Étrange ambiance dans la 12e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Créteil (Val-de-Marne). Au dernier rang, dans le public, un visage bien connu vient de prendre place ce lundi après-midi, entouré de ses conseillers. Celui de Gérald Darmanin. Le garde des Sceaux était en immersion auprès de la justice de proximité.

Droit debout dans le box des accusés, Mamadou, veste en jean et bandage aux doigts, ne semble pas avoir remarqué le ministre de la Justice. Il regarde les juges, et son ami, en face de lui. Tout juste sorti de l’hôpital, dans un ensemble de jogging gris, Aboubacar est assis sur une chaise.

Une altercation sur fond d’alcool, de drogue et d’insulte

C’est lui qui a reçu la semaine dernière, devant la gare RER de Gentilly, un coup de couteau au thorax lui ayant perforé le poumon. Heureusement, un passant, médecin, a pu lui administrer les premiers secours. Après plusieurs jours en réanimation et deux opérations, il est sorti de l’hôpital une poignée d’heures avant l’audience avec dix jours d’ITT. L’enquête, ouverte pour tentative d’homicide, a été requalifiée en violences aggravées.

Les deux amis traînaient avec un troisième dans un parc quand tout a dégénéré. Tous trois revenaient d’une soirée bien arrosée lors de laquelle ils avaient aussi consommé du cannabis et de la cocaïne. De quoi faire apparaître sur le visage de Gérald Darmanin – qui avait fait de la lutte contre les drogues une priorité de ses années place Beauvau – un air entendu et des sourcils qui se redressent.

Mamadou aurait insulté la mère d’Aboubacar. Ce dernier l’a alors attrapé par le col et poussé contre un mur. S’engage une course-poursuite entre les deux, captée par une caméra de surveillance. Avant que Mamadou ne sorte un couteau et plante son ami au thorax, selon les déclarations du troisième individu.

Pas de preuve, selon la défense

Le mis en cause conteste l’avoir poignardé. Mais à toutes les questions du tribunal, Mamadou opposera la même réponse : « Je ne me rappelle plus. » Tout en présentant ses « excuses ». De nationalité guinéenne, le jeune homme est arrivé en France en 2020 et est en attente du renouvellement de son titre de séjour.

« Il a explosé pour rien du tout et ça finit par un coup de couteau et 10 jours d’ITT », a estimé la procureure, avant de requérir cinq ans de prison et une interdiction de paraître sur le territoire français pendant dix ans.

De quoi « étonner » l’avocate de la défense, Me. Julie Lancel. « Que dit l’enquête ? Rien. Sur les extraits vidéos, on ne le voit pas courir avec un couteau. Il n’a pas une trace de sang sur sa veste. » Et l’avocate d’enfoncer le clou : « Il aurait été bon qu’il y ait juste une tentative de faire autre chose que de croire sur parole des gens ivres et défoncés. »

Sa puissante plaidoirie – à laquelle elle s’est dit « déçue » que le ministre de la Justice n’assiste pas alors qu’elle pointait les difficultés de renouvellement des titres de séjour – n’aura pas suffi à faire douter les juges. Qui ont condamné Mamadou à quatre ans de prison, assortie d’une interdiction de détenir une arme et une interdiction de paraître sur le territoire français pendant cinq ans.