Par
Antoine Blanchet
Publié le
14 nov. 2025 à 18h32
Des véhicules convoités et toute une liste de victimes lésées. Ce jeudi 13 novembre 2025, les juges de la 23ᵉ chambre du tribunal correctionnel de Paris ont mis les mains dans le cambouis. Au rôle, une vaste affaire de vols de motos dans la région parisienne. Sur la liste des prévenus, trois hommes. Parmi eux, l’élément moteur présumé de ces cambriolages massifs. Il était absent lors de l’audience.
De la drogue aux larcins
L’affaire commence par une interpellation en 2024. Demba D. est placé en garde à vue à Rambouillet. Le gaillard de 38 ans multicondamné aurait trempé dans une affaire de trafic de stupéfiants. Sur lui, les policiers vont découvrir autre chose que de l’herbe verte et de la poudre blanche. Des clés. Beaucoup de clés.
Très vite, les enquêteurs se rendent compte que l’individu n’est pas le remplaçant de Passe-Partout dans Fort Boyard. Les objets trouvés proviennent pour la plupart de motos. Les agents creusent et découvrent que plusieurs de ces véhicules ont été déclarés volés. Dans le 13e arrondissement pour la plupart. C’est le début d’une nouvelle procédure pour vol de véhicules menée par les policiers de la capitale. En parallèle, une instruction est en cours pour des faits de trafic de drogue.
« Les gens sont outrés à la vitesse où je les ramasse »
Les mois passent et les forces de l’ordre démêlent peu à peu une véritable industrie du larcin motorisé. Aidé de complices, Demba D. vide des garages dans le 13e et en proche banlieue. Placé sur écoute, ses conversations téléphoniques sont éloquentes. Il cherche des « pousseurs ». Le terme est peu clair, mais le président du tribunal a sa petite idée : « Beaucoup de modèles volés étaient des BMW GS très lourdes. Il faut quelqu’un pour pouvoir les pousser comme sur les circuits ».
Pendant plusieurs années, le prévenu s’est livré à cette activité avec une vraie fibre entrepreneuriale. En Seine-et-Marne, il loue des boxs et des entrepôts pour stocker les véhicules volés. Direction l’Afrique pour ces deux-roues, revendus pour environ 10 000 euros. Au total, 25 victimes ont été recensées pas la police. Dans ses conversations, le prévenu se targue de refourguer les cylindrées par paquet de 10. « Les gens sont outrés à la vitesse où je les ramasse », fanfaronne-t-il au bout du fil.
Ce jeudi, pas de rodomontades de la part de l’intéressé, pour la simple et bonne raison qu’il n’est pas présent à l’audience. Incarcéré, il avait été placé sous contrôle judiciaire en septembre. Le procès, qui devait se tenir en plein mois d’août, avait dû être renvoyé, car les conseils des prévenus n’étaient pas là. De client sans avocat, on passe à un avocat sans client.
Le roublard et le naïf
Le personnage principal absent, le tribunal s’est donc davantage penché sur les seconds rôles présumés. L’un est détenu, l’autre comparaît libre. Le premier, Pierre F. aurait été identifié dans des conversations enregistrées de Demba D. Ce dernier y parle d’engager des pousseurs plus fiables avec un certain « Lolo Menthe à l’eau », qui serait Pierre F.. Le prévenu dément, le sourire en coin. « Il m’arrive de me faire appeler Lolo, mais je suis pas celui-là », lâche-t-il avec désinvolture, accoudé à la barre comme sur le zinc d’un bistrot de gare. Ce miroitier de 42 ans s’y connaît pourtant en coups fourrés. Naviguant entre délinquance et toxicomanie, il a côtoyé les prétoires d’assises et passé plus de temps à l’ombre qu’au soleil.
Votre région, votre actu !
Recevez chaque jour les infos qui comptent pour vous.
Le second prévenu, Yacouba C., se fait plus discret. Il s’est fait pincer lors d’une opération de police à Villetaneuse en Seine-Saint-Denis. Il est arrêté en train de décharger des véhicules volés. Aux juges, il affirme avoir été simplement payé quelques dizaines d’euros pour effectuer l’opération. « J’ai été naïf », déclare ce colosse de 34 ans.
Des repérages via des interventions de fibre optique ?
Dans la salle, le nombre de victimes présentes s’est réduit à peau de chagrin depuis la précédente audience avortée. Quelques-uns ont tout de même fait le déplacement pour essayer de répondre à cette question : que sont devenus leurs véhicules ? L’inconnue principale de cette équation a malheureusement pris la tangente.
L’une des victimes, avide de vérité, n’hésite pas à intervenir lors de l’interrogatoire. Il affirme que Demba D. et Yacouba C. travaillaient dans la fibre optique. Un poste idéal pour accéder aux parkings et lorgner sur les bécanes durant les interventions. Les investigations, basées principalement sur les écoutes, n’ont cependant pas permis d’établir avec certitude ce lien. « Il aurait fallu regarder s’ils étaient intervenus chez les victimes », s’agace la partie civile.
Car pour ces victimes, il ne s’agit pas que de simples larcins. « Pour mon client, ce vol, c’est un rêve de gamin brisé en une seule nuit », déclare l’un des avocats des parties civiles. Côté parquet, on est convaincu de la culpabilité des trois prévenus. Côté tribunal, on l’est moins. Pierre F., alias « Lolo », est relaxé. Yacouba C., initialement poursuivi pour association de malfaiteurs, est condamné pour recel à six mois de prison avec sursis. Quant au cerveau présumé de cette affaire, il écope de trois ans de prison ferme. Un mandat d’arrêt a été décerné à son encontre.
Personnalisez votre actualité en ajoutant vos villes et médias en favori avec Mon Actu.