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Rédaction Paris

Publié le

9 nov. 2025 à 7h30

C’est un petit bistrot situé rue Caulaincourt, au pied de la Butte, constitué de deux salles successives de taille modeste remplies de quelques tables. Malgré ces discrètes apparences, « Au Rêve » est pourtant bien une adresse mythique du quartier de Montmartre. Au cours de son siècle d’existence (il existe depuis 1921) à Paris, l’établissement a accueilli nombre d’écrivains et d’artistes qui y ont côtoyé, parfois jusque tard dans la nuit, simples habitants du quartier et fêtards de tous horizons.

Jacques Brel, Marcel Aymé parmi les clients…

« Au Rêve » a vu Jacques Brel griffonner les premières paroles de « Ne me quitte pas ». Il a été témoin de parties de 421 auquel participait le romancier Marcel Aymé, enfant du quartier ; ou encore assisté à des conversations mettant en scène Claude Nougaro ou Patrick Modiano.

Baptisé « Au Rêve » en référence à l’absinthe qui s’est beaucoup consommé dans les bars alentours, le café-restaurant a la particularité d’avoir été tenu pendant près de cinquante ans – de 1964 à 2008- par une personnalité haut-en-couleur, Elyette Segard-Planchon qui y recevait comme chez elle célébrités et anonymes. L’enseigne à néons, avec son A en forme de Tour Eiffel a ainsi constitué, pendant des décennies, un signe de ralliement pour les noctambules.

Menacé de disparition

Fermé pendant près de trois ans et un temps menacé de disparition, « Au Rêve » a été heureusement sauvé par une équipe de passionnés et soigneusement rénové par les Ateliers studio Saint-Lazare. Le décor a été préservé -des banquettes aux faïences en passant par les anciennes toilettes visibles depuis une lucarne ! -, et l’enseigne aux néons bleutés reconstituée. Si le taxiphone qui servit à des générations d’artistes a désormais rejoint le musée de Montmartre, le bar en bois est toujours là pour accueillir une nouvelle génération de clients. 

« Pour moi, revenir ici, c’était aussi un rêve, le mien », s’amuse Mathieu Renucci, qui a repris les rênes de l’affaire depuis la réouverture en octobre 2023. Le chef et patron -notamment passé par le Violon d’Ingres de Christian Constant (7e) avant de faire un passage dans l’immobilier- a en effet dirigé « Au Rêve » entre 2015 et 2019 avant de créer sa propre affaire non loin de là, Les Carrières, à l’angle des rues Simart et Clignancourt (18e).

« Mais ici, il y a une âme et un état d’esprit toujours vivant qui me manquaient », s’enthousiasme ce cuisinier qui a grandi dans l’hôtel-restaurant familial à Beaugency (Loiret). « Il n’y a pratiquement pas un moment dans la journée où des gens ne se croisent au comptoir et entament spontanément la conversation ».

Une cuisine de bistrot soignée

« Au Rêve » n’attire cependant pas que pour son ambiance un brin nostalgique. Le gérant a eu à cœur, depuis son retour, de donner un nouvel allant aux assiettes et aux verres, tout en maintenant le caractère populaire de l’endroit.

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La cuisine en mouchoir de poche envoie à midi une formule à prix doux (20€ et 23€ avec dessert) et à la carte tous les classiques du bistrot, tous bien exécutés : œufs durs mayonnaise (6e), céleri rémoulade et haddock (11€), terrine de campagne (11€), entrecôte black Angus (25€), tartare (19,5€), suprême de volailles (23€), salade Caesar (16€), crèmes caramel (6,50€) et mousse au chocolat (6€).

Le chef travaille les produits de fournisseurs réputés comme les viandes de Jean-Christophe Prosper du grossiste GRG de Rungis, les poissons de J’Océane ou encore les charcuteries de la maison Conquet,

Les vins de Loire à l’honneur

Côté verres, ce patron moitié corse et moitié ligérien rend hommage à ses deux régions d’origine à la carte des vins. Au nombre, c’est tout de même le Val-de-Loire qui l’emporte avec des flacons déclinant tous les climats ou presque : Gros-Plant nantais, Chinon, Vouvray, Orléans, Touraine, etc.

Amateur de belles bouteilles, Mathieu Renucci teste aussi l’intérêt de sa clientèle pour les grands flacons. A la carte, on retrouve ainsi un Montlouis-sur-Loire du domaine de la Taille aux loups, un Volnay, un Santenay ou encore un Meursault, à des tarifs « raisonnables ».

Aux côtés des habitués du quartier et des visiteurs d’un soir, la clientèle « artistique » n’a pas quitté les lieux
Aux côtés des habitués du quartier et des visiteurs d’un soir, la clientèle « artistique » n’a pas quitté les lieux (©BC)

Aux côtés des habitués du quartier et des visiteurs d’un soir, la clientèle « artistique » n’a pas quitté les lieux. « On croise encore régulièrement ici des chanteurs ou des acteurs qui habitent Montmartre et aiment l’endroit mais aussi des musiciens de la scène électro que vous ne connaissez peut-être pas mais qui se produisent dans le monde entier ».

Le tout se mélange sans a priori, à table comme au comptoir. « C’est bien qu’il reste ici encore un peu de l’esprit Montmartre », se félicite le patron.

Bruno Carlhian

Au Rêve – 89 rue Caulaincourt 75018 Paris – Service continu 7j/7 – Horaires : 7h – 2h – Sauf dimanche jusqu’à 17h avec petite restauration. Téléphone : 09 55 51 39 82

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