Par
Gabriel Kenedi
Publié le
9 nov. 2025 à 16h18
Le saviez-vous ? « L’enfant terrible du jazz » s’appelle Daoud… et il habite à Toulouse ! En pleine ascension depuis plusieurs années, ce trompettiste, beatmaker et producteur de talent avait déjà donné un concert à guichets fermés au Metronum en mai dernier.
Le revoilà donc quelques mois plus tard au Bikini, mercredi 12 novembre 2025. Entre temps, Daoud a sorti un nouvel album, sobrement intitulé « OK » (son premier sorti chez ACT, prestigieux label de jazz indépendant basé à Munich) et qui a déjà été streamé plus d’un million de fois depuis sa sortie sur les plateformes. Un album riche de 14 titres qui explore l’échec, la perte, la répétition « et l’absurdité douce de prétendre que tout va bien ». Personnage singulier dans le monde du jazz, Daoud casse volontiers les codes dans cet album qui mêle sonorités hip-hop, rock, afrobeat ou encore drum’n’bass… Éclectique, donc !
En pleine ascension
Faire le Bikini, c’est forcément un aboutissement pour ce trentenaire au parcours tortueux, originaire de la banlieue nancéienne, qui a débarqué à Toulouse il y a quelques années. Après le Bikini, il sera en concert à la Machine du Moulin Rouge à Paris avant d’entamer une tournée internationale en 2026, qui passera à New York, Londres ou encore l’Allemagne. Trop fort, Daoud ! En attendant son concert, Daoud nous parle de son parcours, en long, en large et en travers.
Interview avec musicien qui n’a pas fini de faire parler de lui !
« C’est un album de galérien »
Actu : Comment définis-tu cet album ?
Daoud : C’est un album de galérien, un peu. J’ai eu deux ou trois ans un peu compliqués sur le plan pro et perso. Il m’a fallu développer un sens de l’abnégation assez fort pour traverser ces épreuves, et c’est au cœur de cet album ! Toujours avec un peu de sarcasme et d’humour.
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Tu parlais de trois ans compliqués… Tu veux nous en parler ?
Daoud : Il y a eu le décès de ma maman, une rupture, des grosses galères au niveau profesionnel. Quand tu commences à avoir du succès alors que tu viens de nulle part, ça attire des gens bienveillants, et d’autres non. Donc, j’ai eu beaucoup de désilusions, surtout quand tu estimes que tu n’as pas le succès nécessaire pour te faire embrouiller par le business. Moi, ça fait longtemps que je suis dans ce métier, plus de 15 ans maintenant. Je pensais que j’avais fait un peu le tour du sujet, dans le négatif comme dans le positif… Mais non ! Mais bon, j’essaie d’apprendre de mes erreurs. Et ça commence à s’appaiser. J’ai l’impression d’avoir trouvé les bons partenaires. Il y a une energie constructive qui se met en place autour de moi. Et ça fait du bien !
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« Il a fallu que je m’isole »
Quand tu traverses des épreuves, ton réflexe, c’est de te concentrer sur la musique ?
Daoud : La solution, pour moi, ça a été de développer un maximum de force de travail. Pour pouvoir composer, il a fallu que je m’isole. La majorité des morceaux, je les ai composés dans la cambrousse du Québec, au mois de novembre 2024, au bord d’un lac. Je n’avais pas Internet, rien. Juste un ordi, un clavier et une trompette. Je suis revenu à Toulouse en décembre, on a répété les morceaux et on les a enregistrés en janvier, mixé en mars… C’est allé très vite, finalement !
Il paraît que tu veux tout contrôler dans ton approche de la musique. C’est vrai ou faux ?
Daoud : J’ai un œil sur tout, c’est sûr ! Moi, je veux pouvoir être cohérent et défendre les choix qui ont été faits dans la direction artistique. Être présent, c’est important. De la réalisation des clips, au mixage au mastering, je veux être là. L’idée, c’est d’amener le sujet le plus loin possible et d’amener les gens super talentueux, de les amener les plus proches du but, et de les laisser apporter ce qui va faire que la contribution sera spéciale.
« Qui aurait parié sur un trompettiste que personne ne connaît ? »
Dans cet album qui est super bien produit, et où la musique électronique prend de la place, il y a comme un sentiment d’urgence qui se dégage…
Daoud : « Oui, c’est vrai, avec cet album, on a voulu pousser les curseurs. Mon précédent album, c’était un coup d’essai. Un prototype, un proof of concept, qui avait été fait avec un budget ridicule. Mais on a prouvé que ça pouvait marcher. Car sinon, qui aurait parié sur un trompettiste à Toulouse que personne ne connait ? Personne ne l’aurait fait ! »
Quelle est ton approche de la musique ?
