Boris Pistorius (SPD), ministre de la Défense allemand au sein de la coalition dirigée par le très conservateur Friedrich Merz (CDU), s’affirme comme le champion du réarmement allemand. Si le chancelier conservateur multiplie ses attaques contre ses partenaires de coalition sociaux-démocrates, il a trouvé en Pistorius un solide appui dans ses ambitions de bâtir l’armée la plus grande d’Europe. À une époque où le réarmement est au cœur de l’orientation de la bourgeoisie allemande, on aurait pu attendre de Merz qu’il choisisse un proche allié au poste de ministre de la Défense.
Si le choix a été fait de garder Boris Pistorius, qui occupait déjà ce poste sous la coalition tricolore dirigée par Olaf Scholz, c’est qu’il s’agit d’un fervent partisan du réarmement impérialiste de l’Allemagne. Il déclarait, par exemple, dans un discours au Bundestag le 5 juin 2024, que le pays devait être « prêt à la guerre d’ici 2029 », avant d’ajouter que « chaque euro [pour le réarmement] compte » dans l’hypothèse d’un conflit contre la Russie, posant déjà largement les bases des attaques sociales que mène aujourd’hui le gouvernement de Merz pour financer la marche à la guerre.
Mais le premier défi qui attend Pistorius est la présentation de son projet de loi visant à rétablir le service militaire. Sous la pression de son chef de gouvernement Friedrich Merz, qui rêve d’un service militaire obligatoire, il doit convaincre son propre parti de revoir sa position, le tout alors que la jeunesse rejette massivement cette idée.
Le retour du service militaire face aux divisions de la coalition…
Pour réussir à faire adopter ce qui est peut-être le plus gros projet de sa vie de politicien, Boris Pistorius devra faire face à une CDU – majoritaire au sein de la coalition – dirigée par un Friedrich Merz radicalisé, mais aussi affronter la réticence de ses camarades sociaux-démocrates. Le SPD – qui a également soutenu des plans de réarmement et livré des armes à Israël pour lui permettre de mener sa guerre génocidaire – affiche une position en apparence critique pour ne pas se couper de sa base électorale traditionnellement pacifiste, et pour qui le retour du service militaire obligatoire constitue une ligne rouge.
Si Friedrich Merz maintient la pression sur Pistorius, c’est parce que les bureaux de recrutement de la Bundeswehr sont vides alors qu’il lui manque 80 000 soldats pour atteindre son objectif de 260 000 soldats d’ici la prochaine décennie. Dans ces conditions, et alors que la direction du SPD maintient sa volonté de garder un service volontaire, Pistorius explore des options aussi injustes que le service militaire par tirage au sort.
… et à l’opposition de la Gen Z
Mais le principal obstacle de Pistorius ne vient pas des rangs des sociaux-démocrates, tout aussi désireux que Merz de protéger les intérêts des impérialistes allemands et européens. Ce qui peut mettre en échec le gouvernement, c’est l’opposition de la jeunesse concernée par cette mesure. En effet, si une majorité de la population allemande se dit favorable à un retour du service militaire obligatoire, près des deux tiers des 18-29 ans y sont opposés.
Malgré les visites de la Bundeswehr dans les classes de lycée, la Gen Z exprime son refus de se battre pour l’Allemagne, notamment sur les réseaux sociaux. Prête à tout pour étouffer les voix antimilitaristes, l’armée allemande a ainsi porté plainte contre un jeune de Freiburg qui a posté un meme se moquant d’une visite d’un officier dans son lycée. Alors que l’officier était venu recruter des jeunes prêts à « défendre la démocratie », le jeune lycéen a tourné cette visite en satire en postant un montage où l’officier demande aux lycéens : « Alors les enfants, qui est prêt à mourir sur le Front de l’Est ? »
Mais pour mettre en échec les plans de Boris Pistorius et de Friedrich Merz, il faut bien plus qu’un pacifisme abstrait. Il faut forger une conscience anti-impérialiste au sein de la jeunesse et prendre exemple des révoltes qui ont eu lieu partout dans le monde. C’est avec cet objectif que Klasse Gegen Klasse, l’organisation sœur de Révolution Permanente en Allemagne, participera le 29 novembre prochain aux manifestations et blocages à Gießen contre le congrès de refondation de l’organisation de jeunesse de l’AfD – parti d’extrême droite d’inspiration néonazie – avec la volonté d’y porter une voix ouvrière et des mots-d’ordres clairement anti-impérialistes, contre la guerre et contre le génocide à Gaza.