Accusé par le président américain d’avoir renié ses positions écologiques, l’entrepreneur suscite la polémique après avoir publié un billet sur son blog. Pourtant, il ne remet pas en cause le réchauffement climatique, mais plaide pour une approche moins alarmiste, axée sur l’innovation.
En février 2021, il publiait un ouvrage au titre alarmiste mais prometteur : Climat, comment éviter un désastre (Flammarion). Solutionniste convaincu, apôtre du «zéro émission nette» d’ici 2050, Bill Gates semblait alors à mille lieues de rejoindre les cercles climatosceptiques. Pourtant, alors que s’ouvre la COP30 à Belém, au Brésil, une note publiée sur son site a semé le doute.
Le 28 octobre, dans un texte mis en ligne sur son blog personnel, le cofondateur de Microsoft écrit cette phrase devenue virale : «bien que le changement climatique ait de graves conséquences — en particulier pour les populations des pays les plus pauvres —, il n’entraînera pas la disparition de l’humanité.» En quelques heures, l’extrait se retrouve sur Reddit, puis sur X, où il est relayé par des centaines d’internautes. L’interprétation ne tarde pas : Gates minimiserait le réchauffement climatique.
Quelques jours plus tard, Donald Trump s’en empare. Sur son réseau Truth Social, l’ancien président américain, qui nie depuis des années la réalité du dérèglement d’origine humaine, s’enorgueillit d’avoir «gagné la guerre contre le canular climatique». Et d’ajouter, triomphant : «Bill Gates a enfin reconnu qu’il avait TORT.»
Une citation tronquée
La réalité, elle, est tout autre. Le billet de Bill Gates débute ainsi, «le changement climatique est grave, mais nous avons fait de grands progrès.» L’entrepreneur ne nie donc ni les causes humaines du réchauffement, ni ses effets. Il dénonce en revanche une «vision apocalyptique» qui, selon lui, freine l’action en nourrissant la peur.
L’Américain reproche à la communauté scientifique de concentrer le débat sur les objectifs d’émissions à court terme, au détriment des innovations capables de transformer durablement nos modes de production. «Le réchauffement climatique ne va pas conduire à l’extinction de l’humanité. Les populations continueront à vivre et à prospérer sur la majorité de la planète dans un futur proche», écrit-il, plaidant pour une approche plus pragmatique, tournée vers les solutions.
Loin d’un quelconque revirement idéologique, le milliardaire reste ainsi fidèle à sa ligne : investir dans la technologie pour résoudre les défis du siècle. Depuis plusieurs années, il finance des projets de géoingénierie et de capture du carbone via des sociétés comme Silver Lining ou Carbon Engineering Ltd.. En 2015, il a lancé Breakthrough Energy Ventures, un fonds d’investissement doté d’un milliard de dollars pour soutenir les énergies propres — avec à ses côtés Jeff Bezos ou Mark Zuckerberg.
Un discours qui divise
Pour Bill Gates, la planète peut attendre : la priorité doit aller à ses habitants. «Les plus grandes menaces sont aujourd’hui la pauvreté et la maladie, comme elles l’ont toujours été», insiste-t-il, appelant les dirigeants de la COP30 à recentrer leurs efforts sur «l’amélioration des conditions de vie». Une position en droite ligne avec l’action de la Fondation Bill-et-Melinda-Gates, qu’il a fondée avec son ex-épouse en 2006.
Mais cette hiérarchie des urgences laisse sceptique une partie du monde scientifique. «Le réchauffement climatique sape les efforts d’éradication de la pauvreté et de développement humain», rappelle Rachel Cleetus, de l’Union of Concerned Scientists à l’AFP. D’autres, comme le climatologue Michael Mann, ironisent auprès de l’agence française : «Bill Gates raisonne comme si la planète était un ordinateur qu’on pouvait redémarrer après un plantage. Le problème, c’est qu’une fois la planète plantée, il n’y a pas de bouton reset.»
Son credo n’a donc pas varié : il faut innover, pas renoncer. «Chaque dixième de degré de réchauffement évité est extrêmement bénéfique, car un climat stable favorise l’amélioration des conditions de vie», a-t-il martelé face à la polémique.