J’évoque un film un thriller nucléaire sorti il y a quelques jours sur Netflix, alors que le Président Américain Donald Trump a évoqué il y a quelques jours la possibilité de procéder à nouveau à des essais nucléaires, a House of dynamite, – une maison pleine de dynamite – signé par l’Américaine Kathryn Bigelow. C’est un film qui commence classiquement comme un thriller géopolitique, mais qui s’avère de ce point de vue un peu déceptif, car il emprunte une voie particulièrement catastrophiste, en dépeignant un état du monde qui excède la question des rapports de force connus, où la diplomatie ou la politique même n’existent plus. Un film d’inaction pourrait-on dire, et pourtant très prenant et assez passionnant dans sa noirceur et son implacabilité.
C’est un film en trois parties, dont chacune raconte le même moment vu depuis différents lieux, quelques minutes après qu’on a détecté le lancement d’un missile de provenance inconnue, qui se dirige vers les États-Unis. Plusieurs instances américaines se trouvent mobilisées, depuis un poste militaire en Alaska à une cellule de gestion des crises, à la Maison-Blanche. Des instances représentées par différents personnages mis en relation en quelques secondes, qui se parlent depuis des téléphones et les écrans de leurs ordinateurs, et qui ont tous, apparemment, des compétences et des rôles bordés. De l’officier qui doit évaluer la trajectoire du missile à la cheffe du bureau chargée de mettre en relation les différentes officines supposées se parler dans ce genre de cas, en passant par les plus hauts gradés de l’État-major, le secrétaire d’État à la Défense, et tout en haut le Président des États-Unis.
Cinéma pétrifié
Sauf que tous ces chaînons sont constitués d’hommes et de femmes, des humains, faits de chair, de sang et de nerfs. Le premier officier qui détecte le missile a la mauvaise habitude de manger des chips sur l’écran de son ordinateur. Le secrétaire d’État quitte compulsivement la réunion pour tenter, paniqué, de joindre sa fille, avec laquelle il est brouillé depuis la mort de sa femme. Le Conseiller du président est dans la rue au moment du coup de fil fatidique, on l’entend mal alors qu’il tente de se frayer un chemin à pied vers la Maison Balance. La spécialiste de la Corée du Nord n’entend rien parce qu’elle est, ironie suprême, en train d’assister à la reconstitution de la bataille de Gettysburg. Le Président, qui est au moment clé en train de jouer au basket avec une équipe féminine, trouve que le manuel de stratégie militaire en cas d’attaque nucléaire ressemble au menu d’un restaurant.
Cette humanité, qui est aussi un défaut, et une incapacité à comprendre, fonde tout le film sur un paradoxe : c’est grâce à elle que qu’il vit, mais c’est aussi à cause d’elle qu’il court à la catastrophe. A House of Dynamite, alors même qu’il met en œuvre nombre de ses codes visuels – les costumes, les décors, le rythme -, est l’inverse d’un film d’action, c’est un film de l’inaction, un film paralysé comme les personnages qui le peuplent.
Et cette forme particulière, et franchement ambitieuse, intelligente et réussie, qui va à l’encontre de mille films qu’on a vus sur le sujet, paraît particulièrement pertinente, si l’on considère que la dissuasion nucléaire est une forme de statu quo – si tu attaques, j’attaque, donc on ne fait rien ; et que sa rupture en est dans le fond un aussi : si tu attaques, alors j’attaque, et donc on perd tout. Dans les deux cas, il y a le rien au bout, qu’il prenne la forme d’une neutralisation, ou d’un anéantissement.
Ce que montre le film de Katherine Bigelow, qui est plus que pessimiste – il est désespéré -, c’est une crise géopolitique qui mute en catastrophe naturelle – ce missile dont on observe impuissants la trajectoire, sur lequel la technique, la stratégie ou la diplomatie paraissent ne pas avoir prise, pourrait aussi bien être une météorite ou un châtiment divin. C’est une crise qu’aucun héros ne saurait résoudre – zéro Bruce Willis ou Tom Cruise en vue, une crise qui ne peut pas être traitée par ceux qui représentent le pouvoir et l’action dans le film, de la même manière qu’elle ne peut pas être assimilée dans la forme classique, spectaculaire et profondément rassurante du blockbuster hollywoodien.