Daoud : L’idée, ce n’est pas de nier l’existence du public, dans un genre ou parfois ça a pu arriver. C’est contreproductif, et c’est pas fun. Si j’étais le seul humain au monde, je ne ferais pas de musique. Pour quoi faire ? La musique, c’est pas un monologue. C’est un langage. Les gens qui disent que s’ils étaient seuls au monde, ils feraient quand même de la musique, ce sont des menteurs. La musique n’existerait pas, comme le langage ! Pour moi, la musique, c’est de l’artisanat. J’ai des horaires de bureau ! Je bosse 7 jours sur 7, de 9 heures à 17 heures. C’est pas très sexy comme réponse, j’en suis conscient.
« À Toulouse, j’ai halluciné ! »
Venons-en à Toulouse. Comment es-tu arrivé dans cette ville ?
Daoud : Je suis arrivé en 2019. Avant, j’étais dans le Gers, pendant quasiment trois ans. J’étais croque-mort et barman dans un PMU. J’avais arrêté la musique pendant quelques années, je rentrais de trois ans aux Etats-Unis à tourner avec un groupe là-bas. Quand ma maman est tombée malade, à Nancy, la ville où je suis né, j’ai voulu rejoindre la grande ville la plus proche de là où j’étais, pour pouvoir faire plus facilement des allers-retours s’il y avait besoin. Et ça m’a plu ! Je savais qu’il y avait un vivier de super musiciens… mais j’ai halluciné !
Et c’est donc à Toulouse que tu as choisi de développer tes projets.
Daoud : « Dans un pays aussi centralisé que la France, surtout au niveau culturel, développer son projet loin de Paris, c’est souvent un pari très risqué. Donc il y avait quand même un petit côté militant dans le fait de développer mon projet à Toulouse. Attention, il y a certains musiciens qui arrivent à avoir un rayonnement national et international depuis Toulouse, mais c’est très difficile. En jazz, je pense notamment à Rémi Panossian, qui tourne dans le monde entier. C’est donc à Toulouse que j’ai créé mon label, ma propre maison d’édition, ma boîte de production et que j’ai enregistré mes albums, avec des musiciens de Toulouse. Je suis co-producteur de mes albums et j’aimerais à l’avenir, sortir des artistes toulousains sur mon label ».
« J’étais obsédé par les clowns et le cirque »
La trompette, c’est venu à quel moment dans ta vie ?
Daoud : Tout petit ! J’étais obsédé par les clowns et le cirque. À l’époque, dans les années 90, il y avait à la télé au moins une fois par semaine un spectacle de cirque. Et j’ai dû voir un clown voir jouer de la trompette ! Du coup, pendant très longtemps, depuis mes trois ans jusqu’à très tard, c’était mon projet professionnel de devenir clown. Et pour mon CV de clown, je me suis dit que la trompette pouvait être un plus. Et de toute façon, il fallait que je fasse un instrument, parce que ma mère était prof au conservatoire à Nancy. Dans la famille, tout le monde a fait le conservatoire. Quand tu viens d’un milieu social moins privilégié, comme moi, il n’y avait pas de frais d’inscription. Donc on a pu avoir une éducation musicale de qualité, même si le conservatoire a de gros défauts, surtout dans les années 90 ! J’ai arrêté à 15 ans car le système pédagogique ne me convenait pas du tout.
« Si tu attends que les gens viennent dans un club de jazz… »
Tu avais rempli le Métronum en mai dernier et te voilà maintenant programmé au Bikini. Comment abordes-tu cette date ?
Daoud : C’était une volonté de ma part ! Si tu attends que les gens viennent dans un club de jazz, tu vas mourir dans le club de jazz tout seul (rires) ! Les gens, il faut aller les chercher là où ils sont. Le but, c’est de mettre la barre moins haute possible pour que les gens acceptent de prendre le risque. Ils ont regardé le programme, sans forcément me connaître, et pris le risque de venir me découvrir. Le but, c’est que le risque soit le plus facile à prendre possible. Proposer un tarif à 20 euros la place, c’est important. Cela fait partie du jeu ! Au Métronum, je n’avais jamais vu un public aussi diversifié en termes d’âge et de genre pour un concert de jazz. C’est vraiment mon but ! Que ce soit facile de venir à un concert de jazz, même pour les gens qui ne seraient jamais venus dans un club de jazz. Ça implique d’être présent là où les autres ne vont pas ! Et j’ai vraiment hâte !
Daoud en concert au Bikini. Mercredi 12 novembre 2025, à 19h30. Tarifs : 20 à 25€.
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