Le gouvernement travailliste britannique a défendu dimanche sa vaste réforme destinée à lutter contre l’immigration irrégulière, notamment la restriction de la protection accordée aux demandeurs d’asile, assurant que ce sujet ultra-sensible « déchire » le pays.
Deux mesures phares de ce plan, dont la présentation détaillée doit être faite lundi au Parlement, ont été dévoilées samedi soir par le ministère de l’Intérieur : la réduction de la protection accordée aux réfugiés, qui seront forcés de rentrer dans leur pays d’origine dès que celui-ci sera jugé sécuritaire, et la suppression de l’accès automatique aux aides sociales pour les demandeurs d’asile.
Interrogée dimanche sur la BBC et sur Sky News, la ministre de l’Intérieur, Shabana Mahmood, a défendu en bloc ces premières mesures.
Née dans une famille originaire du Pakistan, elle a déclaré à la BBC que si l’immigration fait absolument partie de son expérience de vie, elle ressent un devoir moral de lutter contre l’immigration irrégulière, qui déchire notre pays.
Cette immigration divise les communautés. Les gens constatent une énorme pression dans leurs communautés et ils voient également un système défaillant, a-t-elle assuré.
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La ministre de l’Intérieur de la Grande-Bretagne, Shabana Mahmood. (Photo d’archives)
Photo : Reuters / Toby Melville
Arrivé au pouvoir en juillet 2024, le gouvernement de Keir Starmer est sous pression quasi quotidienne pour freiner les arrivées de migrants. Depuis plusieurs mois, il est largement devancé dans les sondages par le parti Reform UK de Nigel Farage.
Cet été, de nombreuses manifestations ont eu lieu devant des hôtels qui hébergent des demandeurs d’asile et une manifestation organisée par l’extrême droite à Londres à la mi-septembre a réuni jusqu’à 150 000 personnes, selon la police.
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La marche « Unite the Kingdom », organisée pour convaincre le gouvernement britannique de restreindre davantage l’immigration, s’est déroulée à Londres le 13 septembre 2025.
Photo : Getty Images / Christopher Furlong
Dans ce contexte, le gouvernement a promis de faire baisser le nombre de migrants qui traversent la Manche à bord d’embarcations de fortune. À ce titre, un accord a été conclu cet été avec Paris qui consiste à renvoyer en France des migrants arrivés au Royaume-Uni à bord d’embarcations précaires.
Il demeure que depuis le 1er janvier, 39 292 personnes ont débarqué sur les côtes anglaises, un nombre qui dépasse les 36 816 personnes de l’année dernière.
Réagissant aux annonces britanniques, le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot a estimé dimanche sur les médias France Inter, France Info TV et Le Monde que ces annonces répondent aux attentes de ses voisins européens.
Demande de restriction des visas
Au Royaume-Uni, la restriction de la protection des réfugiés était une mesure jusqu’ici défendue par Nigel Farage, qui avait annoncé qu’en cas d’arrivée au pouvoir, il obligerait les migrants – y compris ceux déjà régularisés – à demander un visa tous les cinq ans.
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Le chef du parti Reform UK, Nigel Farage, lors d’une réunion électorale à Clacton-on-Sea, sur la côte est de l’Angleterre. (Photo d’archives)
Photo : Reuters / Isabel Infantes
Le nouveau système, largement inspiré du modèle restrictif danois, réduira de moitié la durée de leur séjour (de 5 ans à 30 mois) et multipliera par quatre le délai nécessaire pour demander à devenir résident permanent (de 5 à 20 ans).
Les réfugiés qui souhaitent devenir résidents permanents plus vite devront travailler ou étudier, selon le ministère.
Quant aux aides sociales, le gouvernement veut les supprimer pour ceux qui ont le droit de travailler et qui peuvent subvenir à leurs besoins.
L’opposition conservatrice a quant à elle dénoncé des mesures superficielles qui ne changeront pas grand-chose. C’est comme réarranger les chaises longues sur le Titanic, a tancé sur la BBC le député Chris Philip.
Vinnie Joseph, un Londonien de 27 ans rencontré par l’AFP, admet lui aussi avoir des doutes sur l’efficacité de cette réforme. Selon lui, la seule chose qui pourrait infléchir la tendance, c’est de s’attaquer à la source du problème, soit les réseaux de passeurs.
À la BBC, la ministre Mahmood s’est dite consciente qu’elle allait devoir convaincre les gens dans tout le pays, pas seulement au Parlement […], que ces réformes peuvent fonctionner. La première étape consistera sans doute à convaincre l’aile gauche de son parti.
Fin juin, le gouvernement avait été contraint de reculer sur son projet de loi visant à couper dans les allocations aux personnes handicapées à la suite de la mobilisation d’une centaine de députés de son camp.