Par

Cédric Nithard

Publié le

11 nov. 2025 à 9h49

Depuis le mercredi 5 novembre et la publication d’un article, puis d’une vidéo, par Libération, la polémique autour de la députée insoumise de l’Hérault, candidate aux municipales à Montpellier, Nathalie Oziol ne retombe pas. Sa défense n’ayant pas convaincu, à l’instar de la réaction virulente de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie, La France Insoumise crie à la manipulation médiatique en chargeant d’autant plus le quotidien et les socialistes.

« Une offense à la mémoire de Samuel Paty »

« Moi je ne suis pas d’accord pour que, lorsque l’attentat de Samuel Paty a eu lieu, on dise, comme ce tweet du maire de Montpellier qui dit que c’est un fanatique musulman. En fait, on amalgame absolument tout… ». Ces propos tenus par Nathalie Oziol dans une vidéo publiée à l’origine sur la boucle WhatsApp « Oumma Montpellier » et exhumée jeudi par Libération après les accusations de la députée insoumise suite à un premier article la veille, n’ont pas manqué de provoquer des réactions tout au long du week-end.

Vendredi en fin d’après-midi Michaël Delafosse réagissait par une déclaration sur les réseaux sociaux à ces propos qui « constituent une offense à la mémoire de Samuel Paty, victime d’un attentat islamiste ». Pour le maire, qui fait vibrer sa corde d’enseignant, « ces déclarations traduisent une absence totale de responsabilité à l’égard des professeurs engagés au quotidien pour faire vivre et respecter les principes de liberté d’expression et de laïcité dans notre pays, ils sont les garants de la concorde nationale et de la paix civile ».

Le Socialiste vient ensuite sur le terrain politique. « Ces propos constituent enfin une infidélité profonde aux valeurs de la gauche, qui a toujours combattu, au nom de la laïcité et de l’émancipation, ceux qui affirment la supériorité du dogme religieux sur les lois de la République ». Farouchement opposé à La France Insoumise, il appelle : « Face aux remises en cause et aux pressions religieuses qui déstabilisent notre société, j’invite la gauche à ne jamais tourner le dos à son engagement en faveur de la laïcité, vrai principe républicain ». Voulant illustrer « le fanatisme religieux », Michaël Delafosse met sur le même plan, sans aucun contexte historique, le massacre de la Saint-Barthélémy le 24 août 1572 par « les fanatiques catholiques » et l’assassinat de Samuel Paty le 16 octobre 2020 par « un fanatique musulman » en concluant : « Face à ce fléau, nier, relativiser ou transiger, c’est abandonner nos valeurs fondamentales ».

Ligne de défense

Dans le même temps, Nathalie Oziol choisissait de se défendre dans deux médias locaux : Midi Libre et France Bleu Hérault. S’étonnant que cela prenne « des proportions ahurissantes », l’Insoumise réitère : « Je ne suis pas d’accord pour que l’on qualifie l’auteur de l’attentat contre Samuel Paty de fanatique musulman comme l’a fait le maire de Montpellier dans un tweet car il s’agissait d’un terroriste islamiste. Amalgamer musulman et islamiste, c’est inacceptable et insultant pour des millions de personnes ». Ayant souhaité « réaxer » en pointant les manquements de la hiérarchie, elle explique avoir « juste rappelé toutes les dimensions de cet attentat. Dire une chose ne veut pas dire nier tout le reste » et, elle-même enseignante, a été « choquée comme toute la communauté, les Françaises et les Français ».

