Réalisation Le Lab Le Diplo
Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie)
Nucléaire civil, gazoducs, terres rares et architecture régionale : Ce que révèle réellement la déclaration du 12 novembre
L’accord signé par Vladimir Poutine et Kassym-Jomart Tokaïev marque bien plus qu’un simple approfondissement des relations bilatérales. Derrière la rhétorique diplomatique, il s’agit d’un repositionnement stratégique lourd de conséquences pour l’Eurasie. À un moment où Moscou cherche des partenaires fiables après son isolement occidental et où Astana s’efforce de préserver sa marge d’autonomie tout en évitant un affrontement avec son grand voisin, cette alliance apparaît comme une synthèse réfléchie d’intérêts convergents.
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Un partenariat réservé à quelques nations
La Russie ne signe ce type de déclaration qu’avec un nombre très limité d’États. Que le Kazakhstan rejoigne ce groupe restreint indique une volonté politique claire : consolider un lien que la géographie, l’histoire et les infrastructures ont déjà rendu indispensable. Les deux dirigeants prônent un ordre mondial “juste et multipolaire” et une sécurité “indivisible en Eurasie”, autant de formules qui traduisent la volonté de s’affranchir de la tutelle occidentale et de bâtir une architecture régionale fondée sur l’interdépendance.
L’énergie au cœur de la convergence
L’élément central de l’accord reste l’énergie. Moscou réaffirme son engagement à construire la première centrale nucléaire kazakhe, projet clé pour un pays encore très dépendant du charbon. Parallèlement, les deux États visent une intégration accrue de leurs systèmes énergétiques : la Russie souhaite étendre ses livraisons de gaz vers les zones industrielles du Nord et de l’Est du Kazakhstan, tout en important du charbon kazakh et en assurant des transferts d’électricité.
À cette logique bilatérale s’ajoute un volet trilatéral impliquant l’Ouzbékistan et Gazprom, qui couvre le gaz naturel liquéfié et la modernisation du réseau de gazoducs d’Asie centrale. L’objectif est clair : ancrer durablement la Russie comme acteur incontournable des flux énergétiques régionaux.
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La Caspienne et les infrastructures critiques
La gestion des ressources hydriques du bassin caspien constitue un autre axe stratégique. La baisse du niveau des eaux inquiète l’ensemble des États riverains : coordonner leur protection signifie préserver la stabilité d’un espace vital pour les routes énergétiques et les activités portuaires.
Dans ce contexte, le Caspian Pipeline Consortium occupe une place centrale. Le Kazakhstan dépend fortement de ce corridor pour ses exportations de pétrole ; Moscou, malgré des tensions sporadiques, affiche sa disponibilité à en soutenir le fonctionnement et l’extension. Un geste qui renforce son influence tout en évitant d’apparaître comme un obstacle.
Terres rares et chimie : La dimension technologique
Le Kazakhstan figure parmi les pays les mieux dotés en terres rares et minerais critiques, essentiels pour les technologies de pointe. Que Moscou souhaite intensifier la coopération dans ce domaine n’a rien d’étonnant : il s’agit de sécuriser des matériaux sensibles alors que les États-Unis, l’Union européenne et la Chine cherchent à diversifier leurs approvisionnements.
Le fait que Donald Trump ait évoqué le même sujet avec Tokaïev à Washington montre à quel point l’Asie centrale est devenue un terrain de compétition stratégique.
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Langue, sécurité et influence
La promotion de la langue russe comme instrument de communication au sein de la Communauté des États indépendants n’est pas anodine. Elle s’inscrit dans une stratégie d’influence culturelle qui vise à maintenir la Russie au centre du paysage post-soviétique, à un moment où une partie de la jeunesse kazakhe regarde vers la Turquie, la Chine ou l’Occident.
Sur le plan sécuritaire, la notion d’une “sécurité qui ne se construit pas au détriment des autres” est une critique implicite de l’OTAN. Moscou et Astana affirment ainsi leur volonté de privilégier des équilibres eurasiens autonomes.
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Tokaïev et la politique de l’équilibre maîtrisé
Le président kazakh insiste sur la continuité du lien avec Moscou depuis l’indépendance. Au-delà du discours, cette position reflète une réalité géopolitique incontournable : un intérêt vital pour le Kazakhstan à éviter une rupture avec la Russie, tout en poursuivant une diplomatie multi-vectorielle. L’accord signé à Moscou sert à la fois de garantie, de signal de stabilité et de levier stratégique.
Un partenariat structurant
En somme, cette alliance articule énergie, sécurité, infrastructures, technologie et identité culturelle dans un cadre commun. Elle contribue à façonner une Eurasie plus intégrée autour de l’axe russo-kazakh, dans un moment où la compétition entre grandes puissances redéfinit les marges de manœuvre régionales.
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