Cinq copines de toujours, cinq histoires de galères à courir tous les jours derrière l’argent. Elles vivent dans le sud, deux d’entre elles ont des enfants, l’une perd les aides de la CAF (Caisse d’Allocations familiales), sans lesquelles elle ne peut plus vivre, viendra alors l’idée d’un hold-up et d’aller chercher les ronds là où ils sont, dans les banques. Les gendarmes deviennent dingues, ils traquent des hommes, en fait ce sont des femmes qui portent des flingues, ça va durer pendant un an, braquage à l’île-sur-la-Sorgue, à Cavaillon, à Saint-Saturnin-les-Avignons, à Carpentras.

La presse parle du gang des Amazones, on les fantasme beaucoup jusqu’à ce qu’on les arrête. Aux Assises, le procès fera les gros titres, c’était il y a plus de 30 ans. Hélène Trinidad, braqueuse repentie, qui voit cette affaire sensible devenir un film de cinéma, une histoire d’amitié, de survie, d’adrénaline, de peur au ventre, de petits enfants pour lesquels, un jour, on commet un crime, la connerie d’une vie. Leur histoire, celle du « gang des Amazones », devient aujourd’hui un film de Mélissa Drigeard, avec Isia Higelin, Lyna Khoudri, Laura Felpin….

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10 ans d’Affaires sensibles : vos histoires préférées : Le gang des Amazones

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Le désespoir comme point de départ

En 1989, Hélène Trinidad, jeune mère de trois enfants, se retrouve étranglée financièrement. La CAF coupe ses allocations  : »Pendant des années, on m’a accordé des aides mal calculées, et au lieu de faire un calendrier de remboursement, ils m’ont tout sucré », explique-t-elle. Seule sa mère, femme de ménage qui « se levait à 4h du matin », peut l’aider. Face à l’impossibilité de nourrir ses enfants, Hélène envisage la prostitution ou le deal avant qu’une amie d’enfance, Cathy, ne lui propose l’impensable : braquer des banques. « Ne pas subvenir aux besoins de nos enfants est la chose la plus horrible qui peut arriver à un parent », confie-t-elle.

L’engrenage des sept braquages

Entre 1989 et 1990, le gang frappe à l’Isle-sur-la-Sorgue, Cavaillon, Saint-Saturnin-lès-Avignon, Carpentras… Sept braquages qui rapportent de l’argent rapidement dilapidé. Après le premier coup, Hélène emmène ses enfants au supermarché : « Je disais toujours non avant, et ce jour-là… », se souvient-elle, évoquant cette scène dans laquelle elle remplit le caddie de jouets, sous le regard incrédule de ses petits. Mais l’adrénaline devient une drogue : « On y prend goût à tout cet argent de suite. C’est un engrenage, un cercle vicieux, qu’on ne s’arrête pas. » La traque s’intensifie jusqu’à l’arrestation spectaculaire, « une trentaine » de gendarmes armés comme pour « partir faire la guerre ». Hélène s’effondre : « Quand on vous arrache les enfants à six heures du matin, qu’ils vous regardent, ils ont l’air de dire, mais qu’est-ce qui se passe ? »

Le pari d’une juge et la rédemption

En détention provisoire, Hélène sombre dans la dépression. Mais une juge fait un pari audacieux : la remettre en liberté jusqu’au procès d’assises. Quatre à cinq ans pendant lesquels Hélène se réinsère, travaille, rembourse. Au procès, face aux victimes traumatisées et à un avocat général qui requiert dix ans, le verdict tombe à trois heures du matin : cinq ans avec sursis. Aujourd’hui, à 61 ans, Hélène Trinidad a remboursé ses dettes et enchaîné les « petits boulots » : « À partir du moment où j’arrive à gagner ma croûte, c’est le principal. »