Rien n’est fini, tout commence. Déchu de ses titres et bientôt exilé sur le domaine privé de Charles III à Sandringham, l’ex-prince Andrew voit son futur s’écrire en pointillés. Ses relations avec Jeffrey Epstein, mais également son rôle d’ambassadeur commercial du Royaume-Uni entre 2001 et 2011, sont dans le viseur de la justice américaine et britannique.

Un étau judiciaire qui se resserre

La première salve, et la moins contraignante juridiquement, est la lettre envoyée des États-Unis à M. Andrew Mountbatten-Windsor par seize membres de la commission de surveillance de la Chambre des représentants. La missive, à en-tête du Congrès des États-Unis d’Amérique, sollicite sa  » coopération dans l’enquête du Comité sur les activités de trafic sexuel de Jeffrey Epstein « . Les élus de cette commission bipartite se basent sur des documents révélés dans le cadre de la succession de Jeffrey Epstein et demandent une réponse des avocats d’Andrew avant le 20 novembre.
En revanche, il n’existe, à l’heure actuelle, aucun levier juridique pour contraindre Andrew à s’expliquer. Pourtant, un nouveau refus de sa part de témoigner, même à huis clos et sans se déplacer sur le sol américain, pourrait être interprété comme une indifférence incompréhensible envers les victimes du pédophile, ou comme un aveu de complicité, voire de culpabilité avec le criminel sexuel mort en prison en août 2019.

Les secrets de Jeffrey Epstein ne sont pas tous révélés.Les secrets de Jeffrey Epstein ne sont pas tous révélés. © Alamy/ABACAEnquêtes parallèles et révélations explosives

En plus de cette demande, plane sur Andrew Mountbatten-Windsor la révélation des dossiers saisis par le FBI dans les différentes demeures de Jeffrey Epstein. Ils n’ont pas été rendus publics, malgré la promesse de campagne du président républicain. Mais les démocrates réunissent actuellement 218 signatures pour finaliser une pétition à la Chambre des représentants. Cette dernière pourrait enclencher un vote pour ou contre la divulgation des dossiers. Cette étape, très politique, pourrait faire ressortir, parmi les 40 ordinateurs et les 70 CD récupérés par la police fédérale américaine, le nom, entre autres, du frère du roi.

Mais avant de s’inquiéter des dossiers du FBI, Andrew Mountbatten-Windsor pourrait répondre de l’accusation relative à la divulgation du numéro de sécurité sociale et de la date de naissance de Virginia Giuffre à l’officier de police britannique chargé de sa sécurité. Andrew aurait fourni ces données confidentielles afin que son garde du corps enquête sur Virginia Giuffre aux États-Unis. La recherche aurait concerné d’éventuelles condamnations destinées à décrédibiliser son témoignage.

Cette démarche — vol et usurpation d’identité — est illégale, tant sur le sol britannique que sur le sol américain. Au Royaume-Uni, le collectif antimonarchique « Republic » a demandé à ses avocats d’enquêter sur le prince et, éventuellement, de fournir des preuves d’inculpation à la police. Par ailleurs, le frère et la sœur de Virginia ont menacé de saisir l’Office indépendant de surveillance de la police britannique au sujet de la possible transmission d’informations confidentielles concernant leur sœur.

Virginia Giuffre, accusatrice de Jeffrey Epstein, s'est suicidée.Virginia Giuffre, accusatrice de Jeffrey Epstein, s’est suicidée. © Alamy/ABACA

En 2016, à la suite des accusations de Virginia Giuffre, Scotland Yard avait « décidé de ne pas engager d’enquête criminelle », jugeant que les faits possiblement incriminés avaient eu lieu en dehors du Royaume-Uni. Mais, depuis la parution de l’autobiographie posthume de Virginia Giuffre, la police britannique a relancé le processus par une nouvelle enquête préliminaire, afin de déterminer si des éléments récents permettent le lancement d’une enquête criminelle en bonne et due forme. De plus, la police britannique enquête également sur les accusations visant l’officier de sécurité du prince déchu.

Ghislaine Maxwell, complice et seule condamnée dans l'affaire Epstein.Ghislaine Maxwell, complice et seule condamnée dans l’affaire Epstein. © Alamy/ABACAPressions politiques et soupçons financiers

Sur le plan politique, le ministre du Commerce, Sir Chris Bryant, a exprimé son souhait que le frère du roi réponde positivement à la demande de la commission du Congrès américain. De plus, une proposition de loi parlementaire et un débat de l’opposition ont eu pour sujet l’ex-duc d’York. Par convention, le monde politique débat rarement de la famille royale. Mais ces prises de position de la part de membres du gouvernement, le soutien du Premier ministre Keir Starmer aux décisions du roi Charles, et les demandes d’explications de l’opposition montrent un changement d’époque. Si le procureur américain Geoffrey Berman, qui avait dirigé les enquêtes new-yorkaises sur Epstein, s’était étonné de l’absence de réponse de la Grande-Bretagne à sa demande officielle d’entraide judiciaire concernant Andrew, il n’est pas certain que la réponse du ministère de la Justice soit la même aujourd’hui.

La gestion des finances d’Andrew est elle aussi sujette à enquête. La vente, en 2007, de Sunninghill Park — cadeau d’Élisabeth II à son fils Andrew pour son mariage — à Timur Kulibayev, gendre de l’ancien président du Kazakhstan, pour quatre millions au-dessus de la valeur du marché, avait déjà suscité des questions dans le monde politique. Mais, depuis la découverte de sa relation avec Yang Tengbo, un homme d’affaires chinois considéré comme un espion par le MI6, ses liens dans un triangle commercial entre lui, Bahreïn et la Chine, ainsi que la disparition des derniers 200 000 livres de Pitch@Palace, l’incubateur d’entreprises créé par Andrew, les pistes d’enquête partent tous azimuts.

Seule consolation pour le moment : Andrew Mountbatten-Windsor va récupérer le tiret au milieu de son nom de famille. Ce nom, exigé par son grand-père le prince Philip pour ses descendants, comporte en effet un tiret. Pas certain que cela suffise à enjoliver son futur.

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