Un éleveur retraité passe une partie de son temps à voltiger autour de l’estuaire de la Loire, en compagnie d’une dizaine d’oiseaux qu’il élève depuis leur enfance. Une passion inspirée qu’il fait partager lors de vols d’initiation.
Il s’en passe des choses dans les altitudes de l’estuaire de la Loire. Quand le territoire n’est pas survolé en rase-mottes par des hélicoptères d’Enedis ou ombragé par l’imposante silhouette d’un Beluga d’Airbus, la campagne se couvre, de temps à autre, du vol des oiseaux. Des hérons cendrés, des aigrettes, des oies. Ces dernières sont parfois accompagnées d’un drôle de coucou à voile et à roues. Un ULM. Basé à Campbon, entre Nantes et Saint-Nazaire, son pilote a pris l’habitude de voler aux côtés de ses oies, ses compagnons du ciel.
«Elles me prennent pour leur mère !», s’amuse Philippe Boussaud, l’aéronaute de Campbon, en évoquant les 14 oies qu’il garde en ce moment sur sa propriété. Aussi loin qu’il puisse s’en souvenir, cet éleveur à la retraite, âgé de 67 ans, a été passionné par les animaux. Il a vu grandir des perruches, des grues, s’est occupé de vaches et de bœufs. Également saisi par l’ivresse de l’aviation, l’ex-agriculteur s’est inscrit à un club et pilote désormais des ULM depuis plus de trente ans. En 2001, le visionnage du Peuple migrateur a été un déclic. Le film de Jacques Perrin, Jacques Cluzaud et Michel Debats consacré à la migration des oies a agrippé l’aéronaute et lui a inspiré l’envie de voltiger, à son tour, au plus près des oiseaux.
Sensation magique
Voler avec des oies ne s’improvise pas. Philippe Boussaud a dû prendre son son aile des oisillons à peine nés et les habituer aussi bien à sa présence qu’à la proximité de son ULM. Plusieurs générations de volatils se sont succédé à ses côtés depuis une vingtaine d’années. La machine elle-même a été aménagée de manière à la rendre moins dangereuse. «J’ai protégé son hélice avec un grillage, pour éviter un fâcheux accident. Mon aile aussi a été retouchée pour rendre l’appareil un peu plus lent, sans dépasser les 45-50 km/h. Sans quoi mes oies ne pourraient suivre !», raconte cet enthousiaste des airs, qui navigue dans un secteur de 15 kilomètres environ, autour du secteur de Campbon. Tout en prenant soin d’éviter la zone de l’aérodrome de Saint-Nazaire.
Les virées aériennes de Philippe Boussaud s’étendent dans un rayon d’environ 15 kilomètres autour de Campbon, entre Nantes et Saint-Nazaire (Loire-Atlantique).
Philippe Boussaud
Pour arrondir ses fins de mois, l’aviateur propose des baptêmes de l’air en compagnie des oies. L’automne et le printemps sont propices à ces ballets aériens. Les oiseaux volent en chevron, parfois à 50 centimètres à peine de l’ULM. Pour quel effet ? «C’est une sensation magique. Nous formons alors un tout dynamique, quelque chose de très agile. On sent que les oies se défoulent», décrit Philippe Boussaud. L’idylle cesse cependant avec les oies les plus âgées. «Après cinq ans, elles ont tendance à revenir prématurément vers leur volière, ce qui entraîne le reste du groupe», précise l’aéronaute. Parfois, certains oiseaux prennent le large. Des incidents rares.
D’autres tracas préoccupent le saltimbanque aux oies voltigeuses. «Il est possible que je sois obligé d’arrêter mon activité de vols commerciaux», évoque Philippe Boussaud. Le retraité mentionne le changement de réglementation induit par l’entrée en vigueur de l’arrêté du 17 février dernier, relatif aux conditions d’utilisation des aéronefs ultralégers motorisés (ULM). Un cadre légal qui le contraindrait à devoir équiper son véhicule d’un parachute à 5000 euros – une somme qu’il hésite beaucoup à investir compte tenu des faibles sommes générées par ses vols d’initiation. «Cela ne m’empêchera pas de voler seul – et toujours avec les oies», note l’aviateur, décidément pas prêt à prendre du plomb dans l’aile.