Depuis deux décennies, Enquête Exclusive s’est imposé comme l’un des rendez-vous incontournables du journalisme d’investigation, du grand reportage à l’international à la télévision. Créée en 2005, après quelques années avec Les Docs de Zone Interdite en deuxième partie de soirée, l’émission incarnée par Bernard de La Villardière a parcouru la planète, parfois au péril des équipes, pour tenter de raconter le monde, tant par ses dérives, ses violences, que par ses réussites, ses unions, quelles qu’elles soient. Dès le début, elle s’est distinguée par la présence du présentateur sur le terrain à l’image des « anchormen » anglo-saxons. Bernard de La Villardière se souvient auprès de Télé-Loisirs : « Je me souviens d’un des premiers tournages à l’extérieur, c’était au moment du Tsunami. Je me souviens que j’avais convaincu la chaîne d’y aller. On s’était battu mais je ne pouvais pas présenter cette émission dans un studio. Il fallait que j’aille sur place. La première année, c’était un numéro par mois. Et je faisais des interviews d’experts en fin de documentaire en studio, même en régie. Parce que c’était trop cher d’ouvrir le studio. Et puis très vite, je leur ai dit que pour la même somme, on pouvait aussi payer un billet d’avion. Et ça a très bien marché. » Le succès du format conforte la chaîne dans cette orientation.
Bernard de la Villardière (Enquête exclusive) : « Tous les collaborateurs ont été convoqués par les services secrets algériens »
Un choix qui n’a rien d’évident, tant les terrains ciblés se révèlent parfois difficiles. L’accès à certains pays, à certaines institutions s’avère un défi. « Nous contactons souvent le Quai d’Orsay et la diplomatie française. Parfois, il nous est recommandé de ne pas y aller. République centrafricaine, Afghanistan… Ils savaient qu’on irait », liste le journaliste. Et d’ajouter : « Et nous disaient alors qu’il fallait avoir une voiture blindée, plus une escorte d’une douzaine de personnes, plus aller absolument dans cet hôtel extrêmement sécurisé. » Certains tournages ont valu aux journalistes des convocations judiciaires. « J’ai reçu une commission rogatoire internationale. C’est un juge d’instruction algérien qui me convoquait un mois plus tard, à Alger, pour une mise en examen, parce que j’avais participé à la production d’un documentaire sur l’Algérie. J’avais fait travailler les équipes sur place sans autorisation », assume Bernard de la Villardière. Tous les gens qui ont participé au sujet de près ou de loin ont été convoqués par les services secrets algériens. Ils ont fait l’objet de pression. Eux, leur famille… L’Algérie fait partie des pays où c’est très difficile de tourner. » C’est pourtant dans des contextes qui semblent moins sensibles que des tournages d’Enquête Exclusive ont pu se révéler parmi les plus complexes.
« La vérification est très intrusive et très pénible » : Bernard de la Villardière raconte ses difficultés pour tourner Enquête Exclusive
« Historiquement, je dis souvent que c’est en France que j’ai eu le plus de mal à tourner. J’ai été chassé du port du Havre, par exemple », nous lâche Bernard de la Villardière. Les accès ne sont jamais garantis et parfois il requiert certaines conditions de vérification. Comme en témoigne encore le présentateur : « Je comprends qu’il puisse y avoir un visionnage technique pour préserver les secrets de défense notamment, mais, parfois, la vérification est très intrusive et très pénible. Quand les portes ne se ferment pas complètement. Par exemple, travailler dans un hôpital public, à l’APHP, c’est ‘Fort Knox’. On y parvient, mais il faut tout justifier. Il y a toujours cet objectif de contrôler l’information et de fermer les portes pour cacher des faits et ne pas dévoiler l’ampleur du désastre. »
Parmi les anecdotes, Bernard de la Villardière et sa femme se rendaient en Égypte, en vacances, pour plonger. Peu de temps avant, M6 avait diffusé un numéro d’Enquête Exclusive sur le pays. Les autorités locales ont alors renvoyé le journaliste, suivi par sa femme, chez lui. Pas accès exclusif…