Sur le terrain, pas de changement apparent pour l’heure mais, dans un avenir tout proche, la simple promiscuité entre les deux équipements va laisser place à une vraie imbrication.
D’un côté L’Autre Canal, scène labellisée musiques actuelles (Smac) gérée depuis 2007 par un EPCC (établissement public de coopération culturelle) et ses 25 employés permanents, de l’autre un tiers lieu animé par l’association OK3, fondée en 2019, et ses trois salariés, disposent de quatorze mois pour concevoir un projet commun de site.
La Ville de Nancy a en effet levé les barrières pour que les premiers contours d’un « pôle culturel et créatif » puissent se redessiner dans ce quartier mutant où les Nancéiens venaient s’aérer avant que les abattoirs n’y viennent s’étendre sur une emprise foncière unitaire de 60 000 m2.
« Tout est à inventer, s’enthousiasme Sébastien Etienne, le directeur de L’Autre Canal. Il n’y a jamais eu de zones de frictions entre nos deux établissements mais plutôt, au contraire, des élans collaboratifs que nos statuts respectifs ne permettaient pas toujours de mettre en œuvre. »
Agents doubles infiltrés
Le festival Bon Moment a ainsi matérialisé des zones de contact possibles au fil de ses éditions. L’événement illustre d’ailleurs bien l’esprit dans laquelle la Ville de Nancy veut que le site s’inscrive, avec cette tentative de faire fonctionner les deux structures en synergie en facilitant la mutualisation de leurs moyens humains et logistiques. L’objectif étant de donner à l’ensemble une plus value.
Une portée sociétale est également dans le viseur, en multipliant les points et les temps de rencontres entre les publics ; environnementale, aussi, en favorisant les circuits courts ; et financière, en favorisant de nouvelles sources de recettes, grâce à de l’accueil événementiel et de nouveaux partenariats/mécènes. L’Autre Canal recrute même pour remplir cette nouvelle mission, dont le nom de code est Passerelle.
« À une époque où l’on demande aux opérateurs culturels de trouver de nouveaux modèles économiques, ça paraît plus que cohérent », approuve le directeur.
Dans l’immédiat, la coopération se traduit par l’engagement d’agents doubles infiltrés. De manière moins imagée, un des employés de L’Autre Canal volontaire est détaché auprès d’OK3 et inversement. Ils joueront indéniablement un rôle de pilote dans les commissions installées dès cette première semaine, pour mener les prospectives sur l’avenir de cet ensemble urbanistique, de son futur aspect paysager jusqu’aux nouvelles formes d’exploitation de ses bâtiments et espaces, dont la gestion a été redistribuée entre les deux opérateurs.
Restructuration réversible
Le temps de l’expérimentation, L’Autre Canal récupère dans son giron la grande halle et la halle ouverte, où se tient le marché des producteurs, les vendredis. OK3 garde sous sa gouverne la petite halle et les bâtiments hébergeurs de ses bureaux, ceux de l’Agence culturelle Grand Est et des laboratoires et ateliers d’expérimentation ouverts aux petits porteurs de projets.
Sébastien Etienne insiste : « Chaque structure conserve ses prérogatives et missions initiales spécifiques et complémentaires. Si, à l’issue du délai, la préfiguration du site voulu pérenne et innovant ne s’avérait pas satisfaisante, cette restructuration serait réversible. » Et si elle se confirme, alors à ce nouveau lieu de vie, il faudra trouver un nom propre, en concertation.