Une affiche demandant la libération de Boualem Sansal devant la mairie du 16e arrondissement, à Paris, le 15 août 2025.

HENRIQUE CAMPOS / Hans Lucas via AFP

Une affiche demandant la libération de Boualem Sansal devant la mairie du 16e arrondissement, à Paris, le 15 août 2025.

EN BREF Boualem Sansal, écrivain franco-algérien, a été gracié après l’intervention du président allemand, mettant fin à une crise diplomatique entre Alger et Paris.
Certains députés français critiquent la gestion du dossier par la France et parlent même d’une « gifle pour la diplomatie française ».
En réalité, la médiation allemande est vue comme une solution pour éviter l’humiliation des parties impliquées.

POLITIQUE – C’est la fin d’un feuilleton qui aura duré près d’un an. L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné depuis le 16 novembre 2024 en Algérie et au cœur d’une grave crise diplomatique entre Alger et Paris, a été gracié ce mercredi 12 novembre suite à l’action de l’Allemagne.

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune « a (en effet) répondu favorablement » à une demande de son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier, « concernant l’octroi d’une grâce en faveur de Boualem Sansal ». « Cette demande a retenu son attention en raison de sa nature et de ses motifs humanitaires », a ajouté la présidence algérienne, en précisant que « l’État allemand prendra en charge le transfert et le traitement » de l’écrivain.

« Je salue le tiers de confiance qu’a été l’Allemagne, et notamment le président allemand, qui a permis la libération de Boualem Sansal à peu près un an après son emprisonnement en Algérie », a salué Emmanuel Macron avant un discours consacré au spatial à Toulouse.

Si à l’Assemblée nationale, le Premier Ministre français Sébastien Lecornu a exprimé son « soulagement » après ce dénouement, et plusieurs élus de premier plan et de tous bords comme Laurent Wauquiez (LR), Gérard Larcher (LR), Marine Le Pen (RN), Paul Christophe (Horizons) ou le Parti socialiste se sont réjouis de cette libération, certains députés – essentiellement d’extrême droite – n’ont pas hésité à enfoncer la diplomatie française.

« Notre reconnaissance va à l’Allemagne qui réussit là où le gouvernement français échoue », a ainsi pointé Éric Ciotti (UDR) sur X.

Toujours sur le même réseau social, au Rassemblement national, Guillaume Bigot a fustigé une « énorme démonstration de l’échec de la diplomatie Macron-Barrot », tandis que son collègue Michael Taverne se demande s’il faut « remercier l’Allemagne ». « Le fait que l’Algérie ait attendu une intervention de l’Allemagne pour obtempérer est une nouvelle gifle pour la diplomatie française », écrit Manon Bouquin. Pascale Piera, députée RN au parlement européen, dénonce de son côté un « signal envoyé (…) désastreux — celui d’une France affaiblie sur la scène internationale ».

L’intervention d’« un pays tiers », une nécessité

Mais si la lecture brute de l’information de cette libération peut laisser penser dans un premier temps que l’Allemagne tient le beau rôle, et que la France a échoué, c’est en fait bien plus complexe et subtil que cela. Comme l’explique le président LR de la commission des affaires étrangères du Sénat, Cédric Perrin, la machine diplomatique française a plutôt bien fonctionné, sous les radars, dans la résolution de cette très médiatique affaire.

« Il était nécessaire qu’un pays tiers intervienne afin de ne pas humilier le pouvoir algérien. Ça faisait un moment qu’on entendait parler de cette solution pour que tout le monde sorte par le haut. Mais il faut relativiser les choses. En France, beaucoup de personnes se sont battues pour cette libération. Il y a quelques jours, le sort de Boualem Sansal a été évoqué entre Gérard Larcher et le Pape Léon XIV qui entretient de bons rapports avec le président Tebboune », relate-t-il ainsi, lui qui fait partie de la délégation sénatoriale au Vatican.

« Passer par un pays tiers, c’était la solution pour que personne ne perde la face », éclaire encore la vice-présidente socialiste de la commission des affaires étrangères, Hélène Conway-Mouret, comme le rapporte Public-Sénat.

Une précédente médiation allemande, déjà, avait échoué en mars, au plus fort de la crise entre Alger et Paris, rappelle par ailleurs Le Monde. Finalement, le dénouement de ce 12 novembre n’est que « la concrétisation d’un plan esquissé par la diplomatie française au cours de l’été, consciente de l’impasse dans laquelle s’étaient engouffrées [Paris et Alger] », écrit le quotidien national. Cette libération, « c’est le fruit des efforts constants de la France et d’une méthode faite de respect, de calme et d’exigence », a commenté Emmanuel Macron ce mercredi.

Enfin, rappelons que l’Allemagne a une longue tradition d’accueil de dissidents, despotes et dirigeants malades dans son hôpital de la Charité à Berlin, l’un des plus réputés d’Europe. Il y a cinq ans, il avait accueilli l’opposant russe Alexeï Navalny, victime d’un empoisonnement. Avant lui, l’ancienne Première ministre ukrainienne Ioulia Timochenko y avait été soignée pour des douleurs dorsales.