La maladie d’Alzheimer se déclare très lentement, c’est pourquoi elle est qualifiée de pathologie neurodégénérative et il faut attendre parfois jusqu’à deux décennies avant que les premiers problèmes de mémoire ne surviennent. Bien avant ce stade avancé de la maladie, il existe un entredeux, baptisé par les neurologues trouble cognitif léger (TCL).

Un laps de temps dans lequel les traitements sont le plus efficaces, à condition que la maladie soit repérée assez tôt. C’est l’objectif de ces travaux menés par une équipe britannique de l’Université de Bath : développer un test rapide et fiable, qui pourrait détecter les premiers dérèglements mnésiques avant qu’ils ne soient visibles. Leur étude à ce propos a été publiée le 1ᵉʳ septembre 2025 dans le volume 7 de la revue Brain Communications.

Une nouvelle manière d’analyser la mémoire

La méthode développée par ces chercheurs s’appelle Fastball et repose sur une mesure par électroencéphalographie (EEG) exploitant la stimulation visuelle périodique rapide (Fast Periodic Visual Stimulation, ou FPVS). Pendant trois minutes, les participants regardent défiler sur un écran des images présentées à un rythme très rapide (environ trois par seconde).

À intervalles réguliers, certaines de ces images réapparaissent brièvement : ce sont des stimuli déjà vus, insérés au milieu d’images nouvelles. Chaque fois que le cerveau reconnaît l’une de ces répétitions, il produit une réponse électrique caractéristique, détectée par l’EEG.

En comparant l’intensité et la régularité de ces signaux (la réponse du cerveau) entre les participants, les chercheurs peuvent mesurer la capacité du cerveau à identifier inconsciemment ce qu’il a déjà perçu. Cela leur permet de sonder le fonctionnement de la mémoire de reconnaissance, qui est normalement altérée très tôt lorsqu’une personne est atteinte d’Alzheimer. De cette manière, ce type de mémoire devient un indicateur fiable.

Un outil objectif, affranchi des biais humains

« C’est une mesure entièrement passive et objective », explique le neuroscientifique George Stothart, auteur principal de l’étude. « Elle ne dépend ni de la culture, ni du niveau d’éducation, ni de la motivation du sujet ».

L’expérience a porté sur 53 patients atteints de TCL et 54 adultes âgés sains. Les premiers étaient divisés entre un groupe amnésique (où la perte de mémoire est importante) et un groupe non amnésique. Tous ont passé le test Fastball, ainsi que des évaluations neuropsychologiques classiquement prescrites (mémoire, attention, cognition globale). Un an plus tard, les mêmes participants ont été réévalués pour mesurer la fiabilité du dispositif.

Les résultats ont dépassé les attentes de l’équipe, puisque les patients amnésiques atteints de TCL ont montré une réaction cérébrale plus faible lorsqu’ils reconnaissent des images déjà vues, comparée à celle des sujets sains (p = 0,005) et des TCL non amnésiques (p = 0,001).

En langage statistique, ces valeurs de p indiquent que la probabilité que ces différences soient dues au hasard est inférieure à 1 % (pour le p = 0,005) ou à 0,1 % (pour le p = 0,001), ce qui en fait un résultat statistiquement très probant.

De surcroît, cette baisse d’activité cérébrale touche spécifiquement les régions du cerveau impliquées dans la reconnaissance visuelle (cortex temporal médian, hippocampe et cortex périhinal). Elles sont, bien souvent, les premières zones atteintes lorsque la maladie d’Alzheimer se déclare.

Cela signifie donc que le test Fastball permet d’observer, en direct, la désorganisation des réseaux neuronaux de la mémoire visuelle, bien avant que les troubles ne se manifestent au quotidien.

Ce test, en neurosciences, représente aussi une nouvelle manière d’aborder la maladie et ses effets sur la mémoire. Puisqu’il est complètement indépendant de variables pouvant le troubler et qu’il n’exploite que les signaux électriques du cerveau, cela permet aux chercheurs de contourner les biais imputés aux tests cognitifs (anxiété, fatigue, compréhension des consignes, niveau d’éducation, etc.). Peut-être deviendra-t-il un outil de dépistage au cours de la prochaine décennie, une fois validé sur des cohortes plus vastes. Dans le meilleur des cas, une utilisation hospitalière expérimentale pourrait voir le jour d’ici 5 à 7 ans, avant une intégration réelle dans les parcours de dépistage autour de 2035, voire 2040. Si cela devait vraiment arriver, ce serait l’équivalent, pour le cerveau, de ce que l’électrocardiogramme fut pour le cœur : une révolution médicale qui a complètement transformé la prise en charge hospitalière.

  • Des chercheurs britanniques ont conçu un test EEG de trois minutes capable de repérer très tôt les altérations de la mémoire liées à Alzheimer, bien avant les premiers symptômes.
  • L’étude montre que les patients présentant un trouble cognitif léger ont une réponse cérébrale affaiblie lorsqu’ils reconnaissent des images déjà vues, un signe mesurable du déclin mnésique.
  • Simple, rapide et non invasif, ce dispositif pourrait devenir d’ici une dizaine d’années un outil de dépistage clinique, à l’image de l’électrocardiogramme pour le cœur.

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