Vidéos : en ce moment sur Actu

Accusant une nouvelle fois Libération et sa journaliste Charlotte Belaïch, co-auteure du livre La Meute, de « mensonge », Nathalie Oziol pointe également le rôle du Parti Socialiste : « La vérité n’est pas le souci de ceux qui ont fait enfler la polémique. On me prête des propos que je n’ai pas tenus sur une affaire sordide qui me choque encore aujourd’hui ». Si comme elle le dit « les mots ont un sens », une autre expression que « affaire sordide » que l’on emploie généralement pour les faits divers eût été plus appropriée… Mais comme toujours, l’histoire de la poutre et la paille…

Ce qu’aurait d’ailleurs peut-être corrigé Alban Desoutter, membre de La France Insoumise, du Parti Ouvrier Indépendant, du syndicat FO-ESR et de La Libre Pensée, qui s’est chargé justement d’une correction particulièrement virulente de la déclaration de Michaël Delafosse notée 2 sur 20 avec, outre des annotations, l’observation globale : « Manque de sincérité, et surtout le petit Michaël copie beaucoup sur son petit camarade Jordan ! Semestre très mauvais, passe son temps devant BFMTV avec son amie Carole. Je soupçonne par ailleurs utilisation +++ de ChatGPT (formules toutes faites stéréotypées). Vocabulaire faible – manque de source, concepts jamais définis ! À revoir ».

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Dans un communiqué de soutien à Nathalie Oziol, signé du Parti Ouvrier Indépendant, il est par ailleurs notamment expliqué que « si tous ces gens attaquent La France insoumise, c’est pour une seule et unique raison : ils ne tolèrent pas qu’un mouvement politique de masse résiste au génocide palestinien, refuse les combines pour soutenir le gouvernement et Macron, refusent la marche à la guerre et préparent le dégagement de Macron et de ses alliés, du PS au RN en passant par les 50 nuances de droite ».

Deux candidats aux municipales s’engouffrent

Une ligne que partage également Serge Martin, tête de liste Social, Démocratie et Écologie aux municipales à Montpellier, qui en profite pour s’en prendre, sur un ton étonnamment familier, à son ancien camarade socialiste : « Que Monsieur le Maire fasse la leçon à la députée Oziol pour ses propos concernant l’assassinat de Samuel Paty, c’est une chose. Que “Mikka” compare l’acte d’un loup solitaire à la Saint-Barthélemy, c’est autre chose. En effet aujourd’hui la France est un pays laïc, le maire n’a pas à se mêler de foi. Après avoir comparé un meurtre à un massacre, le maire va-t-il nous sortir la théorie du « grand remplacement » ? L’amalgame est une erreur peu commune aux historiens, “Mikka” est vraiment atypique ! Il se dit de gauche et s’exprime comme Zemmour ! ».

Autre candidate à s’engouffrer dans la brèche de la polémique pour viser Michaël Delafosse, Isabelle Perrein. « Le maire de Montpellier semble réduire le problème du fanatisme religieux à l’école. Or ce problème concerne l’ensemble de notre pays. La laïcité n’est pas de gauche, elle n’est pas de droite, elle est républicaine » défend la tête de liste Aimer Montpellier qui promeut : « Et face à la menace du fanatisme, il ne suffit pas de s’indigner : il faut avoir le courage de dire clairement qu’on ne pactisera jamais avec ceux qui relativisent ou excusent ces dérives ».

Les profs d’histoire-géo recalent Nathalie Oziol

Vendredi, Mickaëlle Paty, l’une des sœurs de l’enseignant assassiné, avait exprimé par le biais d’un communiqué de son avocate toute son indignation quant aux propos de Nathalie Oziol en annonçant que ces derniers seraient examinés au regard du délit d’apologie du terrorisme. Dimanche, c’était au tour de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG) de recaler Nathalie Oziol dans un communiqué de son bureau national auquel s’associe Gaëlle Paty, autre soeur de Samuel Paty. « Le fond de ses propos nous a profondément indignés. La justice a rendu son verdict. Le procès qui s’est tenu en novembre et décembre 2024 a établi les faits de manière incontestable : Samuel Paty a été assassiné par un terroriste islamiste, mu par un fanatisme religieux » et d’insister : « Samuel Paty a pu se sentir isolé, même s’il a toujours été soutenu par sa principale. Mais ce n’est pas son institution qui l’a tué. C’est un fanatique islamiste. Nier cette réalité ou la minimiser constitue une négation de la vérité judiciaire et historique ».

