Les pronucléaires aiment à le rappeler (et à raison): la majorité de l’électricité française est décarbonée, en raison de la prépondérance du nucléaire dans sa production. Mais se limiter à ce constat revient à regarder par le petit bout de la lorgnette. Cela masque en effet la quantité d’énergies fosssiles que nous utilisons pour nous chauffer, nous déplacer, mais aussi pour consommer des biens et services. Dans un rapport récent, le Shift Project propose une autre approche: l’exposition énergétique.

« Les activités des entreprises et les modes de vie en France nécessitent à la fois de l’énergie sur le territoire (dans nos bâtiments, nos véhicules, nos usines…) et en dehors du territoire (production de biens et services importés, transport de marchandises…), explique le think-tank. L’exposition énergétique de la France inclut l’énergie consommée sur le territoire, celle associée à nos importations de biens et de services et celle contenue dans nos propres exportations. »

Dépendances américaines et africaines

Cette exposition énergétique de la France représentait, en 2022, 2 550 TWh, soit une quantité d’énergie 5 fois supérieure à celle produite sur le territoire français. Elle se compose à 70% d’énergies fossiles, ce qui expose le pays à plusieurs risques, tels que les pénuries d’approvisionnement en énergies fossiles, les dépendances industrielles, ou encore les tensions géopolitiques.

Les routes énergétiques ont en effet connu de nombreux bouleversements: autrefois principal fournisseur de gaz et de pétrole de la France et de l’Europe, la Russie a été évincée du marché depuis son invasion totale de l’Ukraine en février 2022. Les exportations de pétrole et de gaz du Moyen-Orient vers la France et l’Europe ont également diminué.

Côté méthane, ce sont les Etats-Unis qui ont pris le relais comme premier fournisseur de l’UE, grâce au gaz de schiste exporté sous forme de GNL, et dans une moindre mesure les pays européens. Côté pétrole, ce sont les pays africains qui ont augmenté leur production.

Risques multiples

Les importations de biens et de services induisent surtout, quant à elles, une dépendance vis-à-vis de l’Asie et notamment de la Chine, en quasi-monopole notamment sur les matières critiques (terres rares, silicium) et matériels (panneaux solaires, batteries, électrolyseurs), indispensables à la transition énergétique.

« 7 des 10 principaux fournisseurs de pétrole de la France risquent de voir leur production fortement décliner d’ici à 2050, alerte le Shift Project. L’écart croissant entre la production et la consommation de pétrole pourrait exacerber les tensions autour des approvisionnements à l’échelle mondiale. Plus de la moitié de la production mondiale de gaz naturel est concentrée aux Etats-Unis, en Russie et au Moyen-Orient. D’ici à 2050, ce monopole pourrait s’accentuer davantage. »

Pour rompre ces dépendances, le think-tank propose plusieurs pistes: planifier la décarbonation et réindustrialiser à l’échelle française et européenne, électrifier les usages et planifier la sortie des infrastructures fossiles, soutenir toutes les filières d’énergie bas-carbone, arbitrer et réduire la demande en énergie via l’efficacité et la sobriété, et enfin adresser la souveraineté énergétique de manière complète et éclairer le débat public. Vaste entreprise.