Le voyage à Rome du Caravage
[article du Républicain Lorrain, 13 novembre 2009]
L’un des trésors les plus précieux du musée des Beaux-Arts, l’Annonciation du Caravage, a quitté Nancy. Direction Rome, pour célébrer, au printemps, les 400 ans de la mort du peintre.
L’Annonciation, un grand tableau du Caravage commandé par Henri II duc de Lorraine, l’une des deux œuvres du peintre détenues par des musées de province, est particulièrement fragile. Aussi Claire Stoulig, conservateur du musée des Beaux-Arts de Nancy, avait tout d’abord refusé de le prêter aux Italiens, justement à cause de cette grande vulnérabilité. Un rien peut altérer la toile, un choc, les variations hygrométriques, la température de l’air, la lumière… Mais certains arguments ont finalement emporté sa conviction. « J’ai accepté, car le tableau va être transporté dans des conditions optimales de sécurité. On a même installé des petits capteurs à l’intérieur de la caisse capitonnée pour enregistrer chaque vibration durant le transport. A Rome, il figurera aux côtés des plus grands Caravage, venus du monde entier. Il bénéficiera également d’une restauration, selon des techniques nouvelles, effectuée par les experts italiens et le laboratoire du Louvre. J’irai sur place en décembre pour voir où en sera le travail », explique Claire Stoulig, en surveillant du coin de l’œil la délicate opération de conditionnement de l’œuvre.
Compte tenu du coût d’une restauration effectuée dans les règles de l’art, la proposition italienne était une aubaine pour cette belle toile que les années et des traitements pas toujours adaptés ont quelque peu assombrie. La scène peinte par Michelangelo Merisi da Caravaggio, grand peintre de la papauté, en 1608 à Malte ou en Sicile, représente la Vierge agenouillée, sur laquelle se penche un ange portant une branche de lys. Très dépouillé, mais élégant, avec des effets de drapé saisissants et une impression générale de sérénité, le tableau s’est encrassé au fil des siècles.
Les layetiers du roy
C’est à peine, par exemple, si l’on distingue le visage de l’ange ou sa main. « Après le diagnostic, qui sera posé à l’aide d’un scanner pour examiner la couche picturale millimètre par millimètre, la restauration sera lancée. Et l’on reverra cette main, car le vernis a beaucoup foncé », constate Claire Stoulig. En 1976, une panne de chauffage de trois mois avait malmené l’œuvre et la toile s’est couverte d’un champignon !
Tout a donc été mis prévu pour permettre à ce Caravage, assuré pour 30 M€, de franchir les Alpes et de rallier Rome sans encombre, accompagné par un conservateur italien et une chimiste du musée. C’est d’ailleurs une société française experte qui a été mandatée pour assurer le voyage. La maison André Chenue, créée en 1760, qui transportait toutes les affaires du roi dans ses malles de château en résidence, est « la » référence internationale pour le transport d’œuvres d’art. Les layetiers-emballeurs, c’est leur nom, sont des experts en manipulation de trésors. Les musées égyptiens font appel à eux chaque fois qu’il y a quelque chose de délicat à déplacer. Il Caravaggio est entre de bonnes mains.
Monique RAUX
« L’Annonciation » du Caravage sur la chaine Youtube Nancy Musées
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Le retour du Caravage
[article du Républicain Lorrain, 03 novembre 2010]
Après une année d’absence, l ’Annonciation du Caravage, restauré, est de retour à Nancy. Le tableau a trôné dans une exposition en Italie.
Rentré très discrètement en juin dernier d’Italie où il avait passé plusieurs mois, le Caravage du Musée des Beaux-Arts de Nancy fait un retour triomphant. L’ Annonciation, qui a trôné parmi les chefs-d’œuvre commémorant à Rome le 400 e anniversaire de la mort de Michelangelo Merisi, dit « Il Caravaggio », est en effet de retour en Lorraine, où il est considéré comme un trésor depuis quatre siècles. Claire Stoulig, conservateur du Musée des Beaux-Arts de Nancy, avait accepté de prêter ce chef-d’œuvre car à la clef figurait une restauration du tableau, conduite par l’Institut supérieur pour la conservation et la restauration. Le nec plus ultra. Arrivé le 16 novembre en Italie, après six semaines d’examens, puis six semaines de restauration fine, le tableau qui a retrouvé sa splendeur et un éclat assourdi qui convient bien à l’œuvre du Caravage, a été exposé. « Le travail a été fait dans un laboratoire que, compte tenu des contraintes actuelles, nous n’aurions pas pu nous payer, sauf à obérer plusieurs années de campagnes de restauration », souligne Claire Stoulig, à l’évidence ravie du résultat. L’œuvre est traitée avec subtilité « vraiment a minima » ce dont se réjouit le conservateur, et une mise en lumière délicate révèle des détails que les années avaient estompés.
Le mystère du tableau
Le tableau, qui représente une Vierge agenouillée à qui l’ange Gabriel annonce qu’elle donnera naissance au fils de Dieu, a d’abord été nettoyé selon une technique légère. Des petits carrés de papier Japon imprégnés de solvant ont été appliqués pour enlever le vernis, avant que les couleurs ne soient appliquées. « Des chimistes, des physiciens, se sont penchés sur ce tableau, des études biologiques ont analysé les pigments, mais le mystère de sa création demeure. On ne sait pas avec certitude qui l’a acheté, l’a commandé », souligne Claire Stoulig. Ce qu’on sait, c’est que la famille de Gonzague, qui voulait resserrer les liens avec la famille ducale de Lorraine, aurait offert ce tableau à Marguerite de Gonzague, à l’occasion de son mariage en 1606 avec le futur Henri II, duc de Lorraine. « Il marque une rupture avec les codes de la Renaissance, le Caravage élimine tout ce qui est stylisé, et prône un naturalisme qui s’exprime là avec vigueur », remarque Claire Stoulig.
Monique RAUX