Trois policiers niçois ont été condamnés lundi 10 novembre à douze mois de prison avec sursis et six mois d’interdiction d’exercer leurs fonctions pour injures racistes et violences psychologiques à l’égard de deux jeunes Tunisiens soupçonnés de trafic de stupéfiants.
Le 22 juillet, les policiers avaient interpellé les deux hommes dans le quartier sensible des Moulins, dans l’ouest de Nice et les avaient embarqués dans une fourgonnette. Discrètement, l’un d’eux avait activé le dictaphone de son téléphone, enregistrant insultes racistes, moqueries, violences et humiliations. L’enregistrement incriminant avait été découvert par un enquêteur à l’arrivée au commissariat et transmis à l’IGPN. Sur celui-ci, long de plus de 30 minutes, et diffusé à l’audience, des cris, des pleurs, des bruits sourds et des injures, dont celles-ci, rapportée par BFM TV fin octobre : «Tu n’as rien à foutre en France, t’es un étranger, t’es un violeur de femmes, un voleur de France, y’en a assez des comme toi ici.» Quelques semaines plus tôt, d’autres bribes pas beaucoup plus glorieuses de l’enregistrement étaient sorties dans le Canard enchaîné : «T’es un Arabe. T’es là pour violer des Françaises et nous voler ! Ici personne ne veut de toi ! Donc tu vas rentrer dans ton pays, suceur de chameaux ! »
«Il y a des mots qu’on ne doit pas prononcer», a reconnu le secrétaire départemental du syndicat de police UN1TÉ, Laurent Martin de Frémond, venu au tribunal de Nice pour soutenir ses collègues et pour qui le jeune Tunisien avait poussé les policiers à la faute. «[Mais] il y a la réalité du terrain. Vous avez affaire à des policiers qui sont confrontés chaque jour à ces difficultés, qui se font cracher dessus, insulter.»
Les agents étaient également accusés d’avoir arraché des pages d’un Coran trouvé dans le sac du jeune homme de 18 ans et d’en avoir fait des boulettes pour les fourrer dans sa bouche. Les trois policiers qui se trouvaient à l’arrière de la fourgonnette n’ont pas démenti l’acte, mais ont assuré qu’il s’agissait des pages d’un carnet trouvé dans une poubelle et qu’ils avaient juste voulu faire «une mauvaise blague».
Coran ou non, les violences psychologiques sont constituées pour le tribunal. Mais pas les violences physiques : selon le certificat médical, les ecchymoses relevées sur le jeune homme, condamné à dix-huit mois de prison pour vol en réunion, pouvaient résulter d’une chute pendant son interpellation ou d’automutilations pendant sa garde à vue, qu’il a reconnues.
Deux autres policiers, qui se trouvaient à l’avant de la fourgonnette et ont assuré ne pas avoir eu conscience des agissements de leurs collègues, ont été relaxés. Le parquet avait requis douze à dix-huit mois de prison et une interdiction définitive d’exercer pour les cinq fonctionnaires. Laurent Martin de Frémond a exprimé son «soulagement». «Il n’y a pas que les délinquants qui ont droit à une deuxième chance», s’est quant à lui réjoui Me Eric Borghini, avocat de l’un des policiers relaxés. Devant les caméras de BFM TV fin octobre, ce dernier avait déploré que «le message» envoyé par les réquisitions n’était «pas tant la défense des valeurs de la République, mais plutôt une défiance à l’égard de la police, et l’encouragement des trafiquants de drogue sous OQTF qui sont mieux traités que les fonctionnaires de police».
Les trois condamnés, âgés de 30, 32 et 41 ans, devront payer chacun une amende de 500 euros et verser solidairement 1 000 euros de dommages au jeune homme, un euro symbolique à la Ligue des droits de l’Homme et à la Licra, et 800 euros de frais de justice aux trois parties civiles. Suspendus depuis les faits, les fonctionnaires devront tous affronter une procédure administrative en interne avant toute réintégration.
L’avocat du jeune Tunisien, Me Kada Sadouni, a exprimé sa déception après le jugement : «Je pensais franchement que le tribunal allait prendre l’affaire un peu plus au sérieux et condamner les policiers de manière exemplaire.» Le second interpellé ne s’était pas constitué partie civile.