Le calvaire de Boualem Sansal touche à sa fin. L’Algérie a accepté une demande de l’Allemagne de gracier et transférer l’écrivain franco-algérien, emprisonné depuis un an, dans ce pays pour qu’il puisse y être soigné, a indiqué un communiqué de la présidence algérienne ce mercredi. L’écrivain est arrivé en Allemagne ce mercredi soir. « Ils ont atterri et sont déjà en route pour l’hôpital », a indiqué le porte-parole du président allemand Frank-Walter Steinmeier.

Emmanuel Macron s’est entretenu ce mercredi soir au téléphone avec Boualem Sansal, sans fournir d’éléments sur cet appel. Le Premier ministre Sébastien Lecornu a de son côté exprimé devant les députés son « soulagement » à l’annonce des autorités algériennes, souhaitant que l’écrivain « puisse rejoindre ses proches au plus vite » et « être soigné ». Sébastien Lecornu a aussi « remercié du fond du cœur celles et ceux qui ont contribué à cette libération, fruit d’une méthode faite de respect et de calme ».

Emmanuel Macron a assuré que cette libération était « le fruit des efforts constants de la France et d’une méthode faite de respect, de calme et d’exigence ». Il a par ailleurs affirmé s’être entretenu au téléphone avec le chef de l’Etat allemand Frank-Walter Steinmeier « pour lui exprimer [sa] a profonde gratitude pour les bons offices de l’Allemagne ». « Je prends acte de ce geste d’humanité du président [algérien] Tebboune et l’en remercie. Je reste évidemment disponible pour échanger avec lui sur l’ensemble des sujets d’intérêt pour nos deux pays », a-t-il ajouté.

Victime collatérale des tensions entre Paris et Alger, l’auteur avait été arrêté par les autorités antiterroristes algériennes le 15 novembre 2024, alors qu’il se rendait au salon du livre d’Alger. Il est emprisonné depuis, sa condamnation à cinq ans de prison pour « atteinte à l’unité nationale » étant devenue définitive en juillet. L’auteur de 76 ans souffre d’un cancer de la prostate.

L’une des filles de Boualem Sansal a exprimé son soulagement  : « J’étais un petit peu pessimiste parce qu’il est malade, il est vieux et qu’il pouvait mourir là-bas. J’étais pessimiste mais j’y ai toujours cru. J’ai gardé l’espoir que ça arrive un jour », a déclaré Sabeha Sansal, depuis la République Tchèque où elle vit. « Je suis très heureuse parce que c’était vraiment une situation extraordinaire. Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi il était emprisonné », a-t-elle ajouté. Me Pierre Cornut-Gentille et François Zimeray, les avocats français de Boualem Sansal, se sont eux aussi dits « heureux que l’humanité ait prévalu sur toute autre considération ». « Nous avons toujours été convaincus que le sort de Boualem Sansal devait être dissocié des aléas diplomatiques », ont-ils réagi, saluant « le rôle de l’Allemagne dans ce dénouement ».

Christophe Gleizes toujours emprisonné

L’Allemagne et l’Italie étaient considérés comme des médiateurs qui travaillaient en coulisses en faveur de l’écrivain. Ces dernières semaines, la France avait de nouveau demandé avec force la libération de l’écrivain ainsi que du journaliste sportif Christophe Gleizes en attente de son procès en appel le 3 décembre après avoir été condamné fin juin à sept ans de prison pour « apologie du terrorisme ».

La droite et la gauche ont exprimé leur soulagement. Marine Le Pen a salué « les efforts de tous ceux qui ont œuvré à ce dénouement ». « Cette libération est une victoire pour la dignité et la liberté d’expression d’un écrivain de courage et de vérité ». « La liberté de penser, d’écrire, de douter et de critiquer triomphe aujourd’hui », s’est félicité la présidente (Renaissance) de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, en remerciant notamment « l’ensemble des députés […] pour leur mobilisation sans faille ». À travers Boualem Sansal, « ce sont la liberté d’expression, le refus de l’obscurantisme et de l’autoritarisme qui étaient faits prisonniers. C’est un soulagement immense. C’est, surtout, la Justice qui l’emporte », a abondé sur X le chef du parti présidentiel Renaissance Gabriel Attal, qui rappelle la situation de Christophe Gleizes, « toujours emprisonné sans raison dans les geôles algériennes ». 

Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a fait par de son « immense soulagement » depuis le Canada en marge d’une réunion du G7. « Nous restons évidemment très attentifs à la situation de notre compatriote Christophe Gleizes, dont nous espérons la libération prochaine », a-t-il ajouté.

À gauche, l’ex-président socialiste François Hollande a confié son « émotion et son soulagement » tandis que la patronne des Écologistes Marine Tondelier a remercié « ceux qui ont œuvré pour cette libération, avec calme et détermination ».

Boualem Sansal avait d’abord disparu fin novembre 2024, avant que les autorités algériennes ne confirment son arrestation. Il a notamment été condamné pour des déclarations tenues en octobre 2024 dans le média français d’extrême droite Frontières, dans lequel il estimait que, sous la colonisation française, l’Algérie avait hérité de territoires appartenant jusque-là au Maroc. Malgré sa maladie, il ne figurait pas parmi les milliers de personnes graciées par la présidence algérienne en juillet dernier, à la veille de la fête de l’indépendance du pays. L’écrivain fait l’objet d’une âpre lutte diplomatique entre l’Algérie et la France depuis son arrestation à son arrivée à Alger le 16 novembre.