Il est libre. Après trois semaines d’incarcération, Nicolas Sarkozy est sorti lundi de la maison d’arrêt de la Santé, à Paris. Une libération logique et respectueuse du droit, puisque l’ancien président de la République a fait appel de sa condamnation à cinq ans de prison ferme pour « association de malfaiteurs » dans le cadre de l’affaire libyenne.
Il n’en demeure pas moins que la décision de la cour d’appel est historique, puisque pour la toute première fois, une personne libérée se voit interdite d’entrer en contact avec « le ministre de la Justice, les membres de son cabinet et tout cadre du ministère de la Justice susceptible d’avoir des remontées d’information ».
Cette décision tient du plus pur camouflet pour l’actuel garde des Sceaux, Gérald Darmanin, qui malgré sa fonction a rendu visite à Nicolas Sarkozy en prison, le 29 octobre dernier.
Un déplacement qui a plus que fait tiquer la cour, au motif que les « antécédents du prévenu » témoignent de « sa capacité à actionner différents services de l’État nonobstant le fait qu’il n’exerce plus d’activité officielle ».
Une libération bien encadrée
Si Nicolas Sarkozy n’est pas un prisonnier comme un autre, puisqu’il a occupé la plus haute fonction de l’État, il reste un citoyen comme un autre. Le fait qu’Emmanuel Macron l’ait reçu à l’Élysée juste avant son incarcération, ou que le secrétaire général de la présidence de la République, Emmanuel Moulin, se soit rendu le 13 octobre à un événement organisé par Nicolas Sarkozy qui avait des airs de soirée de soutien, participe à un dangereux brouillard menaçant la séparation des pouvoirs.
La cour précise d’ailleurs interdire tout contact entre Sarkozy et Darmanin « afin d’éviter un risque d’obstacle à la sérénité des débats et d’atteinte à l’indépendance des magistrats ».
D’autres conditions viennent encadrer la libération sous contrôle judiciaire de Nicolas Sarkozy, « du fait des risques de réitération et de concertation frauduleuse et de risques de pression sur les témoins ».
Il ne doit logiquement entrer en contact avec aucun de ses coprévenus, aucune des dix-sept personnes liées à l’enquête, de même qu’il doit se tenir à l’écart d’une liste de huit dignitaires libyens, sous risque de retourner en prison.
De plus, interdiction lui est faite de quitter le territoire français, la cour estimant « qu’en tant qu’ancien président de la République, le prévenu dispose, tout naturellement, de facilité pour entrer en contact avec les dirigeants des pays dans lesquels (les protagonistes du dossier libyen) ont trouvé refuge ».
Sitôt désincarcéré, Nicolas Sarkozy a confié que ses vingt jours de prison ont constitué un « cauchemar ». « Je n’avais pas imaginé attendre 70 ans pour connaître la prison. C’est dur, c’est très dur, ça l’est certainement pour tout détenu, je dirais même que c’est éreintant », a-t-il observé. Il s’est également déclaré innocent et assure que « la vérité triomphera ».
Les chiens de garde aboient en meute
Il s’est cependant montré moins vindicatif vis-à-vis de la justice qu’auparavant. Au moment de sa condamnation en première instance, puis juste avant d’être incarcéré, il s’était frontalement attaqué aux magistrats, les accusant d’être guidés par « la haine » et la « vengeance », en plus d’affirmer, à tort, que la justice n’avait aucun élément contre lui.
Une ligne de défense reprise de façon éhontée par les médias bollorisés que sont le JDD, Europe 1, CNews, mais aussi par le Figaro. Le grand quotidien de droite était de nouveau au rendez-vous de cette dérive dangereuse, mardi, affirmant dans son édito que la décision d’incarcérer Nicolas Sarkozy « reposait sur du sable » en plus de soupçonner chez les juges un objectif guidé par un « règlement de compte à la fois personnel, politique et idéologique ».
Tous les chantres de la justice intraitable, de la tolérance zéro, de l’aggravation des peines et de leur application provisoire se sont tout d’un coup retrouvés à crier au scandale, dès lors que l’un des leurs a fait les frais de l’application du droit qu’ils défendaient jusque-là.
Reste que le « chemin de croix judiciaire » de Nicolas Sarkozy, selon sa propre expression, n’est pas terminé. Outre l’affaire libyenne, l’ancien chef de l’État déchu de sa Légion d’honneur a déjà été définitivement condamné dans le cadre de l’affaire Bismuth, le 17 mai 2023, à trois ans de prison (dont deux avec sursis), pour trafic d’influence et corruption.
Après avoir été condamné en appel, le 14 février 2024, à un an de prison (dont six mois avec sursis), il s’est pourvu en cassation concernant l’affaire Bygmalion. La décision est attendue le 26 novembre.
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