Ces profs d’histoire-géo, qui rappellent avoir pour « mission de transmettre les faits, d’enseigner l’esprit critique et de défendre la vérité contre toutes les formes de désinformation », interrogent : « Comment exercer cette mission quand une représentante de la Nation, par ailleurs enseignante, diffuse une version alternative d’un attentat terroriste au mépris des faits établis par la justice ? ». Et de pointer : « Ces propos alimentent la confusion, la mésinformation et la défiance envers les institutions démocratiques. Ils sont l’antithèse même du combat que Samuel Paty menait au quotidien dans sa classe ». C’est pourquoi  » l’APHG condamne avec la plus grande fermeté ce type de propos indignes. Elle apporte tout son soutien à la famille Paty et à ses proches. Notre soutien va aussi à l’ensemble des collègues heurtés par ces propos ».

Libération une nouvelle fois attaquée

Avec comme simple ligne de défense « « musulman » et « islamiste », ce n’est pas la même chose », Nathalie Oziol peine à convaincre. Le passage à l’Assemblée nationale ce week-end, occasion d’un nouvel affrontement entre La France Insoumise et le Parti Socialiste sur fond de budget de la Sécurité sociale, n’aura été qu’une courte parenthèse. Changement de stratégie donc ce lundi. Après avoir accusé la journaliste Charlotte Belaïch de mentir dans son premier article et le quotidien d’avoir truqué la vidéo, dont le montage était en fait dû à son producteur, pour la boucle « Oumma Montpellier », l’option semble prise de s’attaquer à nouveau à Libération en ayant trouvé un angle d’attaque avec un forum organisé en partenariat avec le journal pour promouvoir la gratuité des transports en commun au moment de son lancement.

Largement suffisant selon les Insoumis pour jeter l’opprobre sur le quotidien à l’instar du député du Val d’Oise Paul Vannier qui vole au secours de sa camarade en interrogeant tel un magistrat : « Combien d’argent « Libération » a reçu de la métropole de Montpellier présidée par Delafosse pour l’organisation d’un « forum » destiné à faire la promotion de sa politique municipale en 2023 (ndlr : forum sur la gratuité des transports en commun) ? Y-a-t-il un lien entre ces financements et le papier de Belaïch calomniant Nathalie Oziol candidate face à Delafosse dans l’élection municipale à venir ? » et d’insister : « Comment se passe l’intégration de votre petite opération politicienne dans les comptes de campagne de Delafosse ? La section PS de « Libération » a voté sur tout ça ou c’est une décision que vous avez prise à deux avec Belaïch ? ».  Face aux soupçons de « communautarisme électoral », La France Insoumise oppose donc une manipulation médiatique et ne cache plus sa haine à l’égard de certains médias, Libération en tête. Ce qui n’est jamais bon signe…

Un impact sur la campagne ?

Quant à Nathalie Oziol, la candidate aurait sans doute préféré un début de campagne plus serein. Et si des interrogations se posent quant à conduire correctement les Insoumis dans la bataille pour convaincre au-delà des convaincus, cette polémique pourrait également avoir un impact quant à un rapprochement avec les autres forces politiques à gauche déjà pleinement engagées dans la campagne contre Michaël Delafosse. Il n’est pas dit que Le Printemps Montpelliérain de l’écologiste Jean-Louis Roumégas, qui a déjà affiché certaines méfiances à l’égard de La France Insoumise, n’ait envie d’être associé à une telle ligne de défense.

Toutefois, conforté par une polémique d’une nature dont ils ont plutôt généralement l’habitude de conduire et toujours revigoré quand ils sont attaqués par les Socialistes, le noyau dur des Insoumis semble resserré autour de sa candidate. De là à faire cause commune derrière elle jusqu’au bout ? L’avenir le dira. Heureusement, Nathalie Oziol peut compter sur des soutiens, comme Aurélien Taché, autre député insoumis du Val d’Oise, qui apporte son « Plein soutien à Nathalie Oziol, qui mène une magnifique campagne, pour que Montpellier ait enfin une maire qui refuse la division populaire ». Quelqu’un aura au moins vu la campagne de la candidate au-delà d’un discours de lancement il y a un mois et de cette polémique…

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