REPORTAGE – Depuis 2024, des pleurotes et shiitakés poussent dans les caves d’une tour de Saint-Herblain. Une initiative qui permet d’éviter les mésusages des caves inutilisées, mais aussi de créer du lien social, et faire découvrir l’agriculture durable.

Devant le numéro 1 de la rue de Cahors, entre deux espaces de verdure, rien ne laisse deviner ce qui se trame au sous-sol. Au cœur du quartier prioritaire herblinois de Bellevue, situé aux portes de Nantes, quatre tonnes de champignons bio sont sorties de cette adresse l’an dernier. En 2024, une champignonnière a éclos dans les caves de cette grande tour regroupant 89 logements.

«Nous produisons deux variétés : des shiitakés et des pleurotes», raconte fièrement Axel Le Meur, dont le visage est partiellement recouvert d’un masque. Cinq jours par semaine, de septembre à avril, cet opérateur récolte les deux espèces qui poussent sur des substrats, des blocs de paille disposés sur des étagères. Grâce à une bonne température, un certain taux d’humidité et une luminosité adaptée, les champignons grandissent dans cet environnement reconstitué.

Axel Le Meur, salarié, en train de récolter les champignons.
LT/Le Figaro


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«Transformer des pépins en pépites»

L’idée de cette champignonnière a jailli au moment de la réhabilitation du quartier Moulin-du-Bois, démarrée en 2022. «Les locaux devenaient vides au sous-sol. Avec le bailleur social, on s’est demandé ce qu’on pouvait en faire pour leur donner une utilité à la fois sociale et alimentaire», se souvient Marie-Hélène Nedelec, présidente d’Environnements Solidaires, la structure associative gestionnaire du projet. Aussi, comme elle aime le répéter, la philosophie était de «transformer des pépins en pépites».

En effet, ces lieux abandonnés sont souvent propices à des incivilités. «Sur des grands immobiliers comme ça, on a des risques de mésusage des sous-sols. Ça peut être du squat, de l’insécurité dans les caves», décrit Vincent Biraud, directeur général d’Atlantique Habitations, qui met gracieusement à disposition de l’association le lieu. Récemment, dans la cave d’une tour voisine, les policiers sont tombés sur une kalachnikov chargée, rapportait le 7 novembre Ouest France .

En l’occurrence, le HLM de la champignonnière était davantage occupé par des SDF venant passer une ou deux nuits. «Il peut aussi y avoir des dépôts sauvages ou des détritus. Il fallait trouver cette utilité complémentaire et sociale commune», renchérit le représentant d’un des acteurs du logement social en Loire-Atlantique, ayant à cœur que les résidents se réapproprient leur espace.

«Avant, les gens se fichaient des recommandations des bailleurs. Maintenant, depuis la réhabilitation, ils se donnent à fond et écoutent davantage», assure Mohamed Fahdi, habitant de la tour et bénévole engagé. Ce dernier, originaire des Comores, a notamment découvert les champignons grâce à l’association. «C’est une alliance entre lien social, insertion par l’emploi et agriculture durable», résume Camille Amiaud, responsable «communication et RSE» au sein d’Atlantiques Habitations. Outre les cinq salariés permanents, quatre sont en insertion chez Environnement Solidaires.

100.000 euros de travaux

Avant de sortir de terre, la champignonnière a été testée dans un local technique situé à proximité. 100.000 euros ont été nécessaires pour aménager les locaux actuels, qui s’étendent sur 200 mètres carrés. Plusieurs acteurs privés ou publics ont subventionné le projet pour qu’il puisse voir le jour, cette somme représentant un gros investissement pour l’association. Aujourd’hui, l’activité n’est «ni rentable, ni déficitaire» selon Violette Froger, chargée de projets. L’objectif est d’aller chercher de nouveaux clients.


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«30% de notre chiffre d’affaires se fait grâce aux Amap (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, NDLR)», détaille Sandrine Oger, la coordinatrice. Ensuite, une partie est vendue à des restaurants, à des particuliers via le bouche-à-oreille ou à prix préférentiel aux habitants du secteur. «À terme, on aimerait avoir plus de ressources. On pourrait produire plus mais il faut un circuit de commercialisation», note la présidente Marie-Hélène Nedelec. Une attention particulière est portée au gaspillage ; pas question de surproduire. Après un an et demi de fonctionnement, l’association a déjà été sollicitée par d’autres structures intéressées par le modèle. Pour l’heure, Environnements Solidaires se concentre sur ses activités qui dépassent largement la culture de champignons. Outre une ferme urbaine située alentours, elle œuvre aussi en faveur du réemploi et de l’écocitoyenneté dans le quartier.

Le tag «Champignonnière» a été réalisé par un artiste du quartier.
LT/Le Figaro