À quelques jours de la commémoration des attentats du 13 novembre 2015, plus de 1700 personnes ont pris part dimanche à une course, pensée comme «une vague positive qui passe par là, pour ajouter de la vie là où il y a eu des morts», selon la vice-présidente de l’association française des victimes du terrorisme.

Au pied du Stade de France embrumé, plus de 1700 personnes se sont élancées dimanche matin dans une «course pour la liberté», reliant ensuite tous les lieux où, le 13 novembre 2015, des commandos du groupe terroriste «État islamique» tuaient 130 personnes et blessaient des centaines d’autres. L’arche de départ a symboliquement été placée devant la plaque rendant hommage à Manuel Dias, tué devant l’enceinte sportive, première victime de la série d’attaques perpétrées il y a quasiment dix ans.

Très émue, Sophie Dias, sa fille, a été longuement applaudie par la foule transie par le froid matinal. «N’oublions pas les valeurs de la République,» a-t-elle sobrement plaidé juste avant de donner le départ. L’Association française des victimes du terrorisme a été à l’initiative de la manifestation, déclinée en une «marche de l’égalité» à Paris dans l’après-midi et un «village de la fraternité», installé sur le parvis de l’Hôtel de ville de la capitale.


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L’idée de ce triptyque a germé dans l’esprit de Catherine Bertrand, vice-présidente de l’association, dans le sillon des Jeux olympiques de Paris 2024, «une euphorie collective», constellation de «moments extrêmement fédérateurs» qui fut réconfortante pour cette rescapée des attentats de 2015. «C’est la France qui a été attaquée ce soir-là, ce n’est pas moi. Tout le monde est concerné de près ou de loin par les attentats du 13-Novembre», rappelle-t-elle.

«Une vague positive»

Contre la déferlante mortifère des djihadistes d’il y a dix ans, la course a été pensée comme «une vague positive qui passe par là, pour ajouter de la vie là où il y a eu des morts», explique Catherine Bertrand. Elle tient également à «ne jamais oublier les victimes des attentats des terrasses et du Stade de France, qu’on oublie trop souvent», contrairement à celles du Bataclan. Dans la nuée de coureurs qui s’échauffent avant le départ, Julie Leblanc prend en photo son dossard, auréole du Stade de France en perspective.

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«Cela passe très vite dix ans et ça a été marquant pour tout le monde, donc il ne faut pas l’oublier et on court pour ça», témoigne la jeune femme de 30 ans portant l’uniforme du jour: T-shirt orange floqué du logo «13-Unis», nom donné à la manifestation sportive. Le Petit Cambodge et le Carillon, la Bonne Bière et Casa Nostra, le Bataclan, le Comptoir Voltaire, la Belle Équipe: la course de 16 kilomètres est passée par les zones mémorielles.

Sur la place de la République, Jean-Marc Domart, 80 ans, dépose une petite bougie pour rendre hommage aux victimes et «dire plus jamais ça». Quelques minutes plus tard, vers 14h00, la «marche de l’égalité» s’élance, sous le soleil et en musique, rassemblant entre 2.000 et 3.000 personnes. «Je voulais juste préciser aux victimes d’attentats qui sont avec nous aujourd’hui qu’il y a un dispositif de psychologues s’il y a besoin», rappelle au micro Catherine Bertrand. Leslie marche vers le Bataclan, où 90 vies ont été fauchées. «C’est important de montrer de la solidarité face à ce genre d’événement, impensable et terrible», estime cette femme de 37 ans.

«Cohésion»

Pour Bruno Cuaz, 66 ans, ces attentats représentent le «comble de l’inhumanité». «Je suis là parce que c’est un événement qui m’a énormément marqué il y a dix ans», confie ce journaliste, très ému. Claire Resonnet, étudiante de 20 ans, est venue pour «se souvenir» et trouve qu’une telle marche «montre la cohésion» qui reste malgré le temps qui passe. Arrivée devant le Bataclan, la foule s’arrête, marque un long silence. Les visages sont graves, l’émotion vive, les yeux tournés vers la salle de spectacle où certains déposent des bougies ou des fleurs.

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Des applaudissements nourris interrompent le silence et la foule repart vers l’ancien café Comptoir Voltaire et la Belle Équipe. «J’ai perdu mon compagnon au Bataclan. Là, au moment où je vous parle, autour de moi, il y a ses copines de lycée. Il y a sa cousine», énumère Aurélie Silvestre, évoquant aussi la présence des siens: sa sœur, son père «qui n’est jamais venu», et son frère «qui n’est jamais passé devant le Bataclan».

«Il y a tous ces gens-là autour de moi. C’est inédit. C’est super beau», dit-elle à l’AFP. Et ses enfants eux non plus n’étaient encore jamais venus devant le Bataclan. «Ma fille avait une petite rose, elle l’a déposée devant la salle, et il y avait toute la famille autour. C’était très beau.»