Alors que les Européens continuent à s’interroger sur leur place et leur puissance dans un monde très mouvant et que la France s’efforce d’être au cœur du réacteur européen, Benjamin Haddad, ministre délégué à l’Europe s’exprime sur la présidence Trump, la guerre en Ukraine et la nouvelle donne géopolitique.
À l’approche des 100 jours de la présidence de Donald Trump à la Maison Blanche, Benjamin Haddad, qui a travaillé plusieurs années à Washington dans des think tanks politiques, estime que « nous sommes à un moment de bascule historique pour notre continent et qu’il faut en tirer les conclusions ».
« Sur l’Ukraine, la Russie a des visées maximalistes et inacceptables »
Benjamin Haddad évoque la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine « qui a un impact sur la liberté, la démocratie et la souveraineté des Ukrainiens, mais plus profondément sur notre sécurité à nous, Européens, puisque les Ukrainiens se battent aussi pour la sécurité de l’Europe et c’est pour cela que nous les soutenons ».
Il pointe clairement la responsabilité de la Russie : « La vérité, c’est que le président Zelensky, il y a plus d’un mois déjà, a dit qu’il souhaitait une trêve inconditionnelle, qu’il y était prêt. La Russie n’a pas répondu. […] La Russie continue de frapper les civils, les infrastructures, les militaires ukrainiens. Elle continue d’avoir des visées maximalistes et inacceptables : la neutralisation et la démilitarisation de l’Ukraine, le renversement du président Zelensky. Fondamentalement, ce que la Russie cherche depuis le début, c’est d’effacer l’Ukraine en tant qu’État-nation, en tant que nation souveraine et indépendante. Et ça, c’est inacceptable. »
Benjamin Haddad rappelle les initiatives diplomatiques prises par les Européens comme la rencontre avec le secrétaire d’État américain et le négociateur Steve Witkoff à Paris. « C’était la première fois que nous avions autour de la table les Ukrainiens, les Européens et les Américains pour dire que nous souhaitions un cessez-le-feu. »
Face la guerre commerciale, « l’Union européenne a les moyens d’imposer un rapport de force »
Pour Benjamin Haddad, les droits de douane imposés par Donald Trump sont complètement injustifiés et ne correspondent en rien à la réalité des relations économiques entre l’Union européenne et les États-Unis. « Déjà, cela n’inclut pas les relations sur les services. Et les Européens sont importateurs de services, en particulier de services numériques américains. On y compte des taxes qui sont imposées à toutes les entreprises, y compris européennes, comme la TVA, la taxe sur la valeur ajoutée, cela n’a aucun sens. Ce que nous constatons aussi, c’est que cette guerre commerciale n’est dans l’intérêt de personne. Elle va avoir un impact inflationniste sur les États-Unis, les marchés boursiers sont en train de dévisser et donc l’impact économique est très négatif. »
Face à cette situation, l’Europe a les moyens de réagir, souligne le ministre délégué à l’Europe : « Aujourd’hui, la Commission européenne mène une négociation pour mener à la désescalade avec les États-Unis. Nous la soutenons. Nous, ce que nous avons dit aussi, c’est que nous devons être prêts à utiliser des instruments de réponse que nous avons développés ces dernières années. Je pense par exemple à l’instrument anti-coercition qui permettrait d’élargir la palette d’instruments dont dispose l’Union européenne […] La présidente de la Commission elle-même a dit que la taxation des services numériques était une possibilité. Nous avons des instruments et l’Europe n’est pas faible. L’Europe, c’est 450 millions d’individus. C’est un grand marché intégré. C’est le premier partenaire commercial des États-Unis. Donc, nous avons les moyens d’imposer un rapport de force et de défendre nos intérêts. »
Benjamin Haddad rend aussi hommage au pape François, pour les catholiques et « tous ceux qui ont vu dans ce pape une source d’inspiration dans la voie vers le dialogue, vers la paix, vers la tolérance ». Il rappelle aussi les positions du souverain pontife sur la question de l’immigration et ajoute : « Il y a dans tous nos pays une exigence normale, naturelle, de maîtriser nos frontières, d’avoir des politiques migratoires démocratiques, de pouvoir faire respecter la loi. Mais ce qu’il nous a rappelé, c’est que derrière ces principes, il y a des individus, il y a des parcours de vie, il y a des femmes, des hommes, des enfants. Nous avons vu les drames humains en Méditerranée avec des centaines de morts dans des conditions absolument atroces. Et donc nous avons encore une fois l’exigence, en tant que dirigeants politiques, de faire respecter le droit de faire respecter la loi et de le faire avec humanité. »