La tradition remonte au lendemain de la Première Guerre mondiale. Les premiers émigrés italiens, majoritairement des pêcheurs, quittent Sperlonga pour Marseille, attirés par l’activité du port. Installés dans le quartier Saint-Jean, au Panier, les familles Galli, Petronio, Fusco, Ciccarelli, Fragione et d’autres y recréent une communauté soudée autour de la foi et des traditions. Rapidement, l’idée s’impose : célébrer saint Léon, le patron de leur village d’origine, dans leur ville d’adoption.
« Nos parents ont voulu continuer ce qu’ils faisaient à Sperlonga », explique Marie, qui coordonne aujourd’hui la fête avec son amie Joséphine. « Mon père, Benedetto Galli, et Luigi Petronio, qui organisait déjà la fête en Italie, ont décidé de la mettre en place ici à Marseille. » Depuis, la Saint-Léon se transmet au sein des familles. « La première génération n’est plus là, mais nous, les enfants et petits-enfants, continuons la tradition. Même nos arrière-petits-enfants commencent à y participer. »
Le rendez-vous était fixé cette année le 16 novembre sur l’esplanade de l’église Saint-Laurent. En raison d’une météo peu clémente, la procession jusqu’à la cathédrale de la Major avec la statue du saint patron sur les épaules n’a pas pu avoir lieu, mais la bénédiction du port, des bateaux et de Marseille aurait, elle, été donnée même sous le déluge.
Alors que le nouveau Pape se nomme Léon XIV, le père Didier Rocca avait une accroche d’actualité toute trouvée. « C’est l’occasion de raviver la figure de saint Léon, courageux pasteur romain qui fut pape au Ve siècle », a commencé le prêtre de Saint-Laurent et des Accoules. « Il a désarmé Attila avec sa foi », continue-t-il, y voyant un message de paix.
« Cultiver une identité, sans être identitaire »
La messe s’est déroulée avec l’aide des membres de la confrérie de Notre-Dame-de-la-Major, née il y a 3 ans et sous le regard des Templiers, issus de l’ordre des Templiers d’aujourd’hui (reconnu par le Vatican), qui étaient en charge de veiller sur les reliques et les fidèles. Parmi les fidèles, quelques figures bien connues de la communauté comme l’ex-footballeur/entraîneur Léon Galli.
« Je suis très étonnée de voir perdurer cette tradition, la transmission s’opère et c’est merveilleux. Des jeunes reviennent », se réjouit le père Roca. Et ce qui plaît aux jeunes, c’est qu' »on cultive une identité, sans être identitaire. On est ouvert à tous ».
Au fil des décennies, la communauté s’est dispersée, certaines familles quittant le centre-ville après la destruction de quartiers historiques. Mais pour cette célébration, beaucoup reprennent le chemin des vieux quartiers pour honorer leur saint et leurs racines. « Beaucoup de monde revient pour la fête. C’est un héritage que nous tenons de nos parents. Nous sommes des familles catholiques et nous voulons continuer cette tradition », souligne Marie, habitante du Panier. « Nous sommes restés un village », assure Marc Franceschi, de la confrérie de la Major et petit-fils d’une Sperlongana. « Ma grand-mère m’emmenait à la Saint-Léon quand j’étais petit, ça fait partie de ma culture. Mes grands-parents sont arrivés en 1932 à Marseille, ils ont tout perdu en 1943 avec la destruction du quartier par les Allemands, mais ont fini par y revenir en 1947. »
Aujourd’hui, la fête dépasse le cercle des seuls descendants de Sperlonga et s’inscrit dans la vie paroissiale du quartier. « Les Sperlongani qui sont restés dans le quartier sont très contents que l’on continue de célébrer saint Léon chez nous », conclut Marie.
Chaque automne, la Saint-Léon fait revivre un peu de la Méditerranée italienne dans les ruelles du Panier, fidèle à la mémoire des pêcheurs venus jeter l’ancre à Marseille.
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