Journée de larmes et de silence autour de l’établissement de Notre Dame de Toutes aides à Nantes (Loire-Atlantique), dans le quartier de Doulon. Dès le début d’après-midi ce vendredi 25 avril, les abords étaient bouclés par la police en prévision du rassemblement à 15 h 30 en hommage à Lorène, l’adolescente tuée la veille, lors de l’attaque au couteau survenue dans le lycée. Parmi les autres victimes, trois blessés dont un dans un état grave qui s’est «amélioré», selon le procureur de la République de Nantes, Antoine Leroy.
Le mis en cause, qui venait de fêter ses 16 ans, était scolarisé à Notre Dames de Toutes aides depuis 2021. Il était «extrêmement solitaire», «fasciné par Hitler», et était «à l’évidence suicidaire», a Antoine Leroy lors d’une conférence de presse organisée vendredi en fin de journée. Le magistrat a écarté l’hypothèse d’une situation de harcèlement comme celle d’une «potentielle relation affective» entre lui et Lorène. Mais paradoxalement, «c’était la seule personne de ce lycée avec laquelle il pouvait, selon lui, avoir un dialogue de qualité. Il l’appréciait.»
L’hommage était organisé par le comité des élèves de l’établissement. Dans un message relayé en amont sur les réseaux sociaux, le père de la jeune fille a salué une «très belle initiative pour toutes les victimes» et demandé de préserver «l’image de Lorène telle que nous avons tous pu la connaître». Il a notamment prié les participants de ne pas déposer de photos de l’adolescente, de ne pas divulguer son nom de famille et de ne pas répondre aux journalistes, afin que son souvenir ne soit pas «seulement lié à cette tragédie». Une consigne également partagée par l’établissement et suivie à la lettre par les élèves.
Aux alentours de 15 heures, la place du tramway, à l’entrée du lycée, se couvrait déjà d’une vague blanche, la couleur choisie pour l’occasion. Seuls les élèves de l’établissement privé sous contrat étaient autorisés à participer au rassemblement. Un filtrage était ainsi réalisé à l’entrée pour que la cérémonie puisse se tenir dans l’intimité, à l’intérieur du lycée. Paul, en terminale, attend sous un magnolia son groupe de copains pour pénétrer dans l’enceinte : «pour moi le lycée c’est l’endroit le plus safe du monde mais on se rend compte que ça peut arriver partout». A côté de lui, une femme avec deux roses blanches sanglote. «Je ne peux pas parler c’est trop dur. Je suis venue pour mes enfants scolarisés ici.»
Peu à peu, il ne reste plus que les personnes extérieures, ceux des lycées alentours ou les parents venus se recueillir. Parmi eux, une ancienne élève de Notre Dame de Toutes Aides se confie : «j’espère que la famille pourra voir à quel point on est tous solidaires, j’espère que ça va leur faire chaud au cœur, même pour les personnes qui ont été blessées et pour celles qui ont été trop traumatisés.»
Vers 16 h 30, après environ une heure de cérémonie, les adolescents sortent, le visage fermé. «On a déposé des fleurs sur un autel et on a lu des textes. Ensuite il y a eu une minute de silence», détaille une lycéenne avant de s’éclipser. Nombreux sont ses camarades à «[préférer] ne donner aucune information», conformément aux souhaits émis par les parents de Lorène. Les mines sont graves, les têtes basses, les yeux rougis. Puis quelques sourires reviennent à mesure d’accolades.
Au-delà de la commémoration officielle, des Nantais ont afflué dès le début de la matinée pour déposer une fleur ou un bouquet. Sans aucun lien avec l’établissement, Vanessa, mère d’une fille de 15 ans et mariée à un enseignant, se sent particulièrement concernée par l’agression mortelle : «je viens rendre hommage à cette jeune fille qui est venue au lycée pour apprendre et qui n’en est pas ressortie vivante». Anne, une autre mère de famille s’indigne en réprimant un sanglot : «Ça fait des années qu’on dit que la santé mentale des jeunes est au plus bas. Moi, je ne vois rien de fait dans les écoles pour ceux qui ne vont pas bien». Elle n’excuse pas l’acte du suspect pour autant.
Seules la primaire et l’élémentaire de Notre Dame de Toutes aides étaient ouvertes ce vendredi pour accueillir les plus jeunes. Derrière des lunettes à la monture bleue écaillée, Stéphanie, venue déposer un de ses enfants dans sa classe de CM1, évoque son second fils scolarisé au collège. Il est resté chez eux aujourd’hui : «pour lui c’est très confus», confie-t-elle. À bientôt 12 ans, le jeune garçon «a vraiment compris qu’il y avait eu un mort mais les circonstances sont floues. Il est persuadé d’avoir vu des agresseurs courir dans sa direction, alors qu’il était à la cantine [au moment des faits]».
Une cellule psychologique était ouverte ce vendredi au sein de l’établissement. Elève dans le lycée voisin de La Colinière, Maxime a la gorge nouée : «ça restera pour toujours l’histoire de notre quartier.»