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Guillaume Laurens

Publié le

16 nov. 2025 à 18h18
; mis à jour le 16 nov. 2025 à 18h37

Quelques jours après avoir confirmé sa candidature, le locataire du Capitole mène officiellement campagne pour les Municipales 2026. Aux commandes de la future 3e ville de France depuis 2014 – après l’avoir déjà été entre 2004 et 2008 -, Jean-Luc Moudenc, 65 ans, pourrait devenir s’il est réélu le maire à la plus grande longévité dans l’histoire de Toulouse. Ses projets, sa liste, mais aussi l’union de la gauche et la menace inédite du RN dans la Ville rose… Le premier magistrat (DVD) sortant se livre dans un entretien à Actu Toulouse.

Actu : En 2020, vous aviez indiqué que le mandat 2020-2026 serait celui de la proximité, avec surtout des projets de quartier. Quel est cette fois l’esprit général de votre campagne ?

Jean-Luc Moudenc : Le contexte a changé, le monde aussi. En 2020, on avait choisi la proximité, et on l’a fait, puisqu’on a multiplié les outils de participation citoyenne à un niveau qu’aucune municipalité n’avait fait jusqu’ici. Avec le projet Mes idées pour mon quartier, on a fait participer les Toulousains comme jamais auparavant, la promesse a été tenue.
Le mandat 2026-2032 s’inscrit dans un contexte très différent, où l’instabilité est permanente, jusqu’à la direction de notre pays. Il est important d’éviter à Toulouse la paralysie que l’on subit au niveau national.
Nous avons la chance de vivre dans une métropole en développement, une ville attractive, ce qui a permis à beaucoup de projets de voir le jour, il faut conserver ce dynamisme toulousain. Donc si je dis qu’il faut protéger l’avenir, c’est parce que les projets ne pourront être mis en œuvre que si l’on garantit une équipe municipale solide, de sensibilités diverses mais qui a prouvé son unité, et apte à prendre des décisions. C’est cela que j’incarne.

Quels seront vos principaux projets pour Toulouse ?

J.-L.M. : Pour l’heure, on est surtout en train de préparer la liste, et notre nouvelle équipe sera présentée avant Noël.
Pour autant, j’ai déjà pris trois engagements. Le premier, c’est d’aller plus loin en matière de sécurité, car c’est le premier sujet de préoccupations des habitants. C’est ainsi que je propose que chaque rue de Toulouse bénéficie d’au moins une caméra.
Ensuite, pour répondre aux enjeux de santé et de pouvoir d’achat, je prévois de généraliser la mutuelle communale. Jusqu’ici, c’est un succès : elle est réservée aux seniors, plus de 5 800 d’entre eux en bénéficient et 39 % n’avaient plus de couverture complémentaire santé.
Enfin, je prends l’engagement de la stabilité fiscale sur les deux impôts locaux qui restent à la main des élus : la taxe foncière et la cotisation foncière des entreprises. C’est le fil rouge de notre action.

Sur le projet d’une caméra par rue, sachant qu’il y a 3 801 rues à Toulouse, comment va se concrétiser votre idée ?

J.-L.M. : Je n’ai pas dit une caméra par rue, mais j’ai proposé que chaque rue bénéficie d’au moins une caméra, c’est différent, car on a parfois la possibilité d’en placer à des intersections qui bénéficient à plusieurs rues, alors que dans d’autres rues, il faudra plusieurs caméras… Le principe est assez souple.

Vidéos : en ce moment sur Actu« Nous allons proposer ce que l’on appelle l’onde verte »

Y a-t-il un autre projet pour cette campagne dont vous pourriez nous parler ?

J.-L.M. : Dans le programme, nous allons proposer ce que l’on appelle l’onde verte.

C’est-à-dire ?

J.-L.M. : L’idée, c’est d’assurer une meilleure fluidité sur certains axes de Toulouse, à condition que la vitesse y soit modérée, à 30 km/h, pour ne pas mettre en danger les piétons.
Concrètement, sur certains boulevards ou avenues un peu longues, on a des successions de feux. Jusqu’ici, quand un feu est vert, on s’arrange pour que les suivants soient au rouge, ce qui entraîne des ‘stop and go’ en cascade. Avec l’onde verte, le principe, c’est que quand un feu est au vert, le suivant situé un peu plus loin passe au vert et ainsi de suite.
Des villes comme Paris et Bordeaux l’ont fait. Je propose de l’instaurer dans certains quartiers périphériques, sur l’avenue de Lardenne et la route de Paris par exemple. Cela peut amener de la fluidité, mais aussi d’autres bénéfices pour notre ville, puisqu’à partir du moment où on diminue le nombre d’arrêts et redémarrages des véhicules, on baisse aussi les émissions polluantes.
Quant aux piétons, lorsqu’on est sur ces axes un peu longs et qu’il y a un passage, on peut également prévoir d’instaurer un minutage : une horloge qui décompte les secondes pour traverser. C’est quelque chose qui n’existe pas à Toulouse.

