Pour lutter contre la fraude, le Sénat veut permettre à France Travail de vérifier le lieu de résidence des allocataires, et tant pis pour la vie privée. Dans le cadre du projet de loi gouvernemental contre les fraudes sociales et fiscales, examiné depuis mercredi 12 novembre, les sénateurs se sont penchés jeudi 13 novembre sur les articles les plus irritants de ce texte : ceux qui visent directement les allocataires, les salariés et les assurés sociaux.
L’un des plus sensibles, introduit par le Sénat, offre à France Travail de nouveaux moyens d’enquête pour vérifier la résidence effective des allocataires. L’opérateur pourra ainsi consulter les relevés téléphoniques, ou encore interroger le fichier des compagnies aériennes. Cela ouvrirait alors la voie à une suspension conservatoire de toutes les allocations lorsque « plusieurs indices sérieux de manœuvres frauduleuses » sont observés.
« Surveillance généralisée »
Alors que la résidence en France est une obligation pour les bénéficiaires d’allocations chômage, la gauche s’est insurgée contre cette mesure qu’elle juge « particulièrement intrusive ». « C’est franchir une ligne rouge, c’est introduire une forme de surveillance généralisée des demandeurs d’emploi assimilés à des fraudeurs potentiels », a lancé le socialiste Jean-Luc Fichet. L’écologiste Raymonde Poncet Monge a craint un « précédent dangereux pour les libertés individuelles ».
« France Travail nous demande des outils. On lui donne des outils pour pouvoir contrôler », a rétorqué la sénatrice Les Républicains Frédérique Puissat, à l’origine de la mesure qui permettra selon elle de s’attaquer au « premier motif de fraude » détecté par France Travail, sur un montant global de 136 millions d’euros en 2024. Le ministre du Travail Jean-Pierre Farandou s’en est remis à la « sagesse » du Sénat, doutant toutefois du « caractère licite de l’accès à ces données ».
Le vote final prévu mardi
Un autre article, adopté lui aussi malgré des critiques, vise à conditionner le versement de l’indemnisation chômage à la domiciliation des comptes bancaires en France ou dans l’Union européenne. La droite sénatoriale a salué une mesure de « bon sens » : avec un compte en France, « il est beaucoup plus simple de faire du recouvrement forcé », a insisté Frédérique Puissat.
Les sénateurs ont par ailleurs adopté une mesure visant à obliger le titulaire du compte personnel de formation (CPF) à se présenter aux épreuves de certification sauf « motif légitime », sans quoi sa formation ne pourra plus être prise en charge par le CPF. Un dispositif de « responsabilisation » des bénéficiaires, selon le gouvernement et la droite sénatoriale.
Autres dispositifs critiqués à gauche : la possibilité de suspendre temporairement le tiers payant pour les assurés sociaux condamnés pour fraude, et la suspension possible du versement d’une prestation sociale dans le cas d’un « doute sérieux de manœuvre frauduleuse ». Le gouvernement s’opposait également à cette dernière mesure.
Le Sénat a également adopté le volet du projet de loi relatif au travail dissimulé, avec entre autres mesures une majoration du taux de CSG des revenus issus d’activités illicites, ou encore la création d’un dispositif de « flagrance sociale » permettant de saisir à titre conservatoire les actifs de sociétés suspectées de travail dissimulé.
Mercredi 12 novembre, la chambre haute avait adopté l’essentiel des mesures visant la fraude fiscale. L’ensemble de ce projet de loi, grâce auquel le gouvernement espère récupérer 2,3 milliards d’euros dès 2026, sera soumis au vote des sénateurs mardi à 14 h 30, avant sa transmission à l’Assemblée nationale.
Pour rappel, ce qu’on appelle la fraude sociale, c’est-à-dire la fraude aux cotisations sociales, aux prestations sociales et aux remboursements maladie, représentaient en 2021 entre 9,6 et 11,7 milliards d’euros en 2021. En comparaison, la fraude fiscale, celle qui concerne les plus riches et les grandes entreprises, représentait entre 80 et 100 milliards d’euros, soit environ dix fois plus. Pourtant, la droite et l’extrême droite ne parlent toujours que de la première, celle qui concerne les plus précaires, et font tout pour épargner les grandes fortunes. Auraient-ils des intérêts communs ?
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