Plusieurs centaines de personnes amassées autour des secours et des forces de l’ordre, alors qu’un immeuble, rue Michelet, est la proie des flammes, après des violences urbaines, détruisant des appartements. Une ambiance tendue et confuse, accompagnée d’un nuage de lacrymogène, a gagné le quartier sensible des Alagniers, à Rillieux-la-Pape, samedi après-midi, propice a posteriori à toutes sortes d’ouï-dire.
En colère, certains sinistrés ont accusé les autorités de tous les maux, samedi soir, au cours d’une rencontre dans un gymnase où ils étaient pris en charge. Des rumeurs se sont propagées comme une trainée de poudre, relayées avec insistance à notre rédaction dimanche. Le Progrès a questionné les autorités sur ces déclarations.
« Les pompiers ont mis trop de temps à intervenir, entre 20 et 40 minutes » ?
C’est l’un des griefs relayés par des habitants, et il est vigoureusement démenti par la préfecture. « Le premier engin, une échelle, arrive sur place 7 minutes après que le papier relatif à l’intervention a été imprimé » à la caserne de Rillieux-la-Pape. « D’autres engins sont arrivés de la Croix-Rousse (Lyon) en 13 minutes ».
D’après le maire et le syndicat de pompiers Sud Sdmis, il s’est écoulé 11 minutes entre l’appel au 18 et l’arrivée de la grande échelle de Rillieux. « On ne l’a à disposition qu’une centaine de jours par an, ce qui est un problème vu le nombre d’immeubles dans la ville. Par chance, elle était là samedi, précise un représentant syndical. Sur place, les pompiers ont reçu des pavés. Pas des cailloux, des pavés ! » Sans faire de blessé. « C’est injuste de penser qu’on met délibérément du temps à arriver. »
Compte tenu du risque de violences dans les quartiers sensibles, habituellement, « on se donne rendez-vous à un endroit préétabli avec les services de police qui nous escortent pour notre sécurité. C’est une conséquence concrète des multiples agressions dont nous sommes victimes. On ne peut pas faire autrement », poursuit cette source. Mais cette situation, qui rallonge le délai d’arrivée, ne s’est pas présentée samedi, la police étant déjà sur les lieux pour lutter contre les violences urbaines.
« Rien ne prouve que les jeunes ont déclenché le feu » ?
Des riverains remettent en cause la version des autorités : un mortier d’artifice, tiré par un délinquant, est à l’origine de l’incendie de l’immeuble. Ils pointent une éventuelle responsabilité des policiers, qui ont fait usage de lacrymogène. La thèse est aussi évoquée sur Facebook par une élue d’opposition, plan à l’appui pour montrer la distance entre le lieu du tournage sauvage du clip qui a dégénéré et celui de l’incendie(1).
« Il faut couper court à cette rumeur, a réagi la préfète, Fabienne Buccio. Quand j’ai un doute, je dis que j’ai un doute. Là, j’ai vu les images, il n’y a pas de doute possible. La position des policiers ne leur permettait pas, même s’ils avaient tiré, d’atteindre la façade. Les lois de la physique rentrent en vigueur. »
« Je trouve indigne de mettre le doute dans l’esprit de gens qui ont perdu leurs appartements, leurs effets, une partie de leur vie », ajoute la représentante de l’État. La préfète loue une « intervention exemplaire » des pompiers et policiers : « Les importantes dégradations sont le fait des voyous. »
Le feu s’est déclenché à la fin du tournage du clip : des participants venaient de prendre à partie une voiture de la brigade spécialisée de terrain, stationnée à distance, en la visant avec des mortiers d’artifice, détaille la préfecture. Ces policiers ont dû sortir du véhicule et riposter par des tirs de lacrymogène avec des lanceurs Cougar, de même source. « On voit très bien que les tirs de mortiers d’artifice effectués en direction des policiers, avec la façade de l’immeuble à proximité, sont à l’origine de l’incendie », sur des images de vidéoprotection, complètent les services de l’État.
« Il n’y a pas de caméras ici » ?
« On avait réinstallé ces caméras, détruites par des voyous, 24 heures avant », se félicite le maire, Alexandre Vincendet (Horizons) qui coupe court lui aussi aux rumeurs. « Les policiers avaient aussi des caméras portatives. On a un grand nombre d’angles, on voit très bien comment ça s’est passé. La vérité est simple. C’est scandaleux qu’une partie de l’opposition vende une version alternative, qui est celle des voyous », se désole l’élu. Samedi soir, « des gens du quartier appelaient aussi les enfants des sinistrés pour leur dire “Ce n’est pas nous” », déplore le maire.
(1) Dans son post Facebook, Élise Sabin évoque une « version alternative », où « un mauvais tir de lacrymo » de la police pourrait avoir déclenché l’incendie, « il sera sans doute difficile de savoir qui dit vrai ». Elle rapporte en outre des propos de « nombreuses personnes » qui se sont plaintes du délai d’intervention des pompiers, de « plus d’une heure », tout en remerciant les soldats du feu.