Le moment est venu d’engager sans délai un débat public sur la puissance de l’Europe. En particulier sur la puissance de l’Union européenne et de ses partenaires, Européens et non Européens, qui partagent la conviction que le monde ne peut se réduire à une compétition entre superpuissances régissant leurs zones d’influence. Il est essentiel que les leaders d’opinion et les représentants de la société civile s’engagent ensemble, dans une approche transversale et pérenne.

Cet engagement collectif est fondamental pour obtenir le soutien massif des citoyens de l’UE, et garantir que le projet européen offre de meilleures conditions de travail comme de vie. Il place la puissance européenne au cœur de l’agenda politique, et dépasse l’esprit de défaite entretenu par celles et ceux, à l’extérieur comme au sein de l’Europe, qui veulent sa destruction.

À l’heure où nos frontières sont remises en question, où chaque jour des civils ukrainiens est visé par les drones russes et que d’autres superpuissances font usage de rapports de force, notamment dans les domaines du commerce et du numérique, alors que la crise du coût de la vie continue de frapper les travailleurs et leur famille, les Eurobaromètres montrent que les citoyens européens sont aujourd’hui conscients de la nécessité d’une nouvelle étape européenne. 90 % d’entre eux considèrent que les États membres devraient être plus unis pour faire face aux défis actuels.

Dans le même temps, 77 % estiment que leur pays a bénéficié de son intégration dans l’Union et, enfin, la tendance sur la confiance qu’ils placent dans l’Europe est en progression ces dernières années. Elle dépasse même les 50 % lorsque l’UE tient face aux crises, souvent contre toutes les prédictions, que ce soit début 2020 lors de la pandémie de Covid ou depuis l’invasion russe en Ukraine début 2022. Nos concitoyens perçoivent clairement l’enjeu de puissance pour l’Europe, mais la réponse concrète se fait attendre.

L’Union européenne, une puissance systémique en devenir

La notion de puissance n’est pas nouvelle pour l’Europe. Pour autant, après deux guerres mondiales, nous avons développé une méfiance à l’égard des grandes puissances, dont les rivalités ont failli anéantir le Vieux Continent et ont profondément questionné son approche de la civilisation.

C’est dans ce contexte que se sont bâtis, pas à pas, les instruments de notre puissance collective. Le projet européen, l’Euro, le marché intérieur, le droit de l’Union européenne notamment dans les domaines numérique et climatique, nos acquis sociaux, nos instruments de protection des droits humains et la Cour européenne des droits de l’Homme; ou encore Erasmus, Galileo, Airbus, mais aussi le CERN, l’Eurovision ou Art Basel, qui illustrent à l’international notre expertise culturelle, ne sont que quelques exemples de nos nombreuses réussites. Au-delà de ces leviers de puissance, nous devons désormais transformer l’Union européenne en une puissance systémique.

En septembre, la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a attiré l’attention sur les conséquences des derniers développements technologiques en matière de plateformes et d’intelligence artificielle, ainsi que des stratégies prédatrices des superpuissances en matière de captation de ressources et de marchés.

La seule manière d’échapper au jeu du plus fort, qui privilégie les avantages comparatifs des superpuissances pour prendre en otages les puissances moyennes, c’est d’actualiser notre conception de la puissance et de vaincre nos réticences historiques.

Il est essentiel pour l’Union européenne de travailler vers l’intégration européenne

Tirons parti de ses différentes facettes : industrielle, sociale, économique, scientifique, technologique, culturelle, patrimoniale et locale. Valorisons mieux nos biens communs, nos concitoyens, nos entreprises et nos syndicats, nos sociétés civiles organisées, notre modèle social, notre culture de la diversité, le respect des droits humains et la qualité de l’information, et nos institutions démocratiques qui ont, jusqu’à aujourd’hui, garanti la stabilité de l’Union et la résilience de ses citoyens.

Il est essentiel pour l’Union européenne de travailler vers l’intégration européenne et d’agir à l’échelle mondiale, notamment à travers sa politique commerciale, en cohérence avec notre modèle social, afin de promouvoir la prospérité, la compétitivité, la paix, la démocratie, les droits humains, l’État de droit et la justice économique.

De nombreux efforts ont déjà été menés dans le prolongement de la Déclaration de Versailles des chefs d’État et de gouvernement sur le renforcement de la souveraineté de l’Union, ainsi que des nombreux rapports en faveur d’une approche systémique (Draghi sur la compétitivité, Letta sur le marché intérieur, Niinistö sur la défense, Tirole sur la haute technologie, Heitor sur la recherche), en plus des recommandations de la Conférence sur le Futur de l’Europe, et de la société civile, notamment du Conclave sur le nécessaire agenda de puissance de l’Union, issus des travaux menés par des personnalités représentant la diversité du continent.

Les idées ne manquent pas : nous devons maintenant nous en emparer et les inscrire dans une liste de priorités qui soit claire pour les citoyens et efficace pour agir.

C’est avec cet objectif que nous, personnalités de l’Union européenne et au-delà, invitons toutes celles et tous ceux qui partagent cette vision — individus, entreprises, associations, institutions — à s’engager à nos côtés lors de l’assemblée inaugurale de l’initiative « Europa Power » les 26 et 27 novembre prochains à Strasbourg. Impulser un débat continental nous permettra de rapidement adopter un agenda de puissance et de créer le « Europa Power Network ».

Tels sont nos objectifs pour créer une nouvelle dynamique civique et écrire, en paix avec le monde qui nous entoure, une nouvelle page positive de notre histoire.

Autres signataires

– Guillaume Klossa (France) est entrepreneur, essayiste et Président d’EuropaNova
– Jean-François van Boxmeer (Belgique) est chef d’entreprise et Président de European Round Table for Industry
– Esther Lynch (Irlande) est Secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats (ETUC)
– Slavoj Žižek (Slovénie) est philosophe
– Gilles Briatta (France) est Senior Counsel chez Gide et Vice-président d’EuropaNova.

➡️ Rejoignez l’Initiative « Europa Power » (Strasbourg, les 26 et 27 novembre 2025).