Racheter ses propres armes exportées, puis les revendre à l’étranger : il s’agit du procédé que pourrait employer Moscou pour satisfaire les contrats lucratifs qu’il a signé avec certains grands importateurs d’armement russe. Les S-400 turcs, achetés il y a 6 ans par Ankara et qui n’ont jamais été déployés, seraient dans le viseur du Kremlin, qui ne produit pas assez rapidement ces précieuses batteries de défense antiaérienne.

Problèmes d’exportation pour la Russie

Le S-400 Trioumf, entré en service dans l’armée russe, est un système de défense antiaérienne en service dans les forces armées de plusieurs partenaires de Moscou, de la Chine à la Biélorussie en passant par l’Inde, l’Algérie et la Turquie. Ce dernier cas a soulevé une controverse en 2019, année de la livraison de batteries antiaériennes russes à Ankara : la Turquie, membre de l’OTAN, est alors exclue du programme F-35 par Washington, et n’a depuis pas pu se procurer l’avion américain.

La Russie de Vladimir Poutine, qui avait à l’époque salué l’achat turc et proposé de vendre le système antiaérien à d’autres pays du Proche-Orient, comme l’Arabie saoudite ou l’Irak, se trouve aujourd’hui dans une situation délicate : le conflit contre l’Ukraine absorbe une grande partie des ressources de Moscou, dont la capacité à exporter des armes s’est effondrée. La Russie comptait pour 7,8 % des exportations d’armements entre 2020 et 2024, contre 21 % entre 2015 et 2019, selon le Stockholm International Peace Research Institute.

Cette baisse des livraisons à l’étranger est particulièrement aiguë dans le cas des systèmes de défense antiaériens, Moscou devant fournir plusieurs S-400 à ses clients mais ne disposant d’aucune batterie prête à l’export. Au point que selon le média turc Nefes, la Russie envisage de racheter les S-400 qu’elle a vendus à Ankara pour les fournir à d’autres clients.

Une solution de choix pour Moscou et Ankara ?

Si le Kremlin n’a pour l’instant pas confirmé les informations de Nefes, cette vente turque serait une solution idéale pour Moscou, qui lui permettrait de satisfaire deux de ses clients : l’Algérie, qui a commandé deux régiments de S-400 en 2024, et l’Inde, qui subit des retards de livraisons depuis la signature d’un contrat avec la Russie en 2018, selon Forbes.

New Delhi et Alger sont deux partenaires de choix pour le Kremlin, important du matériel soviétique puis russe en grande quantité depuis des décennies ; la Russie pourrait donc calculer que la perte du client turc serait acceptable en échange du maintien des relations avec l’Inde ou l’Algérie. D’autant que l’agence de presse étatique russe Tass indiquait début septembre que des discussions étaient en cours pour fournir de nouveaux S-400 à l’armée indienne.

Mais cette vente rapporterait par ailleurs un bénéfice de taille pour la Turquie : Ankara pourrait potentiellement réintégrer le programme F-35, qu’il avait dû quitter sous la contrainte en 2019, sans pour autant dégarnir ses défenses antiaériennes, les S-400 n’ayant pas été utilisés par l’armée turque depuis leur livraison il y a six ans.

Comme le souligne Nefes, Ankara a lancé en 2024 le développement du système de défense antiaérien Dôme d’acier, qui vise à sanctuariser le territoire turc à l’aide d’un ensemble d’armements produits en Turquie, diminuant l’importance de batteries achetées à l’étranger, aussi bien auprès des États-Unis que de la Russie.

Article initialement publié le 17 septembre.