Elle parle vite, a un rire communicatif et n’a pas peur de se raconter. Derrière son accent du Sud et son énergie inépuisable, Émilie Mercadal cache une détermination de roc. À 40 ans, la cofondatrice et directrice générale de Rofim, la plateforme marseillaise de télémédecine collaborative, a déjà vécu plusieurs vies : celle de la fille d’artisans du Var, celle de la cadre financière internationale, et celle, aujourd’hui, de la dirigeante engagée au service de l’accès aux soins pour tous. 

Une fille du Sud 

Née à Brignoles, dans le Var, Émilie Mercadal porte en elle la chaleur d’une famille « méditerranéenne à l’état pur » : mère napolitaine issue d’une fratrie de dix et père pied-noir, sans oublier ses oncles boulangers-pâtissiers. « Tous les dimanches soirs, parce que le lundi les boutiques étaient fermées, on se retrouvait en famille. On arrivait à l’école fatigués, mais heureux », raconte-t-elle.  De beaux souvenirs et de sacrées tablées.

Globe-trotteuse dans l’âme

À 17 ans, elle part un an aux États-Unis, près de Dallas, via le Programme International d’Échange (PIE) d’Aix-en-Provence. Une expérience fondatrice : « Ma famille d’accueil est devenue la mienne. Je les appelle encore maman et papa. » De retour, prépa Stanislas, école de commerce à Reims,  puis apprentissage à Bpifrance à Marseille, près du stade Vel’ : « C’était pendant le plan de relance 2008-2009 ; on a vécu l’urgence du service public et le soutien aux PME. » Ses premiers postes mêlent curiosité et débrouille : stage à France 3 Méditerranée, jobs d’été à vendre tracteurs et machines à vendanger puis mutation à Paris, à la direction régionale Île-de-France de la BPI.

Ici, au stade Vélodrome avec son papa. Passionnée de foot, elle est sur les gradins, dès que son emploi du temps le lui permet.Ici, au stade Vélodrome avec son papa. Passionnée de foot, elle est sur les gradins, dès que son emploi du temps le lui permet. / PHOTO DRDix ans au coeur des vaccins

L’envie de l’international la pousse ensuite vers GSK en Belgique : dix ans au cœur des vaccins, de la priorisation des pipelines (dengue, Ebola) au rachat du pôle vaccins Novartis. « J’allais chercher des données scientifiques et financières pour dire : on accélère ce vaccin, on stoppe celui-là. » Elle pilote des transferts, crée des hubs au Maroc, en Pologne et en Inde et accompagne les équipes lors des réorganisations.

Son engagement humanitaire est constant : bénévole Unicef, collecte annuelle de 40 à 80 000 euros pour des programmes santé des femmes et de la petite enfance, formation d’organismes de micro-crédit en Afrique, action dans la sclérose en plaques… « Le fil rouge de ma vie, c’est la santé et l’accès aux soins », dit-elle.

Naissance de Rofim

En 2017, l’appel du chirurgien David Bensoussan change tout : « Il m’a dit : ‘Je veux créer un hôpital numérique. Rejoins-moi et deviens sa patronne.' » Le projet naît « dans le jardin de Johan Guedj, patron de Klanik » qui les accueille dans ses locaux. Porté par trois tours de love money (2019-2021) auprès d’amis médecins et d’entrepreneurs régionaux, dont Laurent Cohen, président de Corania et et un prêt de 50 000 euros de la Cepac, Rofim grandit pas à pas.   Le premier client majeur est l’hôpital Saint-Joseph à Marseille : « Le Covid nous a propulsés : la télé-expertise, jusqu’alors peu connue, est devenue vitale. »

Faire gagner du temps dans le diagnostic

Rofim est aujourd’hui une plateforme modulable — six modules — qui met en relation médecins et patients dans douze pays et revendique le leadership en Outre-mer (Guyane, Guadeloupe, Martinique, Réunion et bientôt Polynésie). « Il faut parfois 36 mois pour diagnostiquer une maladie rare. En 36 mois, on perd un emploi, de l’autonomie. Notre ambition : abolir les frontières de l’expertise. Si l’expert de cette thyroïde est au Canada, qu’on puisse l’avoir. » Rofim compte 42 collaborateurs et vise 50 d’ici fin d’année ; l’équipe vient de déménager au 26 rue Grignan, au cœur de Marseille, pour rester accessible et ancrée dans la vie urbaine.

Tourbillon de la vie 

Quand elle ne court pas entre deux avions, on la retrouve au cinéma, « le seul endroit où je déconnecte » ou au stade Vélodrome, son autre temple. « Le foot, c’est l’endroit où tout le monde se retrouve. À Marseille, le cœur de la ville bat là. » Elle a aussi étudié au Cours Florent et à l’Actor’s Studio à Bruxelles: « La scène, ça m’aide à lâcher prise. »

Chaque semaine, la rédaction de "La Provence" demande à la personne interrogée deux photos souvenir. Ici, Emilie Mercadal en action lors d'une réprésentation théâtrale.Chaque semaine, la rédaction de « La Provence » demande à la personne interrogée deux photos souvenir. Ici, Emilie Mercadal en action lors d’une réprésentation théâtrale. / PHOTO DR

Au-delà de la dirigeante, Émilie se décrit comme une donneuse de temps : 100 000 entrepreneurs, Réseau Entreprendre, French Tech, French Care, Conseil du commerce extérieur, organisation d’un concours d’éloquence local… Autant d’engagements qui jalonnent ses soirées. Hyperactive, elle dort  « quatre heures par nuit » : « Je ne me pose jamais, mais c’est ma manière d’être vivante. » 

Derrière le tourbillon, il y a une conviction profonde : que la technologie, bien utilisée, peut rendre la santé plus humaine. « Je crois à l’extra mile. Je ne fais pas ce que je peux, je fais le maximum.  » Chez Émilie Mercadal, la passion du soin s’exprime autrement, en connectant les médecins entre eux, pour mieux soigner les autres. C’est son credo. 

 » Je ne fais pas ce que je peux, je fais le maximum. C’est ça, l’extra mile. «