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Quelles autres propositions allez-vous présenter ?

J.-L.M. : Nous avons prévu de dérouler les projets à partir de janvier. Je défendrai un programme financé et finançable. On ne va pas faire tout et n’importe quoi, car la situation financière dramatique qui touche notre pays et qui amène l’État à ponctionner notre budget ne cessera malheureusement pas. Je laisse mes opposants promettre la lune et raconter des histoires aux Toulousains, mais je ne m’y risquerai pas.

« Toulouse est la 3e ville de France, mais le Stadium est le 13e stade »

Vous avez aussi avancé l’idée d’agrandir le Stadium de 10 000 places. Pourquoi 43 000 ? Et qui paierait ?

J.-L.M. : Je souhaite que cette question dont on parle depuis longtemps puisse trouver une solution dans le mandat qui vient et je ferai tout pour qu’aboutisse un projet permettant d’agrandir le Stadium à 43 000 places.
J’avais demandé au Téfécé et au Stade Toulousain de réfléchir à la bonne jauge pour avoir le regard des deux clubs, et pas uniquement celui du club résident principal. Au 2e trimestre 2025, Damien Comolli et Didier Lacroix (respectivement ex-président du TFC et président du Stade, NDLR) sont venus nous voir et nous ont présenté leur projet. Un Stadium à 43 000 places, c’est à leurs yeux la jauge la plus pertinente, je me cale sur leur réflexion.

Qui le financerait ? Et qui en serait le gestionnaire ?

J.-L.M. : Là-dessus, tout reste à faire. Je n’envisage évidemment pas de projet qui ne reçoive l’aval des deux clubs. Ce n’est pas à la collectivité de décréter ce projet, qui doit être porté par les deux clubs et principalement par le Téfécé.
La formule de financement sera fonction du choix de gestion qui sera fait. Est-ce qu’on reste en gestion publique, ou est-ce qu’on délègue à un interlocuteur professionnel qui serait capable de rassembler tout à la fois le Téfécé, le Stade Toulousain et un entrepreneur de spectacles ?

Est-ce que le projet d’agrandissement d’Ernest-Wallon entre en ligne de compte ?

J.-L.M. : C’est un dossier parallèle, car on est sur deux situations juridiques différentes : le Stadium est propriété de la Métropole, le Wallon appartient à l’association des amis du Stade Toulousain. Mais la réflexion doit être partagée.
Il y a dans les tuyaux un projet d’agrandissement porté par le Stade Toulousain et on doit choisir une jauge cohérente avec le fait qu’on agrandirait le Stadium, où les Rouge et Noir iraient jouer plus souvent. Il y a un besoin d’agrandissement du Wallon, l’hypothèse travaillée est de rajouter 5 000 places en privilégiant les hospitalités, ce qui permettrait au club d’accueillir davantage de partenaires et c’est important car ça rapporte des recettes.
Pour résumer, ce sont des réflexions à partager avec le Département et la Région, mais je suis favorable à l’agrandissement des deux stades, car il y a un double besoin. Et si Toulouse est devenue la 3e ville de France, le Stadium est seulement le 13e stade de France, il y a un vrai sujet !

Dans un tout autre registre, vous avez aussi évoqué la réflexion de l’après-métro sur les transports en commun. Qu’envisagez-vous ?

J.-L.M. : Nous sommes l’agglomération française à la plus forte croissance, et celle qui investit le plus sur les transports en commun, hors Paris. Il y aura donc un après ligne C. Et pour moi, le principal sujet, c’est de se demander comment faire profiter de cette troisième ligne à des territoires qu’elle ne desservira pas. Quelle restructuration des lignes de bus prévoir pour faire en sorte que des quartiers ou communes puissent avoir accès à la ligne C ? C’est l’idée à travailler.
D’autres investissements seront nécessaires : je suis favorable à envisager des projets autour de nouvelles lignes de bus, de Linéo, ou de Ligne Express, sur le modèle de ce que nous venons de faire avec succès entre Basso-Cambo et Muret.

Envisagez-vous d’annoncer une 4e ligne de métro, ou une nouvelle ligne de tram ?

J.-L.M. : En ce qui me concerne, non !

« Le RN peut aider les insoumis à conquérir le Capitole »

Quel est votre regard sur la situation à gauche où deux à trois listes sont sur la ligne de départ ?

