Description de l’épisode

Tous les mardis, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son « Voyage en absurdie ».

Crise à la BBC, la radio télévision publique britannique. L’institution, souvent présentée comme un des meilleurs médias d’Europe est empêtrée dans un scandale sur son traitement de l’information. 

Ce week-end, le directeur général et la directrice de l’information ont démissionné, sous la pression. Mardi dernier, un média conservateur, The Telegraph, a révélé une note interne destinée au conseil d’administration de la BBC. Un dossier monté par un conseiller indépendant du média public, dénonçant des dérives dans le traitement de l’information, des biais, des partis-pris flagrants. Des alertes précédentes ont été ignorées par les équipes en place. 

On y apprend que la BBC a bidouillé un discours de Donald Trump. 

Sans doute la goutte qui a fait déborder le vase. Dans une émission consacrée aux élections américaines, Panorama, la BBC a charcuté un discours de Donald Trump du 6 janvier 2021 – le jour de l’assaut au Capitole, lui faisant dire  » Nous allons marcher jusqu’au Capitole, je serai avec vous // et nous nous battrons comme des diables” . en fait, le collage de deux morceaux différents de son discours situés à 54 minutes d’écart. But de la manipulation, on le devine, était de le rendre plus belliqueux – dans le but de le dénoncer. La BBc a dû s’excuser mais cela pourrait lui valoir un procès à un milliard de dollars intenté par Donald Trump. En voulant le dénoncer, elle a réussi à lui donner des arguments anti médias. Bravo. 

Et ce n’est pas la seule accusation présente dans la note interne.  

Non, c’est seulement la partie émergée d’un iceberg de problèmes editoriaux. la BBC est aussi accusée d’un traitement partial du conflit à Gaza. La filiale en arabe, BBC Arabic est décrite comme une antenne pro-Hamas, qui héberge des journalistes ouvertement antisémites. La note dresse aussi une longue liste d’informations fausses et de traitements déséquilibrée par la maison mère. Décompte des morts à Gaza, fosses communes faussement attribuées à Israël, menaces de famines, micro ouvert à des proches du Hamas, Un parti pris anti israélien flagrant qui confine à la désinformation. 

Même chose sur les questions raciales et les questions de genre. 

Dans les deux cas, la note dénonce des traitements biaisés, des voix orientées, des avis occultés, pour coller à un récit fantasmé plutôt qu’aux faits. Une accablante accumulation d’exemples qui laisse penser que les sujets britanniques ont été privés de débats sociétaux importants sur l’immigration, la transexualité, par journalistes qui jugeaient immoral ou inutile de les avoir. Traduction : la BBC ne fait pas son travail d’information, elle passe les problèmes à la trappe, elle milite. Elle a arrêté l’avis correct et progressiste à avoir et elle s’est donné pour mission de rééduquer son public, de le faire penser droit. Avec son argent. 

Cela ouvre un débat sur l’information qui traverse la Manche.  

La BBC sert de mètre étalon, en Europe, en Occident, de l’information de qualité. 500 millions de personnes touchées chaque semaine.

 Elle est citée par nos propres médias de service public comme le modèle de l’information haut de gamme. A la lumière du scandale, on se dit qu’ils y ont peut-être aussi trouvé, ces dernières années, un blanc-seing pour leurs propres partis-pris.  

Le 5 juillet 2023, la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, avait déclaré devant une commission d’enquête parlementaire que la télé publique « essayait de représenter la France telle qu’on voudrait qu’elle soit». Exactement ce qui est reproché à la BBC. Avoir présenté l’information telle qu’elle voulait qu’elle soit, plutôt que telle qu’elle est. Au mépris de ceux qui la financent et à qui elle explique, pour beaucoup, que leur lecture du monde est incorrecte et ne mérite plus d’être envisagée. Une captation de l’espace public de l’information.

La déflagration qui ébranle la BBC devrait faire réfléchir aussi de ce côté de la Manche sur cette conception de l’information.