Médaillée de bronze olympique en individuel l’été dernier alors qu’elle visait l’or, la Française a mis du temps pour digérer et repartir à l’assaut de nouveaux titres, à commencer par celui européen.

Expliquez-nous pourquoi vous avez décidé finalement de prendre part à ces Championnats d’Europe ?
Romane Dicko : Déjà, ce n’est pas moi qui fais forcément les choix, c’est la fédération qui sélectionne. Mais oui, on m’a appelé pour me dire que finalement la sélection avait été complétée et que j’en faisais partie. C’est une bonne chose car forcément, il me fallait une autre compétition que le Grand Slam de Tbilissi avant les Championnats du monde en juin. Maintenant, tant mieux, c’est une opportunité pour moi d’aller chercher un autre titre.

Estimez-vous être toujours en phase de reconstruction après votre déception de la médaille de bronze lors des JO 2024 ?
Je dirais que ça va beaucoup mieux maintenant. Les Jeux commencent à dater un peu et j’ai envie de dire que le deuil est quasiment fait. En tout cas, j’avance, j’ai décidé d’avancer. Je n’aurais pas été championne olympique à Paris, c’est comme ça. Il y a d’autres titres à aller chercher cette année en tout cas. Je me reconstruis tranquillement et là, je suis vraiment sur la phase de mettre les grosses briques et on avance pour Los Angeles 2028.

J’aime trop le judo, j’aime trop cette ambiance, j’aime trop aller à la guerre. Ce sont des sensations qu’on ne retrouve nulle part ailleurs.

Romane Dicko

Le 1er avril, vous avez annoncé que vous faisiez une pause dans votre carrière, ce qui était un poisson d’avril. Mais y avez-vous quand même songé à un moment sérieusement ?
Peut-être un petit peu, quelques fractions de seconde. Quand j’étais blessée, par exemple, ou quand j’étais jeune. Mais honnêtement, j’aime trop le judo, j’aime trop cette ambiance, j’aime trop aller à la guerre. Ce sont des sensations qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Je sais que tant que je kiffe ce sentiment-là, je ne vais jamais m’arrêter. Bien évidemment que je vais continuer et aller au moins jusqu’à Los Angeles.

Qu’est-ce que cela vous a fait de remettre le kimono en compétition à Tbilissi ?
Je n’ai pas ressenti de stress. Il y a des sensations qui sont revenues. Je n’avais pas l’habitude de vivre huit mois, comme ça, sans compétition. Du coup, je voulais vraiment bien faire. En même temps, je savais que j’étais en manque de judo et que je n’avais pas eu la meilleure préparation possible. Néanmoins, il fallait bien remettre le kimono un moment. Ça s’est bien passé. J’ai fait une bonne compétition. J’ai réussi à monter en puissance au fil des combats et j’estime avoir produit du bon judo pour une reprise. J’ai vraiment hâte de faire la suite.

Romane Dicko aux côtés de Teddy Riner lors des JO 2024
JACK GUEZ / AFP

Vous aviez une nouvelle coach sur la chaise avec Jane Bridge. Comment cela s’est-il passé ?
Il faut écrire une nouvelle histoire, tout simplement. Il a fallu que je ferme le livre avec Séverine (Vandenhende, sa précédente coach) malheureusement, ce qui n’était pas facile. Mes repères avec Séverine, cela faisait très longtemps qu’ils étaient là. C’est une relation qu’on avait construite depuis plusieurs années. Là, il faut un peu tout recommencer. Ça fait partie du jeu. Le train va partir avec ou sans moi, quoi qu’il arrive, et j’ai envie d’être dans ce train. Il faut remonter en selle vite. J’ai pris le temps d’encaisser cette séparation, ces changements. C’est encore un peu nouveau. On n’a fait qu’une compétition ensemble. Il y a encore des choses à construire. Il faut qu’on arrive à trouver notre équilibre avec Jane aussi. Ça sera fait.

Que pensez-vous que cela puisse vous amener ?
Plein de choses. Elle a une grande expérience du judo international. On sait que techniquement, elle a vraiment beaucoup à nous apporter. Même si on n’a pas encore eu le temps d’énormément travailler au quotidien, j’ai déjà vu la qualité de ces conseils. J’ai hâte de commencer ce nouveau chapitre plus profondément. Ce sera différent qu’avec Séverine. C’est comme ça, le haut niveau, c’est aussi savoir s’adapter. Ça fait partie du jeu.

