À 14 h 30, samedi 8 novembre, nous étions cent, dans les starting-blocks, postés çà et là dans la ville, à avoir rendez-vous avec un inconnu dont nous n’avions que le numéro de portable, reçu par mail, avec l’adresse du rendez-vous. Et des consignes : « Ne vous appelez pas. Si besoin, un SMS. À 15 h pile, vous ouvrirez le parapluie. Puis, vous marcherez jusqu’au musée d’arts en restant ensemble. »
Coquin de sort, il ne pleuvait pas. Sous notre parapluie, allions nous affronter une pluie de regards dubitatifs ? De Petit coin de parapluie contre un coin de paradis, la balade allait peut-être se muer, sur un air de Brassens toujours, en Avec mon parapluie, j’avais l’air d’un con .
Mon inconnu
Mon inconnu est arrivé un peu en retard. Un homme, Philippe, 70 ans, spontanément avenant. De ces gens dont on prend le bras naturellement pour se mettre sous un parapluie. Ce qu’on a fait. Musée d’arts, expo sur la pluie, parapluie. Philippe ne savait pas grand-chose. C’est son amoureuse qui les avait inscrits. En arrivant au rendez-vous, ils ont compris qu’ils ne chemineraient pas ensemble. Ça a fait marrer Philippe.
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À 15 h pile, on a ouvert le parapluie. Le tu s’est déployé en même temps que ce demi-mètre carré d’intimité. Dans les pas l’un de l’autre qui se découvrent, on a papoté et papoté encore. De la pluie et du beau temps bien sûr, de Philippe, parti bosser à 23 ans chez Airbus à Toulouse, revenu à la retraite à Nantes, où il a retrouvé Béatrice, à laquelle il contait fleurette, ado ! Il pleuvait beaucoup à Nantes quand il était parti, raconte Philippe. Moins maintenant. Météo des sentiments ? Non, ce sacré réchauffement climatique.
Flic flac, le temps est en vrac mais de là à se promener sous un pébroc, on va se moquer de nous continuait à penser Philippe. Que nenni ! Il y a juste eu ce grand sourire amusé d’un quinquagénaire en Doc. À croire que les gens ne se regardent plus dans les grandes villes, a glissé Philippe. Peut-être est-ce nous qui ne les regardions pas ? Pourtant, près du château, on a vu cette jeune femme avec un serre-tête grenouille et on s’est marré.

Virginie et Jean-Félix ont cheminé sous leur ciel de fleurs jusqu’au musée d’arts. Ils ont poursuivi le moment en visitant l’exposition ensemble. Ouest-France
Entre parapluies
Et au musée, on est tombé sur plein de copains à pépins. Connectés, les parapluies causaient entre eux. Au troisième parapluie croisé, Claudie et Céline ont été interpellées par un passant curieux. Ce qui fait dire à Claudie que les gens s’intéressent quand même à leur ville. Catherine, 76 ans a le sourire plein soleil. Elle a eu ce petit coin de poésie qui l’a animée.
Noir à l’extérieur, tapissé de roses à l’intérieur, Virginie et Jean-Félix ont cheminé sous leur ciel de fleurs après avoir pris un café et s’être raconté leurs vies. On les voit déjà en Guy et Geneviève des Parapluies de Cherbourg. Ils nous arrêtent, leurs cœurs sont pris, le reste n’est que mots et imagination.
Un mot, un texte, une émotion… C’est justement ce qu’attend en retour des participants, Mathieu Simonet, écrivain à l’initiative de ces Rencontres sous la pluie. Durant tout le temps de l’exposition Sous la pluie, il invite les visiteurs à écrire leurs souvenirs de pluie et à les déposer dans un meuble dédié. Celui qui est aussi l’instigateur de la Journée internationale des nuages avait naguère demandé à des visiteurs qui ne se connaissaient pas, de se donner la main tout le temps de l’exposition Intense proximité, au palais de Tokyo.

Mathieu Simonet invite les visiteurs à écrire leur souvenir de pluie et à les déposer dans ce meuble, dans le tiroir correspondant à leur âge. Ouest-France
Jusqu’au 1er mars 2026, au musée d’arts, 10, rue Georges-Clemenceau, à Nantes.