Détentions arbitraires dans des prisons secrètes, torture des « ennemis combattants » par simulation de noyade… Dans la longue guerre contre la terreur décrétée par George Bush après les attentats du 11 septembre 2001, la CIA n’a pas fait que s’affranchir des lois de la guerre et piétiner les droits humains en Afghanistan. Une enquête méticuleuse du Washington Post, a révélé, mercredi 12 novembre 2025, que les agents de l’agence du renseignement américaine – certains du moins — firent montre d’une louable inventivité.
Un somptueux pavot rouge
À partir de l’automne 2004, des vols nocturnes de C-130 organisés par la division du crime et des narcotiques de la CIA ont largué sur les champs de pavot du Nangarhar (est de Kaboul) et du Helmand (sud de l’Afghanistan) des milliards et des milliards de graines. Mais d’une espèce particulière : un somptueux pavot rouge précoce, patiemment sélectionné en raison de son incapacité à produire un opium transformable en morphine base puis en héroïne.
Le pari des agents secrets était que l’espèce invasive supplanterait les variétés cultivées dans ces deux provinces, épicentres de la drogue afghane, ou les affadirait par hybridation.
Interdiction de l’opium
Cela devait réduire la corruption du gouvernement Karzaï, installé par les Occidentaux, priver de ressources les insurgés talibans et tarir le flux d’héroïne en Europe. Cette option fut préférée à d’autres, plus radicales et mortifères, comme l’épandage de glyphosate telle qu’il fut pratiqué par les Américains sur la coca de Colombie.
Le résultat n’a jamais été vraiment évalué : la production chuta jusqu’en 2011 avant de remonter et la CIA cessa de jardiner faute de fonds. C’est finalement le retour des talibans au pouvoir, en 2021, et l’interdiction de l’opium qui a réduit la production de 95 % en 2023. Un indice suggère que la CIA avait peut-être en partie réussi. Selon l’Onu, la production d’opium (repartie à la hausse de 19 % l’an dernier) a migré de ses zones traditionnelles vers le nord est du pays.