Par
Anthony Soudani
Publié le
25 avr. 2025 à 17h42
; mis à jour le 25 avr. 2025 à 17h56
Ils sont au moins 250 et vivent à deux dans chaque tente. Le grand campement de migrants s’étend sur une partie du jardin des Chartreux, sur les hauteurs du 1er arrondissement de Lyon. « Ce n’est pas une belle vue dont ils ont besoin mais un toit », lâche Boris Tavernier, député écologiste de cette circonscription.
« Une belle vue » qu’ils vont d’ailleurs devoir quitter. Si ce n’est pas déjà le cas, ils seront bientôt expulsés. La mairie prévoyant des travaux cet été dans le parc, le tribunal administratif a autorisé la Ville à faire appel à la force publique à partir du 18 mai.
La colère monte au sein du collectif Migrants Croix-Rousse et des élus. Ces jeunes qui, pour la plupart sont des Africains attendant d’être reconnus ou non comme mineurs isolés, sont dans une situation « très difficile ».
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« J’ai été victime d’une agression à la Part-Dieu »
C’est Issa K. qui en parle le mieux. L’Ivoirien, qui affirme être né le 22 novembre 2008 à Divo, est arrivé en France en décembre 2024. Rapidement, il a rejoint ce campement sauvage. « Nous vivons dans des conditions pénibles, dans de petites tentes à deux avec de mauvaises conditions hygiéniques. Nous sommes exposés aux maladies, microbes et virus. »
Le campement de migrants du jardin des Chartreux compte 250 jeunes Africains. (©Anthony Soudani / actu Lyon)
Le jeune homme raconte son quotidien. « Depuis ma présence, j’ai été victime de racisme dans les transports lors des contrôles et au centre commercial Part-Dieu. J’ai voulu être au chaud et charger mon téléphone un jour de pluie. J’ai été agressé verbalement et physiquement. J’ai eu des séquelles mais grâce aux bénévoles du campement, j’ai eu des soins. »
Des dealers essaient de les recruter pour 120 euros par jour
Issa insiste sur cette vulnérabilité. Il évoque la présence de dealers au jardin des Chartreux qui essaient de les recruter en soirée. « Ils nous attendent aux abords du parc et dans le bus C13. Ils nous proposent de dealer avec la somme de 120 euros la journée plus un logement. »
Le jeune Africain explique que pour résister, ils essaient de remonter toutes les informations aux bénévoles. « Grâce à eux, on résiste. »
Boris Tavernier (EELV), présent vendredi 25 avril au campement avec Abdelkader Lahmar (LFI). (©Anthony Soudani / actu Lyon)Le député Boris Tavernier tacle la préfecture du Rhône
Parmi les 250 migrants présents au parc, au moins 200 d’entre eux sont en recours pour être reconnus mineurs isolés. Les bénévoles estiment qu’au moins 80% auront droit à ce statut après le passage devant un juge pour enfants. « Il manque environ 300 places et ce n’est pas du tout insurmontable », lance un bénévole du collectif Migrant Croix-Rousse.
Boris Tavernier (EELV), présent vendredi 25 avril au campement avec Abdelkader Lahmar (LFI), affirme que sur ce type de dossier le « moindre échange est compliqué avec la préfecture. On nous répond : »Appelez le 115 ou on peut financer l’aide au retour ». »
Issa veut « payer ses impôts en France »
Si le campement est expulsé, Issa l’affirme : ils seront encore « plus exposés à la rue ». « On veut un logement adéquat pour nous, pour notre âge, pour l’éducation et tout le reste. » Le jeune Ivoirien le clame haut et fort, il veut aller en l’école en France. « Je lis des bouquins, j’étudie. J’apprends à mieux m’exprimer. Je veux aller à l’école ici, faire ma formation, puis travailler. Je veux même payer des impôts et vivre ici. »
La préfecture du Rhône répond
Sollicitée, la préfecture du Rhône explique que l’État « finance près de 27 000 places d’hébergement et de logement de transition dans le Rhône ».
« L’engagement financier de l’État s’élève à hauteur de 110 millions d’euros chaque année rien que pour le Rhône. En 10 ans, le nombre de places d’hébergement d’urgence a augmenté de 150 %.
En 2024, la Préfète a autorisé l’ouverture de 300 places supplémentaires qui ont été immédiatement occupées. En décembre 2024, nous avons inauguré un centre d’accueil comprenant 110 places pour les enfants et les femmes victimes de violences. C’est encore une fois un engagement financier de 2 millions d’euros. Aujourd’hui, environ 9000 ménages attendent un hébergement ou un logement accompagné selon la maison de la veille sociale.
Le système d’hébergement d’urgence est saturé. 32 % des bénéficiaires sont hébergés depuis plus de 5 ans. L’objectif de l’État est donc de créer plus de fluidité pour prendre en charge les ménages les plus vulnérables. La solution la plus responsable ne réside pas dans l’ouverture compulsive de places supplémentaires. Nous devons rendre le système d’hébergement d’urgence plus efficace. Chaque sortie effectuée vers un autre dispositif ou le logement est une entrée pour un ménage vulnérable à la rue.
C’est la raison pour laquelle à partir de 2025, la situation de chaque personne intégrant un hébergement d’urgence sera réévaluée tous les trois mois dans le cadre de son accompagnement social. Notre priorité en 2025 est aussi de préserver un certain nombre de places pour permettre l’accueil des personnes les plus vulnérables orientées par les maraudes du 115. »
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Le campement du jardin des Chartreux vit très certainement ces derniers instants à Lyon. (©Anthony Soudani / actu Lyon)
En attendant, Issa nourrit un grand désir d’intégration. Il souhaite devenir chauffeur poids-lourd. « Je voulais être gendarme mais on m’a dit qu’il fallait être de nationalité française. »
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