Par

Timothy Gaignoux

Publié le

9 nov. 2025 à 11h02

Une poitrine généreuse, un maquillage outrancier, une perruque coiffée et recoiffée, une robe hypercintrée et des talons de 15 cm : elle est devenue une figure incontournable de la scène drag à Rennes (Ille-et-Vilaine). Anne-Marie Kondom, Amaury pour les intimes, se mue en reine de la piste pour faire le show et animer des bingos et blind tests dans des bars de la ville. Du haut de son mètre 93, sa pointure 46 et sa barbe prononcée, Anne-Marie ne passe pas inaperçue. Grande admiratrice de drag-queens sur grand écran, à l’image de Priscilla, folle du désert, Extravagances ou encore Madame Doubtfire, tout la prédestinait à rejoindre la culture drag. actu Rennes a suivi cette tata yoyo figure de proue du mouvement LGBT.

Drôle de job, une série d’actu.fr

Drôle de job vous fait découvrir les coulisses d’un métier hors du commun, de drag queen à nettoyeur de l’extrême. L’objectif : montrer qu’il existe mille et une façons de gagner sa vie, et parfois de la plus insolite des manières.

Drag-queen, une vocation ?

Dès l’âge de huit ans, Amaury se grime en drag-queen pour la première fois. « J’ai enfilé une perruque grise, une jupe en laine, une chemise blanche, des gants et des talons qui appartenaient à une amie de la famille. Je suis resté comme ça toute la soirée », rembobine-t-il.

De là à en faire son métier, c’était trop tôt pour le dire. Sa famille ne voit pas forcément d’un mauvais œil son attrait pour le travestissement. « Même s’il y a eu des a priori sur mon genre qui étaient un peu plus durs à comprendre. Cela a mis du temps, mais c’est bien passé au final. »

Avant de s’y consacrer pleinement, Amaury enseigne l’anglais pendant 11 ans dans les collèges et lycées. « Je faisais des spectacles à côté. Je me suis vu enchaîner 15 jours de travail. Au bout d’un moment, ça devenait compliqué et je donnais cours à reculons », raconte-t-il.

Intégrer la culture drag

Il fait alors la rencontre d’Eva Porée, surnommée la « daronne de Rennes », drag-queen et dessinatrice de talent, qui lui met le pied à l’étrier. « Elle m’a poussé à m’assumer en drag sur scène. Autant j’ai toujours été à l’aise avec mon homosexualité, autant c’était plus compliqué de jouer avec le genre féminin », confie Amaury.

En parallèle, il fréquente le cabaret de Madame Arthur dans le quartier de Pigalle à Paris. « On voyait des drags incroyables qui chantaient sur scène, ce n’était pas juste du playback, et qui faisaient des parodies, de la comédie. »

Il n’en faut pas plus à Anne-Marie Kondom pour franchir le pas et y consacrer 100 % de son temps. Son personnage de drag haut en couleur, loufoque et sexy se fait une place dans plusieurs établissements rennais, dont L’Attrape-Rêve et L’Overlook.

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J’ai un drag qui ne se prend pas trop au sérieux. Je suis la tata yoyo qui fait des blagues de papa. La tante quinquagénaire au repas de famille qui se farde énormément et qui vous balance des blagues nulles toute la soirée. Mais par contre, c’est celle qui vous a fait essayer une cigarette pour la première fois et qui vous a donné des préservatifs sous la table quand vous aviez 15 ans.

Amaury
Drag queen

Un costume qui vient servir un message

Sa facette teintée de maquillage coloré et son corps costumé de la tête aux pieds lui permettent de faire passer plus facilement des messages politiques et sociaux. « Un personnage peut dire beaucoup plus de choses et avec beaucoup moins de sérieux. Les drag-queens sont un peu des ‘social justice warriors’ et des figures de proue du mouvement LGBT. »

Anne-Marie Kondom dans son atelier drag improvisé chez elle.
Anne-Marie Kondom dans son atelier drag improvisé chez elle. (©Timothy Gaignoux / actu.fr)

Sans en oublier la cause féministe. « On nous accuse souvent de misogynie parce qu’on se moquerait des femmes. Au contraire, on se moque de la façon dont la société cantonne les femmes dans un rôle et dans une apparence », insiste Anne-Marie Kondom.

Un salaire en dents de scie

En vivre pleinement n’est pas simple tous les jours. Même si Amaury bénéficie désormais du statut d’intermittent du spectacle, il doit compter sur la confiance des bars qui l’accueillent régulièrement et jongler avec des costumes parfois onéreux. « Une tenue sur mesure coûte entre 300 et 700 euros et une perruque entre 200 et 500 euros. »

Anne-Marie Kondom sur la scène du Little Delirium à Rennes (Ille-et-Vilaine).
Anne-Marie Kondom sur la scène du Little Delirium à Rennes (Ille-et-Vilaine). (©Timothy Gaignoux / actu.fr)

Alors pour faire des économies, Amaury se limite à une tenue par mois et étale ses achats. « Tout n’a pas besoin d’être cher, ça dépend de nos points forts, moi ils sont sur scène. J’anime, je fais rire et je communique avec le public », énumère-t-il.

Je pars du principe que si on me paye pour faire quelque chose, c’est un métier. Et il me semble que l’Urssaf est plutôt d’accord avec moi puisque je cotise comme tout le monde.

Amaury

Résister aux messages de haine

Si les drags continuent de faire leur « bonhomme de chemin », en partie grâce à l’émission Drag race France qui a connu un engouement national, Anne-Marie Kondom, très connectée sur les réseaux sociaux, déplore encore des messages de haine.

« Il y a toujours des gens qui ne comprennent pas la dimension artistique et absolument pas agressive du drag. Souvent, ceux qui nous attaquent prétextent : ’laissez nos enfants tranquilles.’ Je n’ai jamais compris cet argument. On est là pour divertir. »

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