapport conjoint (nouvelle fenêtre)publié en février dernier par le gouvernement ukrainien, la Banque mondiale, la Commission européenne et l’ONU, ce coût est bien inférieur. Il est en réalité plutôt évalué à 524 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie, soit 506 milliards d’euros.
Le coût de la reconstruction en Ukraine, selon une estimation publiée en février 2025 – La Banque mondiale, le gouvernement ukrainien, l’Union européenne, les Nations unies
Reste qu’il est trompeur d’inclure ce montant dans les dépenses qui reviendront à l’Union européenne. Le coût de la reconstruction incombera en effet majoritairement à entreprises privées nationales, à des investissements et à des prêts. Toujours dans le rapport publié en février, les institutions financières estiment que le secteur privé « pourrait financer un tiers des besoins totaux de reconstruction à condition que des réformes adéquates soient mises en œuvre ». Ce à quoi il faut ajouter des investissements européens et internationaux déjà en cours, avec des accords noués avec les États-Unis, le Canada ou encore le Japon.
En résumé, le conseiller hongrois a largement surévalué le coût d’une éventuelle adhésion de l’Ukraine. D’après les travaux des chercheurs du groupe Bruegel, spécialisés en politique financière et macroéconomie, ce projet d’adhésion de l’Ukraine ne représentera pas douze fois le budget annuel. Mais entre 0,1 % et 0,13 % du PIB de l’UE.
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Felicia SIDERIS