La base aérienne 107 de Villacoublay avait des allures de mini-salon du Bourget ce lundi matin pour la visite de Volodymyr Zelensky. Le président ukrainien a signé avec Emmanuel Macron une déclaration d’intention portant sur l’achat à la France de nombreux équipements de défense. L’Ukraine prévoit notamment d’acquérir jusqu’à 100 avions de chasse Rafale pour moderniser son armée de l’air. Le président français a rappelé la détermination à poursuivre le soutien à l’Ukraine. « Ce n’est pas seulement un devoir moral, c’est pour la sécurité collective des Européens », a-t-il souligné.
Cet appui tombe à pic pour Volodymyr Zelensky au moment où l’Ukraine est fragilisée par les avancées russes sur la ligne de front et par le scandale des ministres accusés de corruption. Le président ukrainien a aussi été rassuré par Donald Trump, qui a durci le ton à l’encontre de Vladimir Poutine.
Contrarié que ses efforts de paix en Ukraine soient au point mort à cause de l’intransigeance de son homologue russe, le président américain a imposé des sanctions contre Rosneft et Lukoil, deux géants pétroliers et gaziers russes. Donald Trump soutient aussi un projet de loi pour imposer des droits de douane de 500% aux pays qui commercent avec Moscou, y compris l’Inde et la Chine, afin d’étouffer l’économie de guerre russe.
Un contrat qui pourrait courir sur 10 ans
Le projet de l’Ukraine d’acheter une centaine de Rafale doit encore être concrétisé par la signature d’un contrat, dont le montant pourrait dépasser 10 milliards d’euros. Les premiers Rafale neufs ne seront pas livrés avant trois ans au plus tôt. L’accord porte sur une période de 10 ans et Paris ne va pas céder à l’Ukraine des avions déjà utilisés par l’armée française, contrairement aux Mirage 2 000 récemment transférés à Kiev.
La livraison risque de prendre du temps même si la France table sur une accélération des capacités de production du Rafale et si la formation des pilotes ukrainiens sera facilitée par le fait qu’une partie ont déjà été formés pour voler sur les Mirage.
« Doter l’armée ukrainienne de demain »
La question du financement est cruciale. La visite de Volodymyr Zelensky n’a pas permis d’y voir plus clair, alors que l’Ukraine manque cruellement d’argent face à la Russie qui consacre un tiers de son budget à l’effort de guerre. Le président ukrainien souhaite qu’une solution soit trouvée pour utiliser les 210 milliards d’euros d’avoirs russes gelés en Europe. L’Union européenne étudie la possibilité d’un prêt de réparation basé sur les dommages de guerre dus par la Russie mais cette proposition se heurte à des obstacles juridiques.
Volodymyr Zelensky a évoqué le projet de fabriquer en Ukraine une partie des pièces du Rafale, ce qui permettrait de bénéficier du programme Safe qui mobilise des prêts de 150 milliards d’euros pour financer des achats d’armement en commun et renforcer l’industrie de défense européenne.
Dans tous les cas, les Rafale ne vont pas changer le cours de la guerre actuelle, du moins dans l’immédiat. Ils sont d’ailleurs pensés pour être livrés à l’Ukraine après la conclusion d’une paix qui reste hypothétique. Pour Emmanuel Macron, l’idée est de « doter l’armée ukrainienne de demain » car il sera nécessaire de « dissuader la Russie de lancer une nouvelle agression le jour où la paix est signée ». L’accord franco-ukrainien prévoit toutefois la livraison « à très court terme » de drones et de bombes guidées, puis en 2026 ou 2027 de « Mamba » de nouvelle génération, le système franco-italien de défense sol-air SAMP-T.
« L’addiction de la Russie pour la guerre »
La visite de Volodymyr Zelensky lui a permis de constater l’avancement de la force multinationale qui veillera au respect de la paix. Une soixantaine de planificateurs représentant 16 des 34 pays de la « coalition des volontaires » ont commencé à travailler au sein de l’état-major de cette force dont le QG est au Mont Valérien, près de Paris. Cette « force de réassurance » est prête à être déployée en retrait de la ligne de contact dès le cessez-le-feu, avec l’objectif d’empêcher une nouvelle attaque russe.
« Tout est prêt pour la paix. La Russie seule s’y refuse », commente Emmanuel Macron, qui dénonce « une forme d’addiction pour la guerre ». Le choix de la France de soutenir l’Ukraine coûte que coûte résistera-t-il à l’élection d’un nouveau président ou d’une nouvelle présidente en 2027 ? « J’espère une paix avant 2027 », explique Emmanuel Macron qui compte sur le débat démocratique et dresse un parallèle avec les revirements de Donald Trump. « Cela devrait en inspirer beaucoup et les rendre moins péremptoires », estime-t-il au sujet des politiques qui remettent en cause le soutien à l’Ukraine.