J.-L.M. : J’observe depuis le début du mandat beaucoup de divisions à gauche, pas simplement politiques, mais de très fortes divergences sur des sujets importants pour Toulouse. Pour autant, je prédis qu’à la fin, tout ce petit monde se mettra ensemble et qu’il y aura une seule liste malgré l’ampleur des désaccords.
Ils ont tous critiqué le métro, mais certains l’acceptent, quand d’autres le combattent encore. Certains sont pour la LGV, d’autres sont contre. Certains sont pour le développement économique un peu comme nous, d’autres sont pour la décroissance. Certains sont pour augmenter la fiscalité, d’autres se taisent.
Si jamais une telle coalition gagnait, ce serait faire courir à Toulouse un risque de paralysie avec une équipe municipale divisée, qui aurait du mal à prendre des décisions et faire des choix clairs.

Et le RN à 10 %, cela vous préoccupe ?

J.-L.M. : Le RN n’a pas encore de candidat, et n’a pas de projet ni de réflexion sur Toulouse. À la vérité, il n’en a jamais eu, c’est le vide sidéral. Mais il a des électeurs et on les connaît. Malgré l’opprobre que certains aimeraient jeter sur eux, ce ne sont pas des fascistes, ni d’extrême droite, mais des gens déçus, en colère sur des sujets de politique nationale, qui traînent depuis des années et que la France n’a jamais réglés. Et puis, la situation nationale délétère que l’on vit depuis un an et demi avec une Assemblée bordélisée, assure jour après jour des voix supplémentaires au RN.
Je dis à ces électeurs qui sont en colère de bien réfléchir et de ne pas mélanger politique nationale et locale. Les gens ne le savent pas, mais si la liste RN fait 10 %, il sera au second tour alors qu’il n’a aucune chance de gagner la ville. Or, en cas de triangulaire, les voix que bloquera le RN permettront aux insoumis et à leurs alliés de prendre la direction de la ville, autrement dit d’aboutir à une situation totalement contraire à ce qu’ils veulent. Pour éviter le risque mélenchoniste, le seul vote efficace dès le premier tour est le bulletin de la liste je conduirai.

Face à ce risque RN, comptez-vous mettre le cap à droite ?

J.-L.M. : Je ne sais pas si les électeurs en colère veulent forcément un cap à droite. Ils souhaitent une clarté sur certains sujets et de la détermination. En matière de sécurité, j’ai fait des choix très forts comme aucun maire de Toulouse auparavant. On est passé de 21 caméras à 680, de 175 policiers municipaux à 390… C’est une action qui a été bénéfique pour la ville et ce sont de telles réponses concrètes qu’attendent les électeurs. Et puis, la sécurité ce n’est pas forcément de droite.

Finalement, quel est votre principal adversaire : François Piquemal ou le RN ?

J.-L.M. : Le RN est celui qui peut aider le plus mes opposants à conquérir le Capitole.

Au sujet de la plainte déposée par Anticor à votre encontre, est-ce que cela vous inquiète que l’affaire ressurgisse avant le premier tour ?

J.-L.M. : Je ne suis pas particulièrement inquiet, car je sais ce que j’ai fait et pas fait. J’ai respecté les lois de la République. Mais le risque existe : si ce dossier sort à quelques mois des Municipales, ce n’est pas le fruit du hasard, c’est parce que certains de mes opposants voudraient me disqualifier pour ce scrutin, en me jetant l’opprobre et en sapant ma probité. Nul n’est dupe, on voit bien à qui tout cela peut profiter. La justice est saisie de ce dossier. Mon souhait, c’est que l’enquête se fasse, qu’elle avance et me permette de donner mon témoignage.

« Il y aura d’autres surprises » sur la liste

Vous avez présenté un premier colistier, y aura-t-il d’autres surprises sur votre liste ?

J.-L.M. : C’est important pour moi de montrer que le maire en place est capable de proposer du renouvellement, avec des personnalités nouvelles qui amènent d’autres sensibilités et compétences, et qui ne soient pas liées à notre bilan.
La première candidature que j’ai présentée est celle de Guillaume Duval, président de la Fédération des commerçants, car j’ai souhaité que le petit commerce, en difficulté, soit davantage écouté.
Il y aura d’autres surprises. Je présenterai un certain nombre de colistiers qui n’appartiennent à aucune formation politique et ont des compétences variées : il y aura des candidatures dans le domaine des sports, de la santé, des jeunes actifs… Une diversité de profils qui viendra enrichir la liste et s’ajouter à l’expérience que représentent les sortants.

Vous avez également annoncé que ce serait votre dernier mandat. Avez-vous désigné votre successeur, et sera-t-il dans votre équipe ?

J.-L.M. : Je n’ai pas l’intention de conduire une liste en 2032, j’ai préféré le dire par honnêteté. Quant au reste, on a le temps ! Je ne suis pas là pour ouvrir la succession. Honnêtement, je n’en sais rien et je n’ai pas fait de choix.
Mais à titre personnel, je ne suivrai pas le chemin d’André Laignel (n°2 de l’Association des maires de France, premier magistrat d’Issoudun depuis 48 ans, NDLR), même s’il a d’excellentes qualités !

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