« Mes clientes sont terrorisées. Il est impensable pour elles de se montrer à l’audience. » Me Grégoire Niango défendra ce vendredi devant le tribunal correctionnel de Nancy (Meurthe-et-Moselle) cinq ressortissantes chinoises, contraintes de se livrer à une activité de prostitution pendant plus de deux ans dans des salons de massage de Nancy et Metz (Moselle).

Même si elles ont pu sortir des griffes de leurs donneurs d’ordres lors du démantèlement de ce réseau de proxénétisme en octobre dernier, ces cinq femmes craignent désormais des représailles. « Elles ont peur de parler, donc elles ne viendront pas à l’audience. Elles ont peur aussi que leurs proxénètes les retrouvent », détaille leur avocat.

Les investigations, commencées en février dernier, ont mis à jour ce système organisé d’exploitation sexuelle de ces femmes de nationalité chinoise, dans deux salons de massage lorrains, ouverts en 2022 et en 2023, dont l’activité était planifiée sept jours sur sept.

70 clients identifiés

En deux ans, le salon de massage nancéien a connu deux adresses différentes, notamment dans un appartement du centre-ville. Au terme de plusieurs mois de surveillance, une opération judiciaire coordonnée par la section de recherches de Nancy a été menée le 13 octobre dernier, simultanément à Nancy, Metz, Montreuil (Seine-Saint-Denis) et Paris. Quatre personnes d’une même famille chinoise ont été interpellées et placées en garde à vue. Les perquisitions ont permis la saisie de nombreux objets de luxe, et le total des sommes saisies, en liquidités et sur les comptes bancaires, avoisine les 250 000 euros.

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Chaque salon accueillait cinq à sept clients par jour. « Les rendez-vous se prenaient directement auprès des salons, ou via des numéros de portable sur des sites d’annonces en ligne promouvant le travail du sexe », selon le parquet de Nancy. Soixante-dix clients ont été identifiés. « Il y a des gens qui venaient vraiment se faire masser, et d’autres qui bénéficiaient de finitions sexuelles. Il y a aussi ceux qui venaient uniquement pour des rapports tarifés », détaille Me Grégoire Niango.

« Mes clientes ont subi des pressions financières de rentabilité, avec notamment la présence de caméras de surveillance dans les salons, d’où le fait qu’elles soient très craintives à ce jour », ajoute l’avocat, qui représente aussi les Équipes d’action contre le proxénétisme (EACP), également partie civile dans ce dossier.

Des femmes âgées de 32 à 53 ans

Après le démantèlement du réseau, cette association parisienne a recueilli ces cinq femmes chinoises pour les héberger, et les aider à faire valoir leurs droits alors qu’elles ne parlent pas français et s’expriment difficilement en anglais.

Ces cinq femmes, âgées de 32 à 53 ans, venaient en majorité de région parisienne, avec l’objectif de faire vivre leur famille. Elles sont toutes en situation régulière. « La particularité de la prostitution chinoise réside dans le fait qu’il s’agit souvent de femmes assez âgées. Il ne s’agit pas de jeunes femmes. Elles sont justement choisies pour leur âge mûr », explique une source proche du dossier. « Elles ne sont pas arrivées en France expressément pour participer à l’activité de ces salons de massage. Certaines sont en France depuis une quinzaine d’années », ajoute Me Grégoire Niango.

Les quatre mis en cause — deux femmes actuellement en détention provisoire et deux hommes sous contrôle judiciaire — comparaissent ce vendredi devant le tribunal correctionnel de Nancy, pour proxénétisme aggravé, traite des êtres humains et blanchiment.