La hache de guerre est peut-être enfin enterrée entre les régions Normandie et Île-de-France. La LNPN, ce projet de ligne de trains plus rapides entre Paris et notre région, était jusque-là au point mort, du fait notamment de blocages côté franciliens. Ce mercredi 5 novembre, une concession normande a permis de relancer la machine. Explications.
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On croyait le projet définitivement enterré au vu de la véhémence avec laquelle Valérie Pécresse avait décidé d’y mettre un coup d’arrêt.
En septembre 2024, lors de son assemblée plénière de rentrée, la présidente de la Région Île-de-France avait fait voter une motion contre la LNPN (Ligne nouvelle Paris-Normandie) qui laissait peu de place à un espoir de la voir, un jour, sortir de terre. Le premier tracé imaginé avait d’ailleurs été tout simplement abandonné.
Mais cet été, un vent nouveau d’enthousiasme a soufflé sur les élus des deux régions. Un comité de pilotage de la Ligne Nouvelle Paris-Normandie s’est réuni début juillet à Giverny, avec tous les principaux protagonistes du dossier. De quoi déjà présager un potentiel accord sur la LNPN.
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Un rassemblement qui s’est tenu le 1er juillet 2025.
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©Martin Cribier, Dounia Sirri-Ourad.
Ce mercredi 5 novembre, ce qui n’était qu’une hypothèse est devenu réalité.
Des délégations des deux régions se sont rencontrées à Bonnières-sur-Seine, dans les Yvelines, pour rediscuter de l’avenir du rail entre la Normandie et l’Île-de-France.

La réunion du 5 novembre a rassemblé (de gauche à droite) : Jean-Baptiste Gastinne, vice-président de la Région Normandie en charge des Transports, Hervé Morin, président de la Région Normandie, Pierre Bédier, président du Département des Yvelines, Cécile Zammit-Popescu, présidente de la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise, et Florence Portelli, vice-présidente de la Région Île-de-France.
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© France 3 Paris Île-de-France
Au terme de cette réunion, de vrais accords ont émergé, comme le retranscrit un communiqué de presse conjoint rédigé ce jeudi 6 novembre :
Le maintien des dessertes de Mantes, Bonnières, Rosny-sur-Seine et Bréval par les TER de la Région Normandie au-delà de la mise en service d’Eole à l’horizon 2030, et la réouverture de discussions sur le projet de la nouvelle ligne Paris-Normandie (LNPN) sur de nouvelles bases.
Communiqué de presse conjoint des Régions Normandie et Île-de-France
En l’état, il s’agirait donc d’un « deal » entre les deux régions : la Normandie accepte de revenir sur sa volonté de suspendre, pour les trains entre Rouen et Paris, les dessertes du mantois (les villes citées ci-dessus) en 2030, décision qui avait été prise en lien avec la mise en service à cette date d’Eole, le prolongement du RER E qui connectera Mantes-la-Jolie à Paris.
En contrepartie, l’Île-de-France s’est engagé à lever sa fin de non-recevoir concernant la LNPN.
« C’est un geste significatif de la part d’Hervé Morin, s’enthousiasme Florence Portelli, vice-présidente de la Région Île-de-France, avant de calmer le jeu. Cela ne veut pas dire qu’on est pour le projet de la LNPN tel qu’il est présenté actuellement. Mais on peut au moins essayer de trouver une solution qui aille à tout le monde, en bonne intelligence. »
« Cela ne signifie ni plus, ni moins de trains qu’aujourd’hui », tempère Jean-Baptiste Gastinne, vice-Président de la Région Normandie en charge des transports. Concrètement, il s’agit donc d’un statu quo, les trains ne s’arrêteront pas plus souvent dans les gares yvelinoises qu’aujourd’hui. Aucun changement du temps de parcours n’est à prévoir pour les usagers.
Un engagement qui reste fort pour les Yvelinois. Car les gares de Bonnières-sur-Seine, Rosny-sur-Seine et Bréval ne seront pas desservies par Eole. La suspension des arrêts des trains normands aurait donc été un vrai problème pour les habitants de ces villes, moins bien connectés à Paris.

Tracé de la ligne actuelle entre Rouen et Paris, qui dessert Bonnières-sur-Seine et Bréval.
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© France 3 Paris Île-de-France
« C’est donc à la fois une concession et un moyen de pression, glisse Jean-Baptiste Gastinne. Nous maintiendrons ces trains tant que la Région Île-de-France soutiendra le projet Ligne Nouvelle Paris-Normandie. »
Pour l’heure, et les élus normands ne sont pas dupes, cette reprise des négociations ne vaut pas blanc-seing pour le projet.
Concrètement, les Franciliens ne se sont pour le moment engagés que sur le financement de nouvelles études d’impact de la LNPN (montant total : 26 millions d’euros). Le vote de ces crédits aura lieu en séance plénière le 19 novembre prochain.
Ces études, qui pourraient donc débuter dès cette fin 2025, devront ainsi évaluer les nuisances pour les riverains et comment les limiter, ainsi que le coût environnemental du projet, en particulier sur sa consommation en surfaces agricoles.
Rien ne dit qu’au terme de ces études (qui devraient durer 2 ans au moins) la Région Île-de-France donnera son accord pour financer les travaux. D’où l’intérêt de conserver ce moyen de pression concernant les gares yvelinoises. D’autant plus que les élus du 78 sont pour l’heure ceux qui sont le plus opposés au projet LNPN.
Malgré ce bras de fer que l’on sent toujours présent entre les deux régions, l’Île-de-France veut mettre l’accent sur sa bonne volonté.
On ne cesse de prôner plus de décentralisation et cela passe nécessairement par les transports. Nous vivons à une époque avec un flux de voyageurs de plus en plus important entre nos deux régions. Alors pour tous les usagers, la création de la LNPN, avec ces trains supplémentaires, peut être une vraie opportunité.
Florence Portelli, vice-présidente de la Région Île-de-France
Ces rencontres ont d’ailleurs permis de résoudre un autre point d’achoppement : le fret commercial, que la Normandie souhaite développer notamment entre le port du Havre et l’axe du Rhin grâce à la LNPN.
« Avec le doublement du trafic de conteneurs au Havre dans les prochaines années, il faut qu’on fasse le nécessaire pour que ces marchandises ne prennent pas systématiquement la route », souligne Jean-Baptiste Gastinne.
Mais en Île-de-France, on ne veut pas voir passer ces trains dans les petites communes franciliennes. « Un projet de contournement par les Hauts-de-France et le Grand Est est possible, explique le Havrais. Les rails existent, mais il faut encore les électrifier. Ce qui coûterait plusieurs centaines de millions d’euros. Ce mercredi, nous nous sommes donc mis d’accord avec la Région Île-de-France pour demander à l’État d’en faire un projet prioritaire. »
Voilà qui a fait sauter le deuxième verrou de l’adhésion francilienne.
Cependant, à ce jour, il est prématuré d’envisager une date définitive de mise en service de la LNPN. À ce stade, l’étude publique ne devrait pas débuter avant 2028/2029. « On en a encore pour au minimum 12 ans avant la réalisation de ce projet », soupire Jean-Baptiste Gastinne.
Conclusion : le feuilleton Ligne Nouvelle Paris-Normandie, digne, depuis 16 ans, d’une telenovela brésilienne, est encore loin d’être terminé. Difficile d’ailleurs d’imaginer qu’aucun nouveau coup de théâtre ne surviendra pas d’ici-là.