Orsay vient de perdre l’une de ses figures tutélaires. Ce 13 novembre au soir, les équipes de l’établissement public des musée d’Orsay et de l’Orangerie ont annoncé « avec émotion » sur les réseaux sociaux de l’institution parisienne le décès de son ancien directeur Guy Cogeval (1955–2025), survenu dans la nuit du 12 au 13 novembre à l’âge de 70 ans – des suites d’une pneumopathie aiguë, d’après les informations du journal Le Monde.

Apprécié pour son esprit libertaire, son audace et le dynamisme de ses actions, cet historien de l’art éclectique et novateur a profondément laissé sa marque au musée d’Orsay, qu’il a dirigé pendant neuf ans, de 2008 à 2017. « Il était avant tout un passionné des arts du XIXe siècle, de la peinture à la musique, en passant par l’opéra et la photographie, et un amoureux du musée d’Orsay », a rappelé l’établissement tandis que la ministre de la Culture Rachida Dati a salué dans un communiqué un « conservateur passionné et visionnaire ».

Du musée des Monuments français au musée des Beaux-Arts de Montréal

Fils d’un agent immobilier français et d’une traductrice italienne, Guy Cogeval est d’abord diplômé de l’Institut d’études politiques en 1977, mais change vite de voie : tout en exerçant comme professeur de sciences économiques dans un lycée parisien, il se forme en histoire de l’art à la Sorbonne et à l’École du Louvre, jusqu’à obtenir son DEA en 1982 – année où il débute un séjour de deux ans à la Villa Médicis à Rome, au cours duquel il rédige une thèse sur l’histoire de la scénographie de 1870 à 1914. Après avoir travaillé comme stagiaire à la section cinéma du musée d’Orsay, il rejoint le musée des Beaux-Arts de Lyon, puis le service culturel du Louvre.

Guy Cogeval au musée d’Orsay lorsqu’il était président

Guy Cogeval au musée d’Orsay lorsqu’il était président

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En 1992, Guy Cogeval devient directeur du musée des Monuments français, où il présente des expositions marquantes comme « Architecture de la Renaissance italienne, de Brunelleschi à Michel-Ange ». En 1995, il développe un projet qui préfigure la création de la Cité de l’architecture et du patrimoine de Chaillot en 1997. De 1998 à 2006, le voilà à la tête du musée des Beaux-Arts de Montréal, où il organise là encore plusieurs expositions majeures qui voyagent ensuite à Paris, comme « Hitchcock et l’art : coïncidences fatales », cocuratée avec le critique de cinéma Dominique Païni en 2000 et présentée ensuite au Centre Pompidou en 2001, ainsi que l’acclamée « Édouard Vuillard (1868–1940) », montrée quant à elle au Grand Palais en 2003–2004, et qu’il parachève par la rédaction du catalogue raisonné du peintre nabi.

Une nouvelle impulsion au musée d’Orsay

« En neuf ans, il aura donné un souffle nouveau à nos musées et aura amplifié leur rayonnement national et international. »

En 2008, l’amoureux du XIXe siècle obtient le poste rêvé de directeur du musée d’Orsay. Dès son arrivée, Cogeval enchaîne les actions fortes : il fait d’abord fusionner Orsay et le musée de l’Orangerie en un seul établissement public en 2010, et revoit de fond en comble la présentation des collections d’Orsay en remodelant 80 % des espaces. En particulier, il fait métamorphoser la galerie des impressionnistes en 2011 par l’architecte Jean-Michel Wilmotte, rénover le café de l’Horloge par les frères Campana, et réaménager le pavillon Amont pour les arts décoratifs.

La salle 58 du musée d’Orsay avec, de gauche à droite, « Le Cheval blanc », « Vairumati », « Femmes de Tahiti », et « L’or de leur corps » de Paul Gauguin

La salle 58 du musée d’Orsay avec, de gauche à droite, « Le Cheval blanc », « Vairumati », « Femmes de Tahiti », et « L’or de leur corps » de Paul Gauguin

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© Musée d’Orsay / Sophie Crépy

Dans le même temps, il mène une politique d’acquisitions ambitieuse, enrichissant les collections de nombreuses œuvres notables comme Le Cercle de la rue Royale de James Tissot (1866) ou Portrait d’Yvonne Lerolle en trois aspects de Maurice Denis (1897), et permet au musée d’accueillir deux importantes donations de peintures nabies : celle de Zeineb et Jean-Pierre Marcie-Rivière en 2010, et celle de Marlene et Spencer Hays en 2016 – faisant ainsi entrer à Orsay maintes œuvres d’Édouard Vuillard et Pierre Bonnard.

Des expositions marquantes par leur ambition et leur originalité

Avec l’aide de jeunes conservateurs aux visions innovantes et de commissaires invités originaux, il secoue Orsay par un programme d’expositions étonnant qui décloisonne les disciplines (politique, mode, peinture, littérature…) et ne craint pas les thèmes osés. En 2010, par exemple, il invite l’ancien ministre de la Justice Robert Badinter et le conservateur Jean Clair à assurer le commissariat de « Crime et châtiment », ou encore l’écrivaine Annie Le Brun pour « Sade – Attaquer le soleil » en 2014. Il repense également la scénographie en la confiant à des artistes comme le metteur en scène lyrique Robert Carsen pour « L’impressionnisme et la mode » en 2012.

Parmi les autres expositions marquantes présentées sous sa direction figurent « L’ange du bizarre. Le romantisme noir de Goya à Max Ernst » (2013), « Masculin/Masculin. L’homme nu dans l’art de 1800 à nos jours » (2013–2014), où l’académique William Bouguereau dialogue avec Pierre et Gilles et Robert Mapplethorpe, figures de la culture gay, « Splendeurs et misères. Images de la prostitution (1850–1910) » (2015–2016), ou encore « Spectaculaire Second Empire » en 2016–2017 ; sans oublier de grande monographies consacrées notamment à Édouard Manet, Gustave Doré, Pierre Bonnard et Henri Rousseau.

« En neuf ans, il aura donné un souffle nouveau à nos musées et aura amplifié leur rayonnement national et international », saluent les musées d’Orsay et de l’Orangerie dans leur hommage publié ce 13 novembre. Mais si Guy Cogeval avait été reconduit en 2016 pour un troisième mandat de trois ans, celui-ci a été écourté à un an par le ministère de la Culture, en raison de contestations croissantes au sein du musée concernant ses méthodes de management jugées brutales. En 2017, il est remplacé par Laurence des Cars. Depuis lors, il était à la tête d’un nouveau centre d’étude sur les nabis et le symbolisme, rattaché au musée d’Orsay. Après avoir survécu à un cancer dans les années 2000 et à un accident vasculaire cérébral en 2014, sa santé s’était dégradée ces dernières années.

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