Vous attendez-vous à produire le même judo en mieux, ou alors allez-vous vous diriger vers quelque chose de très différent ?
Je ne sais pas encore. Un peu des deux j’espère (sourire). C’est vrai que l’objectif, c’est forcément de solidifier un peu mes acquis, ce que je sais bien faire. Mais je cherche de nouvelles choses aussi. Il y a des choses que je veux essayer. C’est une nouvelle olympiade. Il ne faut pas repartir de zéro, mais tester d’autres choses aussi pour voir un peu où est-ce que je peux progresser, où est-ce que je peux aller chercher des nouvelles techniques, des nouvelles façons d’amener celles que je maîtrise déjà mais que mes adversaires connaissent. On est encore à trois ans de Los Angeles, on peut tester tout et voir ce qui fonctionne ou pas.

Il faudra que je montre que c’est moi la meilleure, ce qui est très challengeant.

Romane Dicko

Dans votre catégorie, vous devez composer avec une forte concurrence en France. Est-ce une pression ou une motivation ?
Forcément, c’est un coup de boost. Déjà pour la qualification pour Paris 2024, c’était serré avec Julia (Tolofua). Là, on voit qu’il y a Léa (Fontaine), Coco (Coralie Hayme) et même quelques juniors qui arrivent… J’ai envie de dire tant mieux. Je pense qu’on n’a jamais eu une telle densité de lourdes en France, et même dans le monde c’est hyper rare. Je trouve ça hyper motivant parce qu’on sait qu’à chaque compétition, on sera au moins deux. Il faudra que je montre que c’est moi la meilleure, ce qui est très challengeant. Je pense que c’est un bon moyen de faire élever le niveau des lourdes en France. Je pense qu’on aura encore plus de médailles. La course sera encore plus compliquée mais quand on fait de la compétition, c’est ça qu’on aime aussi.

Vous n’avez encore jamais perdu un combat lors des Championnats d’Europe…
C’est fou. En vrai, j’ai hâte. Ça fera peut-être un titre en plus. En tout cas, j’ai la capacité d’aller le chercher. J’en ai déjà quatre. Une cinquième couronne européenne, ça ferait toujours du bien en vue des Championnats du monde. Être invaincue en Europe pour l’instant, j’espère bien continuer sur cette lancée et garder mon titre.

Romane Dicko
FRANCK FIFE / AFP

Vous avez beaucoup voyagé hors-judo depuis Paris 2024. Est-ce que maintenant, vous allez remettre le judo comme priorité ?
Oui, complètement. En année post-Olympique, c’était nécessaire pour moi de m’aérer un petit peu l’esprit. Je n’ai jamais vraiment arrêté l’entraînement, mais j’ai fait des choses un peu hors du sport. Mais là, forcément, il y a la course olympique qui va repartir tranquillement. Il y a un titre européen, puis un titre mondial à aller chercher donc forcément, je vais moins bouger, plus m’entraîner et tant mieux. Cela faisait partie du deal de me changer les idées quelques mois avant de revenir fort.

Vous avez évoqué votre deuil de Paris et les prochains JO à Los Angeles. Est-ce cela qui vous porte aujourd’hui ?
J’ai envie de dire oui et non. Forcément, c’est l’objectif à moyen-long terme parce que ce sont des Jeux olympiques, c’est ça qui me fait vibrer. Après, ça reste encore loin, dans plus de trois ans. Il y a des choses avant. Il y a des sélections et des titres à aller chercher. Ma place à L.A. n’est pas du tout acquise. On en reparlera dans deux ans. Aujourd’hui, c’est important pour moi d’aller étape par étape.

Vous avez également pris une plus grande dimension médiatique, en étant notamment très active sur les réseaux sociaux. Comment gérez-vous cela ?
C’est un peu spécial. Parfois, on ne me reconnaît pas par rapport au judo mais au reste. Ça me fait un petit peu sourire. Après, j’ai envie de dire que je reste juste judoka. J’ai la chance de pouvoir marcher dans la rue tranquillement. Je sais qu’il y a des sportifs qui sont mille fois plus embêtés. C’est anecdotique ce qui se passe en dehors. Je le vis bien. C’est juste une autre dimension que je suis en train de prendre. Je le sens. Mais ça n’a pas vraiment d’impact dans mon quotidien pour l’instant. Donc ça va.