Signalés aux abords de bases militaires, d’aéroports ou même d’une centrale nucléaire, les vols de drones suspects mettent à rude épreuve les autorités en Belgique, et alimentent les craintes que ce pays de l’UE puisse devenir une cible de la Russie.

Ces survols non expliqués se sont multipliés depuis un premier signalement début octobre au-dessus du camp militaire d’Elsenborn, non loin de la frontière allemande, dans la foulée d’incidents similaires en Allemagne et au Danemark notamment.

L’inquiétude en Belgique est montée d’un cran quand des survols nocturnes ont perturbé plusieurs soirs d’affilée le trafic aérien, allant jusqu’à causer des annulations de vols par dizaines les 4 et 5 novembre à l’aéroport de Bruxelles-Zaventem, le premier du pays.

Mercredi, le parquet fédéral a indiqué enquêter sur 17 incidents à travers la Belgique, possiblement liés à une volonté d’ingérence, d’espionnage ou de déstabilisation.

Parmi ces multiples incidents, avec des engins de tailles diverses, « il est encore souvent difficile de distinguer s’il s’agit d’un pilote de drone local qui enfreint les règles ou d’une tentative de déstabilisation par un acteur étatique », a fait valoir le parquet.

Le mini-missile Mark 1 a été conçu par une entreprise estonienne pour abattre les drones russes Shahed.

De son côté le gouvernement belge a évoqué une action coordonnée « manifestement de source étatique », en refusant de pointer du doigt officiellement la Russie, vers laquelle tous les esprits s’orientent.

Depuis l’invasion russe de l’Ukraine en 2022, l’Europe accuse Moscou de se livrer à une « guerre hybride » de plus en plus intense, faite de sabotages, de cyberattaques et d’ingérence se situant dans une zone grise où tout peut être nié.

Outre ceux de nombreuses institutions de l’Union européenne, la Belgique héberge le siège de l’Otan, et il existe encore d’autres raisons pour lesquelles le pays pourrait être dans le collimateur en ce moment.

Depuis la rentrée de septembre, l’UE débat de l’octroi d’un nouveau prêt de 140 milliards d’euros à l’Ukraine en ayant recours aux avoirs gelés de la banque centrale russe, dont une très grande partie se situe dans l’établissement financier Euroclear à Bruxelles.

Même avant l’apparition des drones, le Premier ministre belge Bart De Wever avait averti qu’une telle mobilisation des avoirs d’Euroclear pourrait attirer la colère de la Russie contre son pays.

« Ne touchez pas aux avoirs ! »

Après les survols répétés de sites belges sensibles, le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius a établi un lien direct avec cette question des avoirs russes hébergés en Belgique.

Le message derrière ces activités de drones c’est : « ne songez même pas à toucher aux avoirs ! », « il n’y a pas d’autre manière de l’interpréter », a dit M. Pistorius. « Nous sommes tous conscients de cela et les Belges le sont aussi », a-t-il ajouté.

Selon les experts, utiliser des drones est un moyen peu coûteux et efficace de déstabiliser un ennemi.

« Ces survols ciblés ont presque toujours pour but de déstabiliser la population et, par conséquent, le pays tout entier. Ils servent également à observer le niveau de préparation et d’équipement de l’adversaire », explique Manuel Atug, expert d’un groupe de travail allemand sur les infrastructures stratégiques.

« De cette manière, des dommages économiques peuvent effectivement être causés, par exemple en perturbant le trafic aérien », poursuit cet analyste indépendant.

Le point sur le trafic au départ et à destination de la Belgique ce mercredi matin.

Maxime Prévot, ministre belge des Affaires étrangères, a déploré le 7 novembre des conséquences potentiellement « dramatiques » pour l’économie si les fermetures d’aéroports par mesure de précaution devaient se répéter.

Pour muscler sa réponse, le gouvernement belge a reçu un soutien logistique des armées allemande, française et britannique depuis une semaine.

Le ministre de la Défense Theo Francken a aussi fait valider le déblocage d’urgence de 50 millions d’euros pour des achats d’armes et de divers moyens de défense antiaérienne, « une première injection » dans le cadre d’un vaste « plan anti-drones » estimé à un demi-milliard d’euros, selon son cabinet.

L’UE de son côté veut se doter d’un réseau de détection et d’interception de drones, mais qui concernera en priorité les pays du flanc oriental frontaliers de la Russie et prendra des années à être mis en place.