Pendant près de 2 h 30, ils sont restés captifs de deux terroristes dans un couloir de 6,30 m de long sur 1,10 m de large. Les onze otages retenus au Bataclan la nuit du 13 novembre 2015 ont fini par être sauvés par les policiers de la BRI. La soirée traversée par sept d’entre eux, ainsi que leur reconstruction, est racontée dans la série « Des Vivants », disponible sur la plate-forme de France Télévisions.
Victor Anclin-Zanotelli a un temps appartenu à ce qui est devenu un groupe d’amis : « les potages », contraction de « potes » et « otages ». Il raconte au Républicain lorrain s’en être éloigné pour se reconstruire, dans le silence. L’homme de 33 ans n’a pas été sollicité par l’équipe de tournage de la série, réalisée par Jean-Xavier de Lestrade. Il n’a pas souhaité la regarder. Frédérique, sa mère, l’a fait et a découvert que son fils apparaissait, malgré lui, dans une scène qui l’a traumatisé le soir de l’attentat.
Ladite scène se déroule dans l’épisode 3. Durant un moment de tension pendant la captivité des otages, l’acteur incarnant Victor Anclin-Zanotelli esquisse un rire nerveux — c’est l’unique fois qu’il apparaît de la série. « Y a quelque chose qui te fait rire toi ? Tu nous prends pas au sérieux, c’est ça ? » lui lance le terroriste. Ce dernier contraint le jeune homme à se mettre à distance. Il lève ensuite son arme et fait mine de l’exécuter en tirant dans le mur. Et le terroriste de lancer à l’otage en larmes : « Tu me prends au sérieux maintenant ? »
« Cette scène insoutenable est désormais gravée en images et Victor se retrouve piégé à nouveau dans son traumatisme, sans avoir été prévenu, sans avoir pu donner son avis, sans avoir été accompagné », fustige Frédérique, la mère de Victor Anclin-Zanotelli dans les colonnes du Républicain lorrain.
« Je ne peux pas laisser passer ça », appuie le jeune homme, aujourd’hui installé à Lyon (Rhône). « Je veux que ces pratiques soient connues. Je ressens de la colère envers la production et le réalisateur d’avoir utilisé mon personnage pour faire du sensationnel. Je me sens manipulé et mis devant le fait accompli. On m’impose ça alors que j’ai toujours cherché à en être loin. »
Pêle-mêle, Victor Anclin-Zanotelli accuse la série « de faire de l’argent et du voyeurisme sur le malheur des gens » et de franchir les limites de la moralité. Celui qui ressent « de la déception, voire de la trahison » vis-à-vis des « potages » n’exclut pas une action en justice.
« Elle est publique cette scène »
Contacté par Frédérique ainsi que par le quotidien régional, Jean-Xavier de Lestrade reconnaît qu’une erreur a été commise. Le jeune homme aurait dû être prévenu. « Lundi, j’ai écrit un courrier d’excuses à Victor. Je fabrique des images impactantes et je me mets à la place des victimes. Nous n’avons d’ailleurs pas dévoilé son identité », souligne-t-il.
Le réalisateur de « Sambre » nie toute volonté sensationnaliste derrière cette scène. « Cela en aurait été si cette dramaturgie n’avait pas existé. Si je ne montre pas ça et l’assaut, je ne fais pas de film. Cet acte de pure barbarie, subi par Victor et tous les otages, est fondateur. Tout le monde me l’a raconté. Elle est publique cette scène. C’est le moment où l’humanité des otages est arrachée. Si on masque cela au nom de la protection des victimes, on ne les comprend pas », argumente-t-il.
Si Victor Anclin-Zanotelli souhaite que la scène soit retirée de l’épisode, Jean-Xavier de Lestrade ne compte pas accéder à sa demande. « Au nom de quel principe ? C’est la vérité, l’histoire. On ne va pas la transformer. Sinon, on arrête de faire des films. » « Certainement qu’il y aurait dû y avoir un travail préparatoire », concède l’homme de cinéma. « Ma conviction, c’est que cela va aider ceux qui l’entourent à mieux le comprendre et l’aider », assure-t-il enfin, disant espérer une rencontre avec Victor Anclin-Zanotelli.
Jean-Xavier de Lestrade s’est également entretenu récemment avec Arthur Dénouveaux, lui aussi rescapé du Bataclan. Le président de l’association Life for Paris, qui n’a pas non plus souhaité regarder la série, regrettait que des scènes aient été tournées au Bataclan et qu’elles aient servi à faire la promotion de la série. Le tout en assurant accepter que la fiction s’empare du 13 Novembre, dix ans après.