Dans les années 1990, Marseille vit l’âge d’or de son rap. Dans le sillage d’IAM, la Fonky Family ou 3e Œil, les voix du Sud s’imposent, brutes et authentiques, façonnées par les réalités du terrain plus que par les majors. Dans cette effervescence, un noyau d’amis fait ses premiers pas sur les scènes locales.
C’est là que naît Berreta, en 1997, groupe emblématique du rap marseillais composé de Sheïr, Belek, Kalash L’Afro et Skwal. « Le groupe a vu le jour concrètement dans les années 97-98. Il s’est confirmé avec un premier concert dans la ville, à Berre-l’Étang, en première partie de 3e Œil : c’est de là que tout est parti », se souvient Sheïr. Très vite, leurs morceaux « tournent à Marseille », portés par une énergie débordante et une écriture revendicative. En 2004, ils sortent la mixtape Rime de zone, avant de marquer au fer rouge la scène locale avec L’Encre est dans le chargeur (2005). « C’est une sortie nationale. À l’époque, on est un groupe indépendant et on fait parler de nous nationalement, c’était une vraie fierté », poursuit le Vitrollais.
Le déclic « 13 Organisé »
Puis, pendant près de vingt ans, la vie continue pour les membres du groupe, amis depuis l’enfance. Ils se voient se marier, avoir des enfants, mais entre eux, la musique se met en pause. Jusqu’à ce que Jul les rappelle pour participer au Classico Organisé et 13 Organisé 2. Sheïr ne peut que saluer l’effet d’entraînement né autour de ces projets fédérateurs initiés par le rappeur à trois lettres.
« Il nous a permis de nous réunir, de se retrouver autour de la musique. C’était une super initiative. Il a montré que le public était toujours demandeur de ce genre de rap-là. Pour nous, ça a été le déclic : les planètes étaient alignées. Il y a une part de magie là-dedans… Et une évidence : on n’est pas morts. »
Les vieux amis retrouvent le studio. « On a ressenti un truc fort : l’énergie, la complicité, on s’est retrouvés, comme avant… On s’est dit qu’il y avait encore quelque chose à faire. » De ce nouvel élan naît l’envie d’un projet anniversaire. L’idée s’impose « sans pression ». « On ne parle pas de ‘retour’, il n’y a aucune ambition derrière. On veut marquer le coup des 20 ans, refaire des titres… » Les sessions s’enchaînent avec leur beatmaker Idriss et Skwal. « Un morceau, deux, trois… sept. On a décidé de les sortir single par single. »
Le premier titre de cette nouvelle mouture est sorti le 24 octobre, intitulé Le jour se lève. « Ça a du sens, disons qu’après une longue nuit, nous sommes de retour. » Un deuxième, Ça part de là, sortait également ce vendredi 7 novembre, et d’autres suivront.
Un groupe de scène, d’abord
Si Berreta a marqué une génération, c’est d’abord sur le plancher. « À la base, on est un groupe de scènes », insiste Sheïr. « Avant même d’avoir un morceau enregistré, on tournait déjà. On rappait sur des instrus, tout était par cœur. La scène, c’était notre marque de fabrique, notre carte d’identité. » Dans les années 2000, alors que rayonnent les Psy 4 de la Rime, Puissance Nord, la FF ou Keny Arkana, Berreta écume les maisons des jeunes et de la culture, les festivals et les premières parties.
« C’était notre école, notre moyen de nous faire connaître. On n’avait pas les réseaux sociaux, pas de studio à portée de main, alors on allait au contact du public. » Cette expérience forge leur style : un rap ancré dans la rue mais travaillé, avec une énergie scénique qui fait la différence. « C’était notre chez-nous, la scène. C’est là qu’on a appris à tenir un micro, à faire vivre nos textes, à parler aux gens sans filtre. »
« Vingt ans après, au même endroit »
Et si les années ont passé, le plaisir est intact. « Se retrouver sur scène, revoir le public d’il y a vingt ans et rencontrer la nouvelle génération… c’est un kiff total. » En résidence au Roucas à Vitrolles pour préparer la date du 15 novembre, le groupe répète « comme à l’ancienne ». « C’est un plaisir simple, presque familial. On rejoue des morceaux qu’on connaît par cœur, on retrouve les automatismes, les regards, les rires. Et puis il y a ce trac, cette adrénaline, ce truc qui nous manquait. »
Quant au lien avec celles et ceux qui les suivent, il ne s’est jamais rompu. « Même quand on ne faisait plus rien, des gens nous disaient : ‘Vous avez marqué ma jeunesse.' » Jusqu’à Jul lui-même : « Il nous a confié qu’il avait’saigné’L’Encre est dans le chargeur. Venu du plus gros vendeur de France, ça fait plaisir. »
Pour résumer l’esprit de cette célébration, Sheïr a trouvé la bonne formule : « Vingt ans après, au même endroit. » Comme un rendez-vous, « à la Patrick Bruel« . « On avait défendu L’Encre est dans le chargeur au Roucas. On s’y retrouve vingt ans après. Peut-être que ça bouclera la boucle… ou pas. On n’en sait rien. Ce qui est sûr, c’est qu’on prend du plaisir. »
Pour l’occasion, Berreta s’entoure d’un plateau d’invités prestigieux : Puissance Nord, Hermano Salvatore, Dika, L’Ami Caccio, Kilam Salman, Idriss et Tony la Famille. En première partie, place à la relève vitrollaise avec B.One, Sabr, Y.A.N.S, DirtyTheLord, Dydy & Lazermi, avant un DJ set de DJ Elbino animé par Tyger.
Samedi 15 novembre, à la salle du Roucas, à Vitrolles. Réservations : https://urlr.me/rk87hu. Ouverture des portes à 18h30. PAF : 10 €. Il est possible, à l’occasion de ce concert, de faire un don à destination de la Maison pour tous de Vitrolles : https://www.helloasso.com/associations/maison-pour-tous-de-vitrolles/evenements/berreta-puissance-nord-dika-hermano-salvatore-concert